Blood Island – Chul-soo Jang
Kim Bok-nam salinsageonui jeonmal. 2010Origine : Corée du sud
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Hae-won travaille dans une banque à Séoul. Elle met du cœur à l’ouvrage et n’hésite pas à refuser des emprunts aux pauvres vieilles. Parallèlement, elle subit l’écrasante domination masculine par le biais de voyous qui la menacent, et par celui de son patron qui couche avec ses employées… Elle décide de se rendre sur son île natale pour échapper à tout ça.
Là bas, Bok-nam, son amie d’enfance restée sur l’île, est bien contente de la retrouver. En effet elle espère trouver un soutient face à son mari qui la bat et face aux femmes de l’île qui l’humilient sans cesse…
Blood Island ne commence pas comme un film d’horreur traditionnel. Sa très longue introduction a de quoi dérouter les spectateurs venus chercher l’effroi. En effet, le réalisateur prend son temps. Le temps de poser calmement son intrigue, et celui de dresser un double portrait à la fois assez subtil et très tranché dans ses oppositions et sa symbolique.
Cela commence donc par une dichotomie ville / campagne très (trop ?) marquée. Le film appuie lourdement son propos, n’hésitant pas à recourir à un certain nombre de clichés. Ainsi, la « grande ville » est rapidement présentée comme le royaume de la modernité et de l’individualisme, un monde où les gens, uniformisés par les costumes, détournent le regard et n’aident pas les personnes en difficulté. Tandis qu’à l’inverse, la « campagne profonde » est décrite comme peuplée de bouseux à la limite de la débilité, qui vivent presque sans électricité ni téléphone et ignorent tout de la civilisation pour se complaire dans des valeurs arriérées. Chacune des deux femmes représentant ce monde. Hae-won a les cheveux bien peignés et préfère faire du yoga que venir en aide à son amie. Bok-nam, hirsute et mal habillée, se tue à la tâche et fait preuve d’une grande naïveté sur le monde… Un peu manichéen tout de même ! Cela pourrait être gênant si cette description qui va loin dans les extrêmes ne s’accompagnait de petites touches plus subtiles. Ainsi, si les descriptions des deux monde s’opposent nettement, elles ont tout de même pour point commun leur franche hostilité envers les deux héroïnes. Comme quoi finalement, à la ville comme à la campagne la société est bien la même dans ses fondements.
Et si c’était cela que le réalisateur voulait dénoncer par son procédé ? Il est vrai que la longue introduction prend des airs de satire sociale à la fois très féroce et très violente. Le discours du film est sans équivoques sur ce plan là. Et la société décrite est très clairement misogyne. Les femmes ont a subir tous les affronts, jusqu’à la lie, jusqu’à ce qu’elle finissent par intérioriser totalement cette hiérarchie machiste. A l’image du matriarcat de vieilles qui règne sur l’île, totalement imprégnées de la domination masculine. Elles ne remettent plus rien en question et agissent comme des monstres froids, toutes dévouées à la domination de l’homme.
Tout ce début de film a donc une portée symbolique très forte. Le réalisateur n’hésitant pas à exagérer au maximum les situations, faisant fi du réalisme pour illustrer son propos ( à ce titre, la scène de la venue du policier sur l’île suite au drame clé, dont je ne parlerai pas pour ne pas déflorer l’histoire, est très parlante…). Il en résulte donc une légère tendance au misérabilisme, qui peut agacer. Toutefois, ce n’est pas le seul but de cette première partie. L’enchaînement de vexations et de violences que subit surtout Bok-nam sert évidemment à préparer, et justifier la suite. Une suite qui ne saurait être autre qu’un massacre sans merci.
La deuxième partie est évidemment attendue, d’autres films du même genre sont déjà passés par là, dont le chef d’œuvre Les Chiens de paille ou encore le très fort Day of the woman de Meir Zarchi. Blood Island ne se démarque pas pour son originalité, ce qui ne l’empêche pas de revendiquer une efficacité assez saisissante. En effet, le film est dans l’ensemble très malsain et sacrément violent. D’une part parce que faire subir aux personnages des situations pour le moins extrêmes après avoir tout fait pour que le public s’attache à eux, c’est très cruel, et d’autre part parce que le déluge de violence gratuite qui suit est très dérangeant dans la mesure où cette violence est légitimée par la première partie, mais si intense qu’elle est difficilement défendable.
Ce qui ne gâche rien, la mise en scène est plutôt belle, et regorge de plans très originaux. Blood Island est très soigné sur ce plan là et fait même preuve d’une grand inventivité, notamment dans son final. Du coté du scénario, le climax fait en effet très slasher, avec tout les défauts et le manque d’originalité qui vont avec, mais à l’image la pilule passe sans problème, et c’est même créatif dans l’horreur et le meurtre. Je pense notamment à une décapitation fort jolie et des plus mémorables.
A ce titre, Blood Island se révèle particulièrement habile, jusque dans l’utilisation de la violence, pourtant des plus gratuites. C’est ce qui sauve le film de ses défauts cités plus haut. Et l’on pardonnera volontiers les excès et le manque de pertinence dans la mesure où la débauche d’effets se révèle assez manipulatrice : le scénario joue clairement avec le point de vue du spectateur, ce qui est toujours une chose intéressante et qui pousse à la réflexion. De fait, il sera très difficile de prendre totalement parti pour un personnage, tant l’histoire prend soin de les montrer d’abord sous un jour positif avant de lever le voile sur des défauts difficilement excusables.
De même, le film ondoie d’un genre à l’autre, et même entre les genres, ce qui lui permet au final de se doter d’une originalité particulière malgré la caractère attendu de l’intrigue.
Ainsi, s’il n’est pas exempt de défauts, Blood Island présente quand même l’aspect d’une bonne surprise, ce qui est plutôt rare dans le genre. Largement de quoi justifier un visionnage du film !