Birth – Jonathan Glazer
Birth. 2004.Origine : États-Unis
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Un homme court seul dans un parc enneigé. Passant sous un pont, il s’écroule. Mort. Dix ans plus tard, une femme, Anna, se recueille sur la tombe de celui-ci. C’était son mari. Entre-temps, elle s’est reconstruit. De nouveau amoureuse, elle s’apprête à épouser Joseph. Durant l’anniversaire de sa maman, l’impensable va s’immiscer dans la fête sous l’apparence d’un petit garçon de 10 ans qui se présente à Anna comme étant Sean, le défunt mari. Mauvaise blague ou réalité inimaginable ? Cet événement contribue en tout cas à considérablement perturber la pauvre femme.
Tout aussi abracadabrante qu’elle puisse paraître, cette histoire recèle en son sein un bon fond de cruauté. Ce que fait ce gamin, qu’il soit réellement celui qu’il prétend être ou qu’il le feigne, s’apparente ni plus ni moins à de la torture morale. Anna a déjà énormément souffert de la perte de son mari. On devine un long processus avant qu’elle puisse accepter ce deuil. Et c’est lorsqu’elle semble y être parvenue que tout s’effondre. Les plaies qu’elle croyait (espérait) refermées à jamais se sont réouvertes à cause du couteau qu’un vilain garnement s’amuse à remuer à l’intérieur, sans une once de compassion. Malgré leurs efforts, les membres de la famille d’Anna ne lui sont d’aucun secours. Elle se retrouve seule, tiraillée entre ses deux amours.
On devrait souffrir pour et avec elle, et ce n’est pourtant pas le cas. Sur ce postulat des plus casse-gueule, il y a un équilibre qui n’est jamais atteint. Le ton est trop compassé, trop ouvertement dramatique. A tel point que les atermoiements d’Anna prêtent davantage à sourire qu’à nous sensibiliser à son désarroi. Les scènes s’enchaînent et tout laisse à penser que nous sommes face à une ode au ridicule. Il faut voir Joseph, le futur mari, rongé par la jalousie, fondre sur le garçonnet pour lui infliger une bonne correction devant une assemblée abasourdie. Ou encore cette conversation entre Anna et Sean quant à la possibilité de reformer un couple :
–Mais comment viverons-nous ? lui demande t-elle, totalement déboussolée.
Et lui de lui répondre, imperturbable, du haut de ses 10 printemps:
– Je trouverai du travail !
Cette histoire d’amour improbable évoque, par bien des aspects, Max mon amour de Nagisa Oshima, autre film au potentiel comique indéniable. Et cette ressemblance n’a rien d’étrange puisqu’au poste de scénariste, on retrouve le même homme, Jean-Claude Carrière, décidément grand pourvoyeur en histoires d’amour qui bousculent les idées reçues.
Issu du milieu du clip (Radiohead, Massive Attack) et auteur d’un polar amusé en guise de carte de visite (Sexy Beast – 2000), Jonathan Glazer commence à marquer sa singularité dès son second long métrage. Une singularité qui culminera avec Under the Skin, autre film au fantastique étrange qui tourne autour d’une icône de papiers glacés. Une ambition louable, mais qui ici échoue à faire ressentir les fêlures et le dilemme de son personnage principal. Il émane du film une sorte de froideur appliquée qui tranche avec les couleurs chaudes qui emmaillotent les personnages de ce drame au ridicule involontaire. Il faut néanmoins reconnaître que Birth se conclue sur un plan de toute beauté, teinté d’amertume. Si tout le film avait été comme ça, on aurait été face à un grand film. Malheureusement pour nous, “Si” ne fait pas de cinéma…