Bedlam – Mark Robson
Bedlam. 1946.Origine : États-Unis
|
Nous sommes à la fin du 18e siècle à Londres. Bedlam est le nom donné à l’asile St Mary’s of Betlehem, que dirige sans aucune tendresse Mr Sims (Boris Karloff). Nell (Anna Lee), jeune femme vivant sous la protection du riche Lord Mortimer, se rend compte des terribles conditions d’internement des pensionnaires de Bedlam et, son dégoût de Sims aidant, va tenter de les améliorer. Mais Mr Sims n’est pas homme à se laisser marcher sur les pieds, même s’il s’agit d’une jeune femme. Il parvient donc à convaincre Lord Mortimer de lui laisser interner Nell pour signe évident de folie. Nell devient ainsi “l’invitée” de son pire ennemi avec pour seul aide extérieur, celle d’un quaker rencontré de fraîche date.
Film produit par la RKO, prestigieuse compagnie qui connaît son apogée entre 1930 et 1949, Bedlam (1946) a été interdit en Angleterre à cause de sa remise en question des asiles psychiatriques de l’époque. Cela en dit long sur son degré de véracité. Mr Sims, comme la plupart de ses contemporains, considèrent les fous non plus comme des hommes mais comme des bêtes et les traite comme tel, voire pire. Ils ne disposent d’aucunes commodités, n’ont pas le loisir de se laver, et certains vivent même en cage. Pire que tout, Sims n’hésite pas à les donner en spectacle afin de distraire les nobles.
Une fois enfermée, Nelly va faire en sorte d’améliorer leurs conditions. Mais qu’on ne s’y trompe pas, Nell n’est pas un personnage entièrement positif. Si elle agit ainsi au début, c’est avant tout à son profit, elle qui ne peut se résoudre à vivre dans une telle crasse. Elle se rend compte alors à quel point il est difficile de se débarrasser de ses préjugés, éprouvant de la crainte aux contacts de ses compagnons d’infortune.
Bien que le tournage fut extrêmement rapide (une semaine), Bedlam bénéficie du savoir-faire RKO, une photo splendide, de beaux décors, et surtout la présence glaçante de Boris Karloff, qui interprète magnifiquement un directeur odieux et machiavélique, n’hésitant pas à mettre Nell face à ses contradictions et à semer le trouble dans son esprit ainsi que celui des spectateurs que nous sommes.
Mark Robson signe un superbe plaidoyer en faveur de la reconsidération des pensionnaires d’asile psychiatrique tout en fustigeant les malversations dont faisaient preuve certaines personnes haut placées afin de faire passer pour fou toute personne pouvant lui nuire d’une façon ou d’une autre. Nous sommes ici bien loin du fantastique, genre auquel est attaché à tort Bedlam, bien que le film se conclue par un clin d’oeil à Edgar Allan Poe. Un film à découvrir absolument.