Beau-père – Bertrand Blier
Beau-père. 1981.Origine : France
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Alors que leur couple bat de l’aile, Martine meurt dans un accident de voiture, laissant Rémi seul avec sa fille, Marion. La jeune fille souhaite rester avec son beau-père, sauf que ce dernier préfère s’effacer au profit de Charly, le père biologique. Têtue, Marion fuit le domicile paternel pour retourner dans l’appartement de Rémi, avec qui elle obtient le droit de vivre. Et puis, progressivement, s’éveille en elle comme une évidence, elle est follement amoureuse de Rémi. D’abord désarçonné par une telle révélation, Rémi refuse ses avances répétées pour finalement lui céder. Une intense histoire d’amour commence.
Pour débuter cette nouvelle décennie, Bertrand Blier délaisse la noirceur et le ton absurde de Buffet froid, son précédent film, pour nous narrer l’éveil au sentiment amoureux d’une adolescente, dans un film empreint d’une grande délicatesse. Sur un sujet propice au scabreux et à la polémique, il évite soigneusement tout élément susceptible de détourner l’attention du spectateur et qui l’orienterait sur la fausse piste du film à scandale. Bertrand Blier n’est plus le cinéaste en colère des Valseuses. Il s’est apaisé et a suffisamment mûri pour pouvoir désormais se laisser aller à mettre en scène une véritable histoire d’amour.
Bertrand Blier a construit l’essentiel de son œuvre sur la figure du trio, généralement établi comme suit : deux gars, une fille. Pour Beau-père, il s’écarte de cette figure pour tendre vers celle du duo, ou plutôt du couple. Néanmoins, la figure du trio n’est pas entièrement absente du film. Seulement, elle ne pèse pas lourd face à la prédominance du couple Marion – Rémi. Dès l’entame du récit, la disparition de Martine conduit à leur rapprochement par défaut. Ce rapprochement se trouve un moment perturbé par les velléités paternelles de Charly. Cependant, elles ne tiennent pas longtemps devant la forte attractivité qui s’exerce entre Marion et Rémi. Mis à l’écart, Charly gravite autour du couple comme une âme en peine, dans le mince espoir de pouvoir à nouveau rejouer un rôle. Il aurait mille raisons d’en vouloir à Rémi qui, non content de lui avoir ravi Martine, lui retire aujourd’hui Marion. Or, il tente de faire valoir son statut plus par principe que par réelle envie. Il abdique assez facilement, pour mieux s’en mordre les doigts par la suite. Les personnages masculins de Beau-père se caractérisent par leur lâcheté. Charly mène une vie de noctambule, ce qui n’est pas l’idéal pour s’occuper d’une adolescente. Et puis, vivre durant huit années sans autres responsabilités que soi et sa carrière ne s’oublie pas comme ça du jour au lendemain. Alors s’il se réessaie à son rôle de père, il se défile à la première difficulté venue. Quant à Rémi, ce n’est pas le rôle de beau-père qui lui pose problème. Au contraire, il paraît très à l’aise et s’entend merveilleusement avec Marion. Non, c’est davantage son rôle d’adulte qui lui pose soucis. Par bien des aspects, il manque de maturité, ce qui le pousse à écrire un mot à Marion pour lui apprendre le décès de sa mère, au lieu d’affronter son regard au moment de lui annoncer la tragique nouvelle. Il en va de même de la garde de Marion. Devant elle, il affirme sa volonté d’avoir son éducation à charge et, une fois seul, il se rend chez Charly pour savoir ce qu’il souhaite faire de Marion. Charly et Rémi partagent tous deux une certaine immaturité, doublée d’une incapacité à savoir ce qu’ils veulent réellement. Dans cet océan d’incertitudes, seule Marion sait ce qu’elle veut et fait preuve d’initiatives. Elle a pour elle sa jeunesse qui lui permet de faire fi des conventions. Elle aime Rémi et tient à ce qu’il le sache, car pour elle, il devient impossible de taire ses sentiments plus longtemps. Elle n’a rien d’une lolita. Elle ne prend pas un malin plaisir à aguicher Rémi, elle est tout simplement d’une désarmante franchise. Elle vit son amour pour lui de manière intense et, même lorsqu’il l’éconduit, elle ne peut se résoudre à une simple relation amicale. Pour elle, cela ne fait aucun doute, il s’agit de l’homme de sa vie.
La grande réussite de Beau-père tient en cette capacité qu’a Bertrand Blier de nous faire croire en cette histoire. Par la grâce du sérieux de son approche, conjuguée à l’interprétation épatante de naturel de Ariel Besse, jamais cette histoire d’amour ressemble à un caprice ou à une lubie de jeune fille. Bien au contraire, il sonne comme une évidence. L’impasse de cette relation n’en est que plus douloureuse pour Marion. Le style si caractéristique de Bertrand Blier nous donne l’impression d’assister à un récit hors du temps, ou du moins qui dispose de règles qui lui sont propres. Le monde extérieur n’a aucune prise sur le couple. Aucune voix ne s’élève à l’encontre de cette relation qui défie les bonnes moeurs, et rien ne vient mettre en péril l’équilibre de ce couple heureux. Bertrand Blier ne cherche pas à le confronter à la réalité. Certes, les problèmes d’argent existent (Rémi perd souvent son travail), et ceux-ci poussent les amoureux à déménager. Toutefois, cette péripétie n’assombrit nullement le tableau. Que cela soit l’appartement du début, ou bien la maison dans laquelle grandit leur passion, Marion et Rémi disposent de tout l’espace nécessaire pour s’ébattre dans la joie et la bonne humeur. Et toujours dans ce souci de ne pas noircir le tableau, cette passion amoureuse reste vouée à la clandestinité, personne ne découvrant le pot aux roses. Il ne faut pas prendre ça pour de la frilosité de la part de Bertrand Blier, mais plutôt pour un parti pris. Il ne s’agit pas pour lui de pousser son personnage principal au meurtre comme dans Lolita de Stanley Kubrick, ou de confronter son jeune personnage féminin à l’hypocrisie de la société à l’instar de Violet dans La Petite de Louis Malle. Lui préfère se concentrer sur la seule histoire d’amour, une histoire d’amour non pas mise à mal par la toute puissance des conventions, mais par l’extrême fragilité sentimentale de l’adulte du couple. Rémi éprouve un grand besoin d’être materné, et c’est une chose que Marion ne peut pas lui donner. Patrick Dewaere, acteur sensible par excellence, retranscrit à merveille les tourments de son personnage, ainsi que le bonheur quasi adolescent qu’il ressent dans les bras de Marion.
Beau-père témoigne d’une certaine sérénité de la part de Bertrand Blier qui, le temps d’un film, évite de se disperser pour se tenir au plus près de son couple aux intentions pures. Toutes idées de pédophilie et d’inceste sont écartées au profit d’une limpide et belle histoire d’amour. Dommage qu’il ait conclu son film par un travelling avant qui bégaie sur le visage de la petite fille de Charlotte, la nouvelle petite amie de Rémi. Ce plan insistant laisse entendre que tout pourrait à nouveau recommencer pour Rémi, ce qui amoindri d’un coup la portée de tout l’amour que Marion lui porte. Comme s’il était inévitable qu’une belle-fille nourrisse des sentiments amoureux pour son beau-père. Étrange conclusion.
la conclusion qui vous surprend est peut-être que contrairement à ce que vous avancez l’idée de pédophilie est présente chez Blier et chez le personnage de Rémi.