CinémaErotique / XHorreur

Emanuelle et les derniers cannibales – Joe d’Amato

emanuelledernierscannibales

Emanuelle e gli ultimi cannibali. 1977

Origine : Italie 
Genre : Érotique / Horreur 
Réalisation : Joe d’Amato 
Avec : Laura Gemser, Gabriele Tinti, Mónica Zanchi, Donald O’Brien…

Les choses vont toujours très vite quand il s’agit d’exploiter un succès cinématographique. A peine l’Emmanuelle de Just Jaeckin vient-il de casser la baraque que les italiens lancent leur propre Emanuelle, avec un seul “m” pour éviter les procès, et en lui rajoutant l’adjectif “Black”, car la pimpante libertine est incarnée par la belle indonésienne Laura Gemser. Black Emanuelle en Afrique, Black Emanuelle en Orient, Black Emanuelle en Amérique, Black Emanuelle autour du monde, Emanuelle et les collégiennes… Tout ceci en deux ans. Cela force le respect. A cette liste aurait également pu s’ajouter Black Emanuelle 2, réalisé par le même réalisateur que le premier volet (en Afrique), à savoir Bitto Albertini, mais sans Laura Gemser dans le rôle-titre. Ce qui lui vaut parfois d’être exclu de la saga “officielle”, si toutefois ce mot à un sens dans le cannibalisme qui caractérise les films d’exploitation italiens bouffant à tous les râteliers… pourvus qu’ils soient rentables. En parlant cannibalisme, justement, la conception de cet Emanuelle et les derniers cannibales est particulièrement bien sentie : d’une nature voyageuse (il n’y a qu’à voir les titres de ses films pour s’en convaincre), Emanuelle ne pouvait éviter l’Amérique du sud. Et qui dit Amérique du sud dit Amazonie, et qui dit Amazonie dit cannibales, justement revigorés récemment par le pourtant piètre Dernier monde cannibale de Ruggero Deodato. Banco ! Et c’est d’Amato qui s’y colle, lui qui venait déjà d’offrir à Emanuelle ses virées orientales, américaines et internationales. Suivons-la donc chez les anthropophages.

Journaliste et aventurière, Emanuelle est en mission dans un asile psychiatrique. Elle constate qu’une infirmière vient de se faire manger un sein par une jeune femme. Entreprenante, Emanuelle rend visite à la vorace internée, et découvre sur elle un symbole qui s’avérera être celui d’une tribu cannibale d’Amazonie que l’on pensait éteinte. Ni une ni deux, notre reportrice de l’extrême obtient de son chef deux billets d’avion pour l’Amazonie, un pour elle, et un pour le professeur Mark Lester (Gabriele Tinti, époux de Laura Gemser dans le civil), un éminent anthropologue. Sur place, les deux amants seront aidés par quelques autres personnes, dont la jeune Isabelle (Mónica Zanchi), une religieuse et de rugueux autochtones. Ils croiseront la route d’un couple bien mystérieux et franchement raciste, puisque servis comme au temps des colonies par Salvadore, leur homme à tout faire à la peau noire. Une fois que toute la viande est réunie, c’est parti pour le monde des cannibales.

Divisé en deux parties, le film de d’Amato commence comme un film érotique traditionnel, rigoureusement superficiel dans sa façon d’amener les séquences érotiques entre quelques scènes de bavardages. Ou plus vraisemblablement l’inverse… La jeune cannibale de l’asile goûte l’infirmière, et Emanuelle se croit obligée de venir gagner la sympathie de l’aliénée en la masturbant. Elle voit le symbole clanique : hop, elle court voir l’anthropologue, qui l’amène chez lui pour en parler et pour prendre du plaisir. Elle obtient de partir avec lui en Amazonie, et voilà notre Emanuelle qui s’en va dire au revoir à son copain (oui, c’est une femme libérée) en tombant culotte… Ce genre d’alternance à un rythme métronimique et sur des musiques propres au romantisme entreprenant n’est pas sans rappeler les caricatures de films pornos, avec leurs fallacieuses excuses (la visite du réparateur télé) destinées à aboutir à des scènes de sexe. En Amazonie, les transitions se feront un peu plus délicatement, grâce notamment à l’arrivée de nouveaux personnages destinés à s’incruster dans le récit, permettant à d’Amato de dresser une ébauche de liens entre chaque protagoniste. A titre d’exemple, citons le couple de chasseurs rencontrés sur place : madame aime tromper son mari impuissant avec Salvadore, tandis que monsieur se rabat sur le voyeurisme et sur le viol des dormeuses. Nous avons donc là un couple rendu suspect rien que par ses activités sexuelles… A l’inverse, Emanuelle et son anthropologue apparaissent bien plus honnêtes, puisque leurs relations se font au grand jour. De même, Isabelle est à classer parmi les “gentils”, puisque ses relations avec Emanuelle sont consentantes et rieuses. Leur bain commun est ainsi un joli moment de fraîcheur dans la suffocante jungle amazonienne. Le singe qui passait par là ne s’y trompe pas et admire le spectacle en grillant une cibiche. Quand à la bonne sœur, abstinente, elle n’inspire aucun sentiment particulier, si ce n’est l’amusement de la voir crapahuter au milieu de la jungle dans sa robe de nonne.
Passé la ridicule introduction, cette première partie de film se distingue donc par une habile utilisation de l’érotisme à des fins de caractérisations -limitées bien entendu-. A défaut de cannibales, ce palliatif est louable et évite le syndrome de l’aventure plate et chiante qui caractérise un certain nombre de films de cannibales. L’érotisme est relativement soft, mais d’Amato sait s’y prendre, jouant habilement de la caméra avec les décors et magnifiant les corps de Laura Gemser et de ses comparses féminines.

Et puis vient la deuxième partie, et les cannibales. L’occasion pour le réalisateur de passer à la vitesse supérieure : les scènes érotiques s’orientent alors vers les humiliations sexuelles. Laura Gemser se fait alors quelque peu oublier, étant trop précieuse pour être ainsi dévaluée. La nonne se fait attacher à un arbre, déshabillée et les sauvages lui bouffent un téton. La méchante chasseuse et son mari, revigoré par la découverte des diamants qu’ils ont tant recherché (le voilà, le secret de leur méchanceté, dont tout le monde se fout, les autres personnages y compris) sont surpris en plein amour. La gentille Isabelle se fait violer par toute la tribu, puisque comme le dit l’anthropologue, le sacrifice auquel elle semble destinée doit se faire sur une femme enceinte. Aussi bête soit son principe, cette scène se conclue par l’intervention d’une Laura Gemser resplendissante.
Assez poussées, ces humiliations sexuelles s’accompagnent dans la version non censurée du film d’une généreuse dose de gore, dans la lignée des films de cannibales (castration, éviscération…). Dommage que les anthropophages ne soient pas crédibles une seule seconde entre leurs danses improvisées et leurs rituels de bandes dessinées (il ne leur manque que l’os dans le nez pour les faire passer pour des caricatures !). Dommage aussi que le film ait été tourné en Italie, pays où la jungle amazonienne se fait rare. Le réalisme en pâtit forcément. Mais est-ce bien un reproche à faire à d’Amato, lui qui ouvre son film par un mensonge éhonté (l’habituel “cette histoire est vraie”) et le conclue par un stupéfiant monologue humanitaire ?

 

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