Out There – Humberto Ramos, Brian Augustyn
Out There. 2001-2003Origine : États-Unis
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Dans la petite ville d’El Dorado, les choses ne semblent pas se passer de façon très naturelle… Des créatures démoniaques ont fait alliance avec les notables pour s’emparer des lieux et contrôler ses habitants. Un groupe de collégiens va se trouver aux prises avec l’impensable…
Suite à la critique de Crimson, attaquons nous à la deuxième série du dessinateur mexicain Humberto Ramos scénarisée par l’auteur américain Brian Augustyn : Out There. Débutée en 2001 sous le label Cliffhanger de Wildstorm, la série nous était parvenue grâce à l’éditeur Semic de manière incomplète hélas. Mais coup de chance, Glénat nous a offert l’intégralité de l’histoire dans une toute nouvelle édition avec en bonus une couverture exclusive, l’occasion de pouvoir en parler !
Bienvenue à El Dorado, ville prospère quoique…
Bienvenue à El Dorado, charmante petite ville typique des USA, située en plein milieu de la Californie mais isolée de tout. La ville ressemble à Sunnydale avec son lycée et ses étudiants. Évidemment, on pourrait penser que nos deux auteurs sont partis pour nous pondre une histoire vampirique à la Crimson mais il n’en est rien. Cette fois-ci c’est du côté de la bourgade de Hawkins qu’il va falloir jeter un œil. Finis les vampires, l’ennemi est une créature d’une autre dimension…
El Dorado est une petite ville où il fait bon vivre. C’est un havre de paix, la violence et l’insécurité sont bannies hors de ses murs pour la plus grande joie de ses habitants. On pourrait penser qu’El Dorado est la ville idéale, digne d’un épisode de Happy Days, mais derrière cette tranquillité se cache un lourd secret : les huiles de la ville ont décidé de protéger leur cité du vice, de la drogue et de la délinquance en signant un pacte avec un être maléfique, Draedelus. Afin d’agir ponctuellement dans notre monde, celui-ci envoie ses sbires, des créatures démoniaques invisibles à l’œil humain, qui peuvent prendre le contrôle de notre corps. Mais rien ne marchera comme prévu, quelques collégiens, que rien ne lie, se retrouvent témoins d’un meurtre commis par lesdits sbires de Draedelus. Ainsi, Mark, Zach, Casey et James vont devoir prendre conscience de leur pouvoirs et devenir le dernier espoir qui rendra sa liberté à leur ville.
Une ville à l’écart, un groupe de jeunes plutôt hétéroclite, un être “démoniaque” vivant dans une autre dimension et capable d’envoyer des sous-fifres agir pour lui, des adultes incapables de voir le danger auquel ils s’exposent… Le lien avec la série Stranger Things sortie 15 ans plus tard est proche, non ?
Construire un comics comme une trilogie
Certes il est facile de comparer Out There à Stranger Things, il est surement tout aussi facile de le comparer à bien d’autres séries ou BDs plus anciennes (on peut remonter à Scooby Doo sans forcer). Le grand méchant venu d’une autre dimension, le groupe de jeunes bien archetypés, ce genre de modèle existe depuis longtemps et l’on pourrait croire qu’Augustyn n’invente rien, scénaristiquement parlant, et se contente de reprendre les grands classiques. Mais c’est mal connaitre l’auteur car il nous a prouvé avec Crimson qu’il peut remanier un thème vu et revu et lui faire quitter les sentier battus pour aller là où on ne l’attend pas.
Ici nous avons non pas une histoire se déroulant sur 3 tomes (pour la version française) mais 3 histoires ayant les mêmes protagonistes. L’intrigue du tome 1 nous plonge dans le vif du sujet avec le pacte et la création de notre communauté de teenagers qui se retrouvent dans un mystère à résoudre. Meurtre, démons, nouveaux citoyens pas très cleans, adultes cachant bien des secrets, les fans du teen movie The Faculty vont trouver vite fait leurs repères car le groupe de jeunes reprend les habituels membres de clans (les “sportifs”, les “cheerleaders”, les “nerds”, l’hispano rebelle) devant passer au dessus de leurs différences pour pouvoir affronter le danger auxquels ils sont confrontés. Rien de révolutionnaire diront la plupart des lecteurs mais ça marche car Brian Augustyn arrive à les rendre attachants, faisant de ce premier tome un tome choral qui offre à chacun de nos ados sa chance d’accrocher la lumière des projecteurs avec un moment de gloire. Faut croire que Marvel et son Avengers n’a rien inventé au final…
Le deuxième tome entame un nouvel arc et change de style avec un road movie teinté de paranormal. Après un cliffhanger digne du final season de Buffy, nos jeunes taillent la route dans un trip “où est Charlie” (en l’occurrence Max Ostrow) afin de retrouver un auteur de comics ayant vécu la même histoire et l’ayant relaté dans un comics au nom évocateur “Damn nation”. Une fois encore un scénario banal nous entraine ailleurs (là où se trouve la vérité dirait Mulder) via divers minis aventures mettant en avant nos protagonistes et surtout les second rôles du premier volume. Augustyn commence à déployer les plans de la contre-attaque. Le tome un se soldait par une défaite amère avec une pointe d’espoir, le tome deux nous offrira une victoire au prix élevé.
Terminons par le scénario du troisième tome qui nous emmène dans le monde à l’envers de Stranger Things. Le combat final arrive et Augustyn nous offre un scénario épique qui offre à Ramos la possibilité de déployer tout son talent. Combat pour la survie de la population, ascension vers le pouvoir ultime pour nos jeunes héros, conclusion cataclysmique, tout nous est offert sur un plateau d’argent digne de la première trilogie Star Wars (oublions la préquelle et la suite pour nous concentrer sur le meilleur, le grand classique culte).
Certes le tome trois paraîtra plus faible que les autres pour beaucoup, avec divers ressorts scénaristiques plutôt simplistes… Mais difficile de caser toutes les intrigues des deux premiers livres dans une cinquantaine de pages… Reste que cette version amène un épilogue en forme de porte ouverte, ce qui change de certains récits, encore un exemple de ce qu’Augustyn est capable de faire : ne pas finir en happy end version Astérix avec son banquet autour d’un sanglier…
Un graphisme qui évolue et s’améliore comme un grand cru
Que dire sur le graphisme de Ramos qui n’ait été dit dans la critique de Crimson ? Pas grand chose. Immédiatement reconnaissable, le trait d’Humberto Ramos a su garder la même énergie et vitalité que sur sa série précédente. La mise en page de l’action, toujours aussi dynamique, nous offre néanmoins une réelle lisibilité, les planches se décortiquent durant de longues minutes afin qu’on ne rate aucun détail. S’il fallait absolument ajouter quelque chose ce serait sur la maitrise du crayon : Ramos a trouvé SON style en se démarquant enfin de ses ainés. Je ne peut être objectif en parlant de Ramos mais ce serait mentir en disant que les visages ou les décors d’Humberto Ramos ne participent pas à la qualité d’Out There, en fait c’est plutôt le contraire voir même l’atout principal. Ramos atteint avec cette série le top de son style graphique. Il est impressionnant dans les scènes d’action, doué pour coller les émotions sur le faciès de ses personnages, a un oeil de cinéaste pour ce qui est de cadrages et des prises de vues de chaque planche. Bref, entre Crimson et Out There voire Fairy Quest qu’il a pondu, Out There est le comics où il a su exprimer tout son talent selon moi… Subjectif l’auteur, tout à fait… Objectif, nullement, mais que voulez vous, j’adore ce type tout autant que Jason Pearson ou Carlos Meglia…
Au final à prendre ou pas ?
Quand Glénat Comics a annoncé la sortie de ce titre j’ai dit à mon entourage : “banco, il faut que vous le preniez” et aujourd’hui encore je le conseille. L’éditeur a fait fort en rééditant Out There. Oser ressortir une vieille série datant des années 2000, édité en fascicule sans conclusion, longtemps restée indisponible, provenant d’un petit studio (Cliffhanger n’a que quelques titres à son actif aux States), c’est méchamment burné. Mais avec Bryan Augustyn au scénario qui nous offre l’un de ses meilleurs travaux, un récit fantastico-horrifique parfaitement maitrisé, et Humberto Ramos qui nous pond des pages au résultat stupéfiant de précision et de dynamisme, franchement ça ne se refuse pas ! Ajoutons que le titre s’offre une seconde vie de qualité avec cette nouvelle édition bien loin des fascicules ne tenant pas sur la durée… Bref du tout bon à ranger dans sa bibliothèque à n’en pas douter.