Freaks’ Squeele, tome 1 : Étrange université – Florent Maudoux
Freaks’ Squeele
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Ankama est une jeune société fondée en 2001 tout d’abord spécialisée dans la création de jeux vidéos, dont le désormais célèbre Dofus, un jeu au style graphique (vraiment hideux soit dit en passant, mais cet avis n’engage que moi) inspiré par le manga et qui se joue sur internet. Devant le rapide succès du jeu, Ankama devient une maison d’édition et se met à sortir une batterie impressionnante de produits dérivés Dofus histoire d’exploiter à fond ce filon juteux et de profiter de l’importante communauté de fans du jeu.
Mais il serait cependant injuste de réduire Ankama aux seuls produits dérivés Dofus. En effet le jeune éditeur s’était récemment fait remarquer par la sortie de Mutafukazde Run, une bande dessinée étrange et au style très référentiel dont la forte personnalité constitue indéniablement une qualité même si cela peut rebuter. En tout cas le succès inattendu de cet album a permis a son auteur de créer un label au seins d’Ankama, le label 619 destiné à regrouper une collection de bandes dessinées plus ou moins anticonformistes et originales. Une bonne initiative que je n’aurais pas forcément attendu de cet éditeur.
Et c’est donc Freaks’ Squeele qui a l’honneur de lancer ce nouveau label. Pour ceux qui comme moi sont très allergiques au style manga, la bd avait d’un premier abord de quoi rebuter, quand bien même le titre promet des freaks. Mais en feuilletant rapidement l’album on s’aperçoit bien vite que ces craintes ne sont pas justifiées, d’une part parce que contrairement à la grande majorité des produits d’influence manga le dessin est tout sauf caricatural, mais surtout parce que l’univers apparaît d’emblée comme intéressant et drôle.
L’histoire se déroule dans une faculté de super héros, dispensant aux étudiants des cours aptes à utiliser leurs super pouvoirs, mais aussi des cours de stratégie, d’image de marque etc… Les premières planches nous détaillent la rentrée et l’arrivée des étudiants dans cette faculté hors normes. On découvre donc les fameux Freaks du titre, à savoir toute une galerie de personnages originaux et amusants, d’où se démarquent rapidement trois sympathiques loosers: les héros de cette histoire. Il y a Chance, une mignonne démonette, Ombre de loup, un loup-garou coincé dans sa forme animale et Xiong Mao, une jeune fille tout à fait normale qui a réussi le concours d’entrée en compensant son absence de super pouvoir grâce aux épreuves écrites. A eux trois il ont les plus mauvais résultats de l’école, et sont amenés à travailler ensemble pour les travaux dirigés, pour le pire mais aussi pour le meilleur… L’auteur joue la carte de la parodie légère et référentielle, mais parvient à très habilement éviter les pièges de ce type d’histoire. Tout d’abord sa bd n’est jamais un catalogue lourdingue de références et elle ne s’adresse pas seulement à la frange geek des lecteurs de bandes dessinées. c’est au contraire un scénario riche et cohérent qui est mis en avant. Ensuite, l’univers des super héros comme celui de la scolarité sont très codifiés, et il est souvent difficile de se démarquer des mètres étalons du genre et de verser dans la parodie facile. Mais l’univers de Freaks’ Squeele apparaît au contraire comme très original, échappant sans cesse aux clichés, et s’appuie encore une fois sur ce très bon scénario, qui prend soin de bien développer les personnages. Ainsi Florent Maudoux prend soin de doter ses héros d’un background riche et intéressant. Il soigne également leur caractère et leurs émotions. Mais il cultive aussi un certain mystère, n’en dévoilant jamais trop, ce qui a pour effet de maintenir le spectateur en éveil et de toujours lui donner envie de lire la suite. A tel point que c’en est presque frustrant! On aimerait par exemple en savoir plus sur le personnage d’Ombre de Loup, d’où vient-il? Comment s’est il retrouvé coincé dans sa forme de gros loup musclé et maladroit? L’auteur ne nous en dit pas beaucoup et sait créer un effet d’attente pour le tome à venir sans utiliser le sempiternel twist artificiel ni l’insupportable coupure au milieux d’un cliffhanger dantesque. Bref, la plus évidente qualité de Freaks’ Squeele est sans conteste ses personnages, très rapidement attachants, ce qui reste assez rare dans les séries actuelles. Le scénario offre la part belle à l’évolution de ces personnages et exploite judicieusement leur potentiel. De plus il nous offre une véritable histoire d’aventure, où l’action et l’humour sont très présents. L’histoire est dense (144 pages dont 32 en couleurs) et très riche. Les combats et autres passages d’actions sont très bien rendus par un découpage dynamique et naturel, qui permet à cette histoire d’être lue sans accrocs ni redondances. L’humour quant à lui reste toujours très léger et discret se manifestant la plupart du temps par des situations cocasses parfaitement intégrées à l’histoire plutôt que par de simples répliques ou par une successions de gags faciles.
Finalement le seul reproche qu’on pourrait faire à cet album, mais vraiment pour chipoter, c’est peut-être au niveau des dessins. Attention, il ne s’agit pas de dire que les dessins ne sont pas réussis, puisque sur le plan technique il n’y a rien à redire. De même le style choisi, assez réaliste mais qui combine des influences mangas et comics colle très bien à l’histoire racontée. Toutefois on pourra regretter que leur rendu très lisse manque quelque peu de personnalité. Les couleurs faites à l’ordinateur ne sont pas pour arranger ce léger bémol, bien qu’elle apparaissent bien moins artificielles que dans certaines autres bandes dessinée récentes.
Il serait tout de même idiot de s’arrêter à ce détail que je me permet de pointer, puisque malgré ceci Freaks’ Squeele reste une bande dessinée de grande qualité qui se lit très rapidement et avec plaisir. Et une fois le livre refermé, on n’aura plus qu’une envie: lire la suite!