CinémaHorreur

Intruder – Scott Spiegel

 

intruder-affiche

Intruder. 1989

Origine : États-Unis
Genre : Slasher discount
Réalisation : Scott Spiegel
Avec : Elizabeth Cox, Sam Raimi, Ted Raimi, Dan Hicks…

Sale nuit pour la caissière Jennifer : alors que le supermarché dans lequel elle officie s’apprête à fermer, elle reçoit la visite inopportune de son ancien petit ami Craig, franchement sorti de taule après sa condamnation pour meurtre. S’ensuit une discussion mouvementée tournant vite à la foire d’empoigne, avec les collègues de Jennifer débarquant pour maîtriser le violent malotru, qui ne se laisse pas faire et se planque dans le magasin. Mais enfin, ils finiront par le retrouver et le foutre dehors avant que la police ne soit intervenue. Sur ce, le patron et son associé annoncent que pour des raisons financières la fermeture définitive du magasin est prévue pour très bientôt et qu’il faut donc s’employer dès ce soir à préparer la liquidation des stocks. Ce qui veut dire faire des heures supplémentaires, perturbées en plus pour Jennifer par les coups de fil de Craig, et pour tout le monde par la présence d’un tueur sanguinaire visiblement décidé à les éliminer jusqu’au dernier.

La présence de ce slasher tardif dans le catalogue de distribution Empire s’explique par les liens qui unissent la firme de Charles Band à celle qui a co-produit Intruder : Beyond Infinity, qui avait déjà réussi à refourguer au père Band plusieurs de ses films, dont trois panouilles de Tim Kincaid et deux de David Coteau (dont tout de même le sympathique Sorority Babes in the Slimeball Bowl-O-Rama). Mais qu’on ne s’y trompe pas : Intruder n’est pas un produit typique des studios Empire, pas plus qu’il ne ressemble aux zéderies de Beyond Infinity. C’est un pur produit de l’école Sam Raimi ! Son réalisateur et scénariste, Scott Spiegel, faisait partie de la petite bande lycéenne des frères Raimi et de Bruce Campbell, a appris le cinéma avec eux et empile depuis Evil Dead les caméos dans les films de Raimi. Mais sa carrière est loin de s’être limitée à ces clins d’œil : il a ainsi co-écrit le scénario de Evil Dead 2 et participé au casting de Mort sur le grill. Et plus encore que son amitié avec Raimi, c’est bien celle qu’il entretient depuis le début des années 90 avec Quentin Tarantino qui s’est révélée fructueuse. Ayant pris l’ancien gérant de vidéoclub sous sa coupe et sous son toit alors qu’il n’était encore personne, Spiegel lui présenta Lawrence Bender, producteur (et acteur) d’Intruder, et qui est devenu le producteur attitré de Tarantino. En retour d’ascenseur, ce dernier milita auprès des frères Weinstein pour que Spiegel réalise la suite d’Une nuit en enfer. Et c’est vers lui qu’il renvoya Eli Roth pour ses Hostel. Toutefois, à l’heure d’Intruder, Spiegel restait avant tout le bon pote aux frères Raimi, et c’est donc sans surprise que l’on note leur présence au casting et celle, étonnament plus limitée, de Bruce Campbell. Sans surprise non plus, on y retrouve des références à leur patrimoine commun, cinématographique ou autre, que ce soit une chanson fredonnée (la même qu’une employée dans Evil Dead -lorsqu’un projecteur se met en route à la cave il me semble-), le nom du supermarché (Walnut Lake, comme la ville où ils ont grandi), la présence d’un compère des Trois Stooges pour un caméo (Emil Sitka, qui prononce une phrase célèbre d’un des films des Trois Stooges) ou encore quelques masques horrifiques dans un grenier. Bref, un melting pot de références pop qui peut passer inaperçu mais qui ne trompe pas.

Ce qui saute aux yeux en revanche, et qui marque indiscutablement une filiation avec le cinéma de Sam Raimi, c’est -outre la présence de Sam Raimi lui-même- le style de mise en scène employée par Spiegel. Conseillé ou non, le réalisateur ose des choses incongrues avec sa caméra. L’objectif qui remplace le sol lors d’un coup de balai, les travelings avec caméra embarquée derrière les grilles d’un caddie, un meurtre filmé à travers une bouteille en verre, le point de vue derrière le cadran d’un téléphone, la caméra qui pivote en même temps qu’une poignée de porte etc… Bref, tout ce qu’il faut pour se faire remarquer, le réalisateur tenant visiblement à faire passer le message que nous assistons à une série B qui a avant tout pour objectif l’amusement de ses spectateurs. L’humour n’est pas vraiment de mise à travers le scénario, mais il s’affirme en revanche à travers cette mise en scène, Spiegel marquant une connivence de bon aloi avec ses spectateurs qui assistent avant tout à Intruder pour profiter d’un bon petit film d’horreur débridé. Au niveau des intentions et même si Spiegel abuse un peu de ce procédé, rien de répréhensible. En revanche, et à l’inverse de Raimi dans Evil Dead, Spiegel n’arrive jamais à transcender le côté rudimentaire de son scénario qui finit par virer au slasher en bonne et due forme plombé de conventions dont le réalisateur ne s’affranchit pas, et qui rendent les efforts de mise en scène assez stériles. Passons sur les personnages, qui quand ils ne font pas les marioles (Ted Raimi et ses grimaces) ne servent que de chair à saucisse. C’est bien légitime, même si l’actrice principale joue comme un pied.

Fatale est par contre cette incapacité notoire à faire décoller le rythme du film, qui se divise en trois parties resserrées ne laissant aucune place à la surprise : l’introduction avec Craig, l’enchaînement de meurtres, puis la découverte des corps entraînant la lutte finale. Tout cela cimenté par un montage mollasson et par les inévitables séquences de fausses frayeurs et de déambulation dans les allées. Il n’y a pas l’ombre d’une idée là-dedans, mais il y a en revanche des temps morts et des clichés lassants que les efforts de mise en scène ne suffisent pas à éviter. Raimi dans Evil Dead jouait la carte de l’excès et ne laissait pas un instant de répit à son personnage principal tandis que Spiegel, en ne faisant jamais exploser les conventions du slasher, se prive du petit vent de folie furieuse qui a fait passer le film de son camarade à la postérité. Il se rabat sur une sorte de whodunit totalement raté : après avoir tout fait pour désigner Craig comme un cinglé en colère, il laisse le meurtrier dans l’ombre. Du coup, il ne faut pas cogiter beaucoup pour dédouaner l’ancien taulard et deviner qui est l’assassin, si tant est que cela intéresse quelqu’un. En tous cas, Spiegel lui-même se détourne de cette optique qu’il n’utilise qu’à des fins de mise en scène, trouvant toujours une parade pour cacher le visage du tueur lorsque celui-ci s’adonne à des meurtres très barbares voire grand-guignols, entretenant là aussi la filiation avec ce que Sam Raimi faisait alors.

En fait, Intruder pêche pour une raison bien simple : son réalisateur partage grosso modo le goût de Raimi pour l’horreur burlesque, mais il n’a pas son talent de façonneur qui lui aurait permis de ne pas s’encroûter entre deux scènes inspirées. Aligner les cadrages bizarres et les meurtres sanguinolents ne suffit pas à faire du Evil Dead. Ou alors, pour se livrer à semblable exercice de style, opter pour le slasher avec les contraintes qu’il comporte (surtout avec une composante whodunit) était une erreur. Toujours est-il que Spiegel, s’il n’a pas réalisé le pire slasher que l’on puisse trouver -surtout pour la fin des années 80-, n’a pas non plus réalisé un classique du genre comme certains essaient de le faire croire outre-Atlantique, où son film bénéficie d’une réputation flatteuse dans la presse spécialisée.

Une réflexion sur “Intruder – Scott Spiegel

  • sam gray

    Un film assez correct mais qui souffre d’un manque de rythme, les meurtres s’enchainent les uns derrières assez mollement. Le réalisateur aurait du jouer la carte du huis clos, comme dans Bloody Bird, il se rattrape par une ambiance assez singulière et un lieu propice aux meurtres mais peu exploités aux cinémas.

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