Les Contes de la crypte 6-01 : Une punition à la mesure du crime – Russell Mulcahy
Les Contes de la crypte. Saison 6, épisode 01.
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Arrêtée pour avoir roulé avec une plaque d’immatriculation non légale, Geraldine Ferrett est conduite au Tribunal de Stuecksville, petit bled paumé au fin fond de nulle part. En attente de son jugement immédiat, elle reçoit la visite de Austin Haggard, son avocat commis d’office. La hautaine citadine prend de haut ce petit homme mal fagoté et, puisqu’elle-même est avocate, pense pouvoir très bien se défendre contre les ridicules accusations de ce tribunal de campagne. Toutefois, Haggard et les autres accusés de la salle d’attente sont formels : les juges de Stuecksville ont la main lourde, comme peut en témoigner cette récente photo d’une pendaison publique accrochée au mur…
Pas de grand bouleversement pour ouvrir cette sixième et avant-dernière saison des Contes de la crypte… A la réalisation, Russell Mulcahy, qui venait de rater son come-back au cinéma avec The Shadow, signe son troisième épisode. Au scénario, Ron Finley attaque son cinquième. Quant au casting, on retrouve les têtes connues d’acteurs dont les noms le sont déjà moins, et dans des rôles fort proches de ce qu’ils ont déjà pu faire par le passé. Ainsi, Catherine O’Hara donne à son personnage la même suffisance snobinarde qu’à la marâtre de Beetlejuice, tandis que Peter MacNicol incarne un hurluberlu dans la droite lignée du conservateur de musée possédé qu’il était dans S.O.S. Fantômes 2. La mise en relation de ces deux personnages diamétralement opposés donne à cet épisode une base humoristique évidente dont le principe a déjà été mainte fois utilisé dans la série. Pour que la mayonnaise prenne, encore faut-il que le scénario sache plonger les deux zouaves dans une histoire attractive qui saura manier le sens de la dérision avec suffisamment d’intelligence pour nous amener à un châtiment que l’on sait inévitable et sans lequel Les Contes de la crypte n’auraient jamais été ce qu’ils sont.
Pour remplir cet objectif, Mulcahy et Finley jouent une carte inédite : celle du film judiciaire kafkaïen. Pas pour disserter sur les conséquences d’un monstre bureaucratique comme l’avait fait Orson Welles dans Le Procès, mais tout simplement dans le but de remettre à sa place l’odieuse Geraldine Ferrett, coupable de se croire supérieure au tribunal champêtre d’un patelin arriéré. Elle qui a réussi à faire couler un grand groupe de matériel médical notoirement connu pour la qualité de ses pacemakers ne va quand même pas se faire condamner pour une broutille administrative ! D’ailleurs, elle a un rendez-vous qui l’attend et a autre chose à faire que de perdre son temps auprès de cet amas de ploucs… Bref, d’emblée, elle croit maîtriser son affaire menée par un avocat inepte et un juge à côté de la plaque (et de la loi). Le charme de l’épisode est de montrer que Geraldine Ferrett a en fait totalement raison : non seulement elle est bel et bien innocente de ce dont on l’accuse, mais en plus son avocat n’a que des mauvaises idées à présenter à un juge qui lui-même ne connait pas la loi pour le cas ici présenté. Sauf que Geraldine, toute pétrie de certitudes, demeure une incriminée avant d’être une avocate, et que le dernier mot ne lui revient pas… Elle est en position de faiblesse et se trouve à la merci de l’arbitraire couplé à l’incompétence. Ainsi, plus absurde sera son procès, plus on se délectera de la voir s’enfoncer. Et de première instance en appel, de nouveau chef d’inculpation en verdict sévèrement démesuré (à tel point que Geraldine ne connaît même pas le sens du nom barbare désignant sa peine), de renégociation de peine en nouveaux juges (et à chaque fois elle a affaire à un sadique d’un degré supérieur), elle s’enfonce tout du long jusqu’à un final hautement ironique, non sans qu’au passage le réalisateur adopte une mise en scène au style cartoonesque pour souligner le côté autoritaire de ces magistrats tout-puissants. Mulcahy épouse pleinement la tonalité générale des Contes de la crypte en orchestrant un retour de bâton délicieusement méchant (le vieux coup de l’arroseur arrosé) à l’encontre d’un personnage principal d’emblée antipathique. Il prend un malin plaisir à recourir à une parodie de justice pour châtier un personnage qui effectivement ne transgresse pas la loi mais qu’on se plait malgré tout à voir sanctionné le plus férocement possible, tant Geraldine Ferrett se montre humainement infecte, méprisante, assoiffée de gloire et d’argent et ne voyant ses propres clients que comme des vaches à lait ou des marche-pieds pour sa propre gloire, ce qu’elle montre allégrement dans la salle d’attente en proposant ses services à un pauvre bougre totalement emplâtré. Et en un sens, aussi obtus qu’ils puissent être, les juges de Stuecksville n’examinent pas autre chose, puisqu’ils dénonceront son cynisme, relanceront l’affaire lorsque l’avocat foireux mentionnera le coup de la fermeture de la boîte médicale et trouveront une faute dans le simple fait que Geraldine ait proposé ses services dans la salle d’attente. Ils sont hors de la justice “légale”, mais composent une sorte de tribunal des âmes. Sans que Mulcahy n’ait l’air d’y toucher, son épisode est donc bien plus malin que la petite farce qu’il semble être de prime abord… Et amusant avec cela ! Grâce à la nature du scénario, mais aussi grâce au personnage de Peter MacNicol, cet avocat qui encore plus que les juges contribue à faire ressortir l’absurdité de cette justice aux yeux de sa hautaine cliente. S’obstinant à la défendre malgré ses récriminations, toujours obséquieux face aux juges, grotesque dans ses arguments, il est fait pour irriter Geraldine au-delà du possible…
Ouvrant une sixième saison inédite en France (à l’exception de cet épisode et de l’épisode 14, “Chair peinture “), Une punition à la mesure du crime s’avère donc une excellente entame… Toutefois, vous vous demandez probablement en quoi il est si fidèle aux Contes de la crypte vu que l’horreur semble en être totalement absente. Elle ne l’est pas tout à fait. Certes, Mulcahy aurait pu très bien s’en passer sans que son épisode n’en souffre le moins du monde, mais il trouve l’occasion d’aménager quelques moments à base de zombies décomposés : lors de l’application d’une peine, Geraldine reçoit la visite de fantômes qui sont en réalité les pauvres bougres morts de ne pas avoir bénéficié d’un pacemaker. Ce n’est pas grand chose et ces quelques plans jurent un peu avec le reste de l’épisode, tant et si bien qu’ils auraient même gagné à ne pas y figurer, mais enfin bon, il fallait bien ne pas trop s’éloigner du cahier des charges…