Histoires fantastiques 2-05 : Vous avez intérêt à me croire – Kevin Reynolds
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Amazing Stories. Saison 2, épisode 5
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Un homme se réveille en sursaut au milieu de la nuit. A une déflagration succèdent des bruits étranges. Intrigué et quelque peu effrayé, il descend au rez-de-chaussée de sa maison et découvre un paysage apocalyptique. Des silhouettes errent au milieu des décombres de ce qui était hier encore son salon. Et devant chez lui, la carcasse en flammes d’un avion de ligne témoigne de la brutalité du choc. Abasourdi, il se rend compte de l’étendu du drame dont il est le témoin impuissant. Et puis… il ouvre les yeux, sa femme à côté de lui. Ce n’était donc qu’un cauchemar. Et pourtant, une petite musique se fait insistante dans son esprit. Et si tout cela annonçait une catastrophe à venir ? Pour en avoir le coeur net, il se rend à l’aéroport de sa ville où le dernier vol part dans moins d’une heure, bien décidé à l’empêcher de décoller. Mais allez convaincre les gens sans preuve ?
En obtenant l’aval et le soutien de Steven Spielberg, Kevin Reynolds pouvait légitimement penser avoir fait le plus dur et que sa carrière était lancée. Sauf que son excellent Une bringue d’enfer a suscité l’indifférence sur son sol. A tel point qu’il a connu une exploitation chaotique dans le reste du monde, ne devant souvent sa sortie – tardive – qu’à la soudaine notoriété de son acteur vedette, Kevin Costner. Afin ne pas rester inactif, Kevin Reynolds accepte la proposition de Steven Spielberg de réaliser un épisode des Histoires fantastiques. Un pis-aller qui à défaut de lui laisser carte blanche (les épisodes sont confiés clé en main aux réalisateurs) lui permet de bénéficier de moyens démentiels, à l’échelle de la télévision mais aussi par rapport à ce qu’il a connu pour son premier film. Dans ce contexte, il ne lui reste guère d’autres latitudes que de soigner la forme. De fait, cet épisode revêt tout du long la forme d’un long cauchemar. Même une fois éveillé, Earl garde un pied dans le monde des songes, conservant haut de pyjama et robe de chambre. En un sens, il a un avant-goût de l’Enfer. Il se retrouve plongé en plein chaos au milieu des décombres et léché par les flammes. Émerger de son sommeil aurait dû sonner comme une délivrance, cela ne fait qu’ajouter à son tourment. Une puissance inconnue lui a confié une mission, il s’en persuade et tente de s’en acquitter avec obstination, tordant ainsi le cou à la fameuse loi des séries. Ce vol 601 à destination de Dallas/Fort Worth de la compagnie Pan West aurait dû être le troisième crash aérien en moins d’un mois, le fameux “jamais deux sans trois”. Et comme le dira l’un des agents de la sécurité qui l’escorte, “il n’y a rien à faire contre un accident d’avion, c’est le destin”. Une fatalité que refuse Earl, bien décidé à ce que ses visions d’horreur ne deviennent pas réalité.
Vous avez intérêt à me croire se joue en un laps de temps très court – moins d’une heure entre le moment du réveil et l’heure du décollage annoncée – et entièrement de nuit. Cela contribue à la dimension cauchemardesque du récit mais aussi à l’isolement de Earl. Il apparaît un peu perdu dans l’immensité des halls de l’aéroport, vidés de toute l’affluence et de l’agitation de la journée. Il ne croise pas grand monde, si ce n’est un agent d’entretien au loin, des agents de sécurité au portique, qu’il passe sans encombre alors qu’il n’a pas de “boarding pass, et ce quidam alcoolisé, qui s’avérera être l’élément clé du drame à empêcher. En outre, Kevin Reynolds nimbe les pérégrinations de Earl d’un voile d’irréalité. Il y a notamment ce moment suspendu où les silhouettes des trois pilotes du vol 601 passent en arrière-plan, dépassant Earl comme s’ils flottaient dans les airs alors qu’ils empruntent simplement le tapis roulant. Ou ces passagers en ombre chinoise qu’on voit entrer à bord de l’avion, telle une procession mortuaire. Kevin Reynolds agrémente cet épisode de jolis plans mais ne réussit guère à faire monter la tension de ce qui s’apparente à une véritable course contre la montre. Il ne parvient jamais à nous faire oublier la prévisibilité de l’intrigue dont l’issue ne peut être qu’heureuse, se battant ainsi contre des moulins à vent. Au milieu de tout ça, Charles Durning se débat comme un beau diable même s’il manque cruellement d’adversité. Son parcours manque d’embûches et d’impondérables. Tout paraît trop simple. Même l’intervention d’agents de la sécurité de l’aéroport va dans le sens de la réussite de son entreprise. Non seulement celle-ci lui permet de comprendre les raisons du crash, mais lui offre en sus les moyens d’intervenir. Un concours de circonstances miraculeux qui n’est pas sans rappeler le final de La Mascotte, où le pouvoir de l’imaginaire suffisait à déjouer la fatalité. Bien qu’il ne court aucun danger, Earl se rapproche du mitrailleur en ce sens qu’il croit dur comme fer à la portée prémonitoire de son rêve et qu’il se convainc qu’il peut contrecarrer l’imminence du drame. Il endosse le rôle de l’élu avec la ferveur nécessaire à la réussite de son entreprise, bien aidé par un scénario conciliant.
Par son entame spectaculaire, Vous avez intérêt à me croire préfigure la scène clé de Destination finale par son côté prémonitoire ou la séquence liminaire de la série Lost par son héros se réveillant en plein chaos. Sauf qu’à la différence de ses confrères, Kevin Reynolds n’a pas le loisir de pouvoir aller au-delà de cette simple scène choc. Elle constitue à la fois le coeur et la limite d’un épisode qui traîne son introduction comme un boulet. Il lui est à la fois difficile de faire mieux, et impossible d’aller plus loin dans la noirceur. Cependant, cette expérience aura au moins eu comme vertu de faire repartir Kevin Reynolds de l’avant pour se lancer dans le tournage de La Bête de guerre.