Histoires fantastiques 2-04 : Un vrai cauchemar – Todd Holland
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Amazing Stories. Saison 2, épisode 04
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Harry, adolescent en pleine puberté, ne jure que par le cinéma et plus particulièrement les films d’horreur. A tel point qu’il se réveille chaque matin au son des cris stridents poussés sous la douche par Janet Leigh dans Psychose. Une manie qui a le don d’agacer prodigieusement sa grande soeur (Christina Applegate alors débutante expérimente déjà les conflits frère-soeur quelques années avant Mariés, deux enfants) et d’inquiéter sérieusement sa mère. Sauf que Harry reste sourd aux récriminations de chacune. Pire, il revendique de ne pas vouloir d’une vie plan-plan à leur image, rêvant plus grand. Ainsi, après avoir éconduit sa jolie voisine Kate sous un fallacieux prétexte, il se rend à une énième séance de cinéma. En chemin, il aperçoit une étoile filante et s’empresse de faire un voeu. Il souhaite que sa vie se déroule comme dans un film. Un voeu pieu qui se réalise dans la foulée mais pas de la façon dont il l’aurait imaginé. Le cinéma ne se résume pas à de mignonnes comédies romantiques ou de trépidantes aventures. Et il était pourtant bien placé pour le savoir…
Dans la famille Holland, je demande le… Todd. Ce réalisateur spécialiste du petit écran (son unique film pour le cinéma, The Chicken Thing n’a guère marqué les esprits) n’entretient aucun lien de parenté avec Tom Holland, que ce soit le réalisateur de Jeu d’enfant ou le néo Spiderman à la sauce MCU. Tout au plus partage t-il avec son aîné des choix communs puisque les deux hommes se retrouveront non seulement au générique de cette deuxième saison des Histoires fantastiques mais également dans celui des Contes de la crypte. Todd a même droit à double ration en ce qui concerne la série de Steven Spielberg puisqu’il réalise également Un puits d’or, neuvième épisode de cette même saison. Mais ne brûlons pas les étapes… Par son propos, Un vrai cauchemar peut se lire comme le cri du coeur de son réalisateur qui aimerait lui aussi que sa vie se conjugue au cinéma. Cependant, il est plus probable que cet épisode renvoie à la passion de Steven Spielberg lui-même pour le grand écran. Si sa série prend en compte la place de plus en plus prépondérante du petit écran au sein des foyers (l’épisode Le Zappeur fou ou encore Programme spatial), Steven Spielberg continue d’envisager le cinéma comme le médium le plus important. Preuve en est à l’époque où il s’est rapidement désintéressé de sa création, et encore aujourd’hui où il oeuvre toujours pour les salles obscures lorsque d’autres de ses confrères ont cédé aux sirènes des diverses plateformes. En cela il diffère de Harry qui veut que sa vie ressemble à un film, qu’elle ne soit qu’illusion. Pour Steven Spielberg, la vie n’est pas du cinéma. Sa vie, c’est le cinéma.
Un vrai cauchemar nous plonge en terrain connu. Celui des quartiers pavillonnaires aux maisons cossues où les adolescents disposent de tout le matériel dernier cri. Non seulement Harry a une passion mais ses parents lui donnent les moyens de l’assouvir. Télévision, magnétoscope, cassettes vhs à perte de vue, il a fait de son antre une succursale de vidéoclub. En outre, il jouit d’une belle liberté, pouvant aller au cinéma quand bon lui chante, même après le dîner en semaine. Si l’on ajoute qu’il plaît à la plus belle fille du quartier, on peut dire qu’il a tout pour faire des envieux. Il est l’incarnation d’États-Unis prospères où il fait bon vivre sans autres dangers que ceux émanant de sa propre imagination. Pourtant, tout cela ne se révèle être qu’apparat. Comme beaucoup d’adolescents de son âge, Harry souffre d’un grand manque de confiance en soi. Se plonger dans les films revient à retarder l’échéance de choix qui se présenteront immanquablement à lui. Cela exprime une manière de ne pas vouloir prendre ses responsabilités ni, bien évidemment, de faire face à la réalité. Il rêve d’aventure et de sensations fortes par procuration, dans le cocon douillet d’une salle de cinéma ou de sa chambre d’ado. Répondre favorablement à l’invitation de Kate est impensable pour lui puisqu’il se sentirait alors totalement démuni et trop exposé. C’est donc tout bonnement un passage à l’âge, si ce n’est adulte, tout au moins à celui de la raison auquel nous convie cet épisode. La touche de fantastique tend ici à ouvrir les yeux de Harry sur son existence peut-être pas si morne et routinière que cela. Cela passe par une immersion ludique dans un film universellement connu d’un réalisateur réputé, le Psychose d’Alfred Hitchcock, comme le fera 30 ans plus tard Steven Spielberg en revisitant Shining dans Ready Player One. Pour ludique que soit le procédé, il tourne vite court. Il ne dépasse jamais le stade d’une attraction de fête foraine faute d’un véritable traitement. Cela se résume à du clin d’oeil facile sans réelle logique interne. Ainsi, Harry débarque dans l’univers du film avec ses vêtements, avant de se retrouver dans la robe de Marion Crane la scène suivante. Tout cela tient davantage du cauchemar que d’un monde parallèle dans lequel Harry risquerait réellement sa peau. En outre, ce passage occupe à peine un tiers du récit, trop peu pour qu’on puisse vraiment en profiter. A peine Harry se trouve t-il sous la menace de Norman Bates qu’un tour de passe-passe vient opportunément le tirer de ce guet-apens. Toutefois, le principal est acquis. Harry a eu une telle frousse qu’il voit sa vie “monotone” d’un autre oeil, enfin prêt à se lancer dans le jeu incertain de la séduction avec la belle voisine, d’une patience à toute épreuve.
Un vrai cauchemar est un parfait résumé de la série. Beaucoup de moyens et d’effets de manche au service de pas grand chose. Cet épisode n’est rien d’autre que de la comédie pour adolescents, l’humour grivois en moins. Harry n’en est pas arrivé à ce stade-là. Il se rêve encore en héraut de ses dames, cherchant désespérément la lumière et un minimum de considération. Gageons qu’il cherchera à faire bonne figure au mini-golf et qu’il n’ira plus jamais seul au cinéma. Enfin, si son histoire se conclut par un happy end, finalement seule incertitude de cet épisode pas désagréable mais vite oublié.