Sur ma peau – Gillian Flynn
Sharp Objects. 2006Origine : Etats-Unis
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Camille Preaker est une jeune journaliste qui travaille pour un obscur quotidien à Chicago. Sous prétexte qu’elle est originaire de Wind Gap, une petite bourgade du Missouri, son patron l’y envoie pour couvrir une histoire de meurtres d’enfants. En effet, une petite fille a été portée disparue alors que, l’été dernier, une autre fillette avait été retrouvée étranglée et toutes les dents arrachées. Mais pour Camille retourner dans sa ville natale c’est aussi se replonger dans les souvenirs d’une adolescence douloureuse marquée par des scarifications…
Premier roman de Gillian Flynn, Sur ma peau est un thriller assez étrange. En effet la jeune auteur semble ne pas tellement s’intéresser à son enquête, et tout le côté investigation policière est petit à petit délaissé au profit de la psychologie des personnages et de leurs relations. Et le livre se concentre finalement bien moins sur la disparition des petites filles que sur son héroïne au passé trouble et vénéneux. Les amateurs d’enquêtes ficelées et pleines de rebondissements resteront donc sur leur faim avec cette histoire sans coups de théâtre (hormis l’inévitable révélation finale évidemment) qui ne se départ jamais d’une certaine langueur.
Mais si l’enquête menée par la journaliste ne figure pas au nombre des atouts de ce roman, il a cependant bien d’autres arguments pour séduire le lecteur. L’histoire tourne entièrement autour de Camille qui sert de référent pour le lecteur qui découvre la ville de Wind Gap et ses habitants à travers son regard, la narration à la première personne le plaçant réellement dans la tête de l’héroïne du livre. Ceci permet à l’auteur de faire une analyse très pointue de la psychologie de son personnage principal mais aussi de dresser le portrait d’une petite ville du Sud des États-Unis où la pression sociale écrase les personnages. Un climat lourd et malsain qui culmine dans la maison de la mère de Camille, théâtre de rapports mère/fille morbides et responsables de l’entrelacs de cicatrices qui parcourt le corps de la jeune journaliste. L’auteur semble passionnée par les thèmes de la maladie et de l’anormalité et construit dans son livre une micro société qui fonctionne de travers, peuplée de personnages qui ne se comportent pas comme ils le devraient. Ainsi, les mères se comportent comme des enfants qui jouent à la poupée, esquintant moralement ou physiquement leur progéniture, tandis que les enfants veulent se sentir adultes en découvrant le sexe et les drogues. Et au milieu de cet univers immature ou chacun tente de manipuler l’autre comme un jouet, la fragile Camille absorbe toute cette folie en gravant sa chair.
Un soin particulier est porté à la description de cet univers malsain ce qui crée un sentiment de gêne ressenti à l’identique par l’héroïne et le lecteur. Gillian Flynn crée via ce procédé une vraie atmosphère qui met mal à l’aise et qui constitue sans doute la plus évidente qualité de ce roman original et déroutant. Et finalement malgré le manque de substance concernant l’enquête, la description des relations tordues qui unissent les personnages du roman est suffisamment prenante et intrigante pour maintenir croissant l’intérêt du spectateur. Sur ma peau est un thriller bizarre et enivrant qui ne ressemble à aucun autre livre.