Le Soleil se lève aussi – Ernest Hemingway
The Sun also rises. 1926Origine : Etats-Unis
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Également appelé Fiesta dans certaines éditions. Le livre fut écrit en 1920 par un Ernest Hemingway alors âgé de 21 (!!!) ans, qui sortait de la première guerre mondiale où il combattu en Italie, avant de devenir ambulancier.
Le livre raconte l’histoire de Jake, un ancien soldat blessé pendant la guerre. Blessé là où pour un homme, c’est la catastrophe. Bref il est dans l’impossibilité d’avoir une relation sérieuse avec une femme. Pourtant il aime une certaine Brett Ashton. Et cet amour est soit-disant réciproque. Mais impossible, donc. Brett, sexuellement active, traîne à droite et à gauche avec différents types, dont les propres amis de Jake. Pourtant ce dernier reste en apparence impassible. En société seulement… Il passe ses journées avec ses rares amis, à traîner dans les bars de Paris (ce sont tous des exilés américains ou anglais) et à préparer leur départ pour la fiesta de San Sebastien, en Espagne, où doit se dérouler une corrida, l’autre seule passion restante de Jake, avec Brett.
“You are all a lost generation“…
Ces mots que Gertrude Stein (une poète) adressa à Hemingway constituent le préambule du roman. The Lost Generation, ou la Génération Perdue, en VF, sera aussi le mouvement désignant tous ces artistes, écrivains, peintres, poètes de l’immédiate après-guerre mondiale (la première) qui, s’établissant à Paris, constituèrent un genre nouveau. Un genre reflétant parfaitement son époque. La fin de la première guerre marque véritablement un tournant dans l’histoire. Ce dont les artistes (outre Hemingway, il y avait aussi Scott Fitzgerald, John Dos Passos…) avaient pleinement conscience. La sauvagerie venait de frapper un grand coup, la société était entièrement modifiée tant matériellement que philosophiquement. La guerre n’avait servi à rien, le massacre de tant de personnes non plus. Et ces soldats-artistes, au sortir de la guerre, étaient profondément marqués par un pessimisme des plus profonds envers le genre humain. Ce qui s’ajouta à leur manque de volonté de vivre une vie normale, superficielle au vue des horreurs commises. Une impossibilité à réapprendre à vivre qui les conduisit bien souvent à l’alcoolisme (tous), à la ruine (Fitzgerald) et au suicide (Hemingway), même si cette dernière solution est en principe prohibé par le stoïcisme des auteurs de la Génération perdue, car ceux-ci le jugeaient comme une solution de facilité.
Revenons-en à The Sun also Rises. Jake, le héros, est bien un de ces hommes détruits par la guerre. Il doit en plus endurer la vision de la femme qu’il ne pourra jamais avoir, et qui pourtant l’aime aussi, mais qui ne peut s’empêcher de fréquenter d’autres hommes. Dont Robert Cohn, une connaissance de Jake, qui va souffrir des foudres de ce dernier. Cohn étant juif, c’est sur ce critère que Jake va baser ses insultes, même si en réalité, les raisons de sa haine est toute autre, puisque qu’elles n’ont pour origine que l’impossibilité de Brett de s’offrir à lui. Mais Jake ne veut pas montrer ça en public. D’ailleurs il ne montre rien en public. Pas de sentimentalité apparente. Un stoïcisme, voir une légereté que l’alcool consommé dans les cafés parisiens aide à appliquer. Et pourtant, en privé, quand il est seul, avec Brett ou à fortiori tout seul, il laisse libre court à ses sentiments, à sa tristesse et à ses larmes. Tout en sachant que le lendemain sera un même jour, sans but et où Jake devra encore s’efforcer à se donner l’apparence d’une vie normale. Bien entendu, la fiesta de San Sebastian, avec Jake, Cohn et un ami loyal de Jake (également un homme détruit) sera une véritable plongée dans l’esprit des personnages principaux. Jake verra ses deux passions, Brett et la Corrida, s’affronter. La Corrida symbolisant pour lui la virilité, l’homme luttant contre les éléments. Brett symbolisant quand à elle sa nouvelle vie. A la fin du livre, Jake sera amené à choisir entre la corrida et Brett. Il ne pourra s’empêcher de choisir Brett, bien que tout deux sachant que rien ne sera jamais possible entre eux. Jake s’est fermé la porte du dernier espoir qui lui restait. Sa vie ne changera plus, il est condamné à vivre dans la douleur permanente. Sans but. Son stoïcisme lui interdisant toute solution trop émotionelle, le suicide lui est interdit. Il doit continuer à vivre. Il gardera à jamais sa douleur, mais le soleil se lève aussi. Jake fait parti de la Génération Perdue.
Un grand livre. Le style d’écriture d’Hemingway est en véritable osmose avec l’esprit du personnage : un style jamais grandiloquent, pas de mots superflus, pas de grands sentiments, pas d’émotions… En apparence du moins. Car bien que sans les transmettre par des mots, le livre en regorge. Mais il faut les deviner entre les lignes, à travers la brièveté des phrases. Rien est montré, tout est suggéré.