Vivre et laisser mourir – Guy Hamilton
Live and Let Die. 1973.Origine : Royaume-Uni
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Premier film pour Roger Moore, après l’interlude de George Lazenby dans Au Service secret de sa Majesté et après le vrai-faux retour de Sean Connery dans Les Diamants sont éternels, et radical changement d’orientation pour une série qui perd également au passage son compositeur attitré, John Barry, remplacé ici par George Martin, ex producteur des Beatles accompagné de son ancien poulain Paul McCartney, qui signe la sympathique chanson du générique.
Mais le principal est bien entendu le nouvel acteur dans la peau de l’agent 007, à savoir Roger Moore, fraichement sorti du Saint et de Amicalement Vôtre, deux séries british dans lesquelles l’action se mâtine d’une pointe comique assez bienvenue. C’est donc dans la continuité de ces séries que Moore choisit d’interpreter un James Bond perdant au passage tout le punch de Sean Connery au profit d’un côté guignolesque dosé variablement selon les films de l’ère Roger Moore, mais qui dans Vivre et laisser mourir atteint des proportions invraisemblables.
L’histoire, très quelconque, abandonne toute la démesure des intentions terroristes du SPECTRE ou encore des complots soviétiques pour racoler dans la blaxploitation, alors en vogue aux Etats-Unis. Nous avons donc à subir le trafic de drogue dirigé par un certain Kananga (Yaphet Kotto) depuis son île de San Monique, qui prévoit d’écouler gratuitement sa came de part le monde pour dans un premier temps ruiner ses concurrents et dans un second temps exploiter les nouveaux accros qui ne manqueront pas de payer le prix fort lorsque la gratuité s’arrêtera.
Tout le reste n’est que détails inutiles, sur lesquels ne manque pourtant pas de s’attarder le réalisateur Guy Hamilton, pourtant pas un novice en James Bond, qui s’amuse donc à dépeindre tout ce qu’il y a de plus caricatural relevant du domaine de la blaxploitation. Coupes afro, gangs organisés et exotisme de bazar sont au menu des péripéties d’un Bond amené non seulement dans la république bananière de San Monique, mais aussi dans des endroits comme Harlem ou La Nouvelle Orléans. Pas très original, surtout que les ennemis qu’il y trouve sont d’un ridicule qui finit par faire de ce film une farce de mauvais goût. Passons sur Kananga et son masque tout pourri à l’origine d’un twist qui ne l’est pas moins, et parlons des hommes de main : un Capitaine Crochet à la personnalité d’Oncle Ben’s, un gras double qui parle en murmurant (“Murmure” est d’ailleurs son nom), et surtout un prêtre vaudou rigolard accoutré n’importe comment, baptisé Baron Samedi. Tout cette chienlit sème sur le chemin de Bond des traquenards indignes des bisseries d’aventures philippines. On notera un mur pivotant et un faux sol coulissant (super !), l’emploi d’animaux dangereux en tout genre (serpents, crocodiles, requins… les araignées devaient être malades) ainsi qu’un final tout simplement consternant, dans lequel Bond utilise un tour de passe-passe honteux digne de Pif Gadget avant de se débarrasser de Kananga d’une façon assez gonflée. A ceci viennent se greffer deux James Bond girl parmi les plus insignifiantes de la série, l’une très vite expédiée et l’autre, Jane Seymour, qui incarne une diseuse de bonne aventure au look kitschissime dont le rôle, vital au départ, se transforme très vite en simple omniprésence à peine sexy d’une potiche constamment dans les pieds de James Bond.
Avec tout ça, il va sans dire que l’humour aux ras des pâquerettes joue un rôle majeur et domine largement toutes les séquences d’action, dont une poursuite en hors board qui résume à elle seule tout le film. Bond est traité par dessus la jambe d’un Roger Moore qui de toute façon, à 45 ans, ne lève déjà plus la jambe suffisamment haut pour assurer l’action, et qui du coup oblige le réalisateur à se concentrer sur autre chose. A savoir un shérif bouseux des bayous de Louisiane, qui assiste impuissant mais avec beaucoup de prétentions à la course fluviale opposant Bond aux hommes de Kananga. Humour très très lourd et exotisme de carte postal (le jardin d’un riche aristocrate sudiste traversé par le bateau de Bond) se mélangent pour obtenir une scène d’une longueur démesurée bien à l’image du film : débile de bout en bout. Il faudra attendre Moonraker pour trouver pire, dans le genre.
Et c’est ainsi que Roger Moore, également très porté sur les bons mots foireux, marqua son territoire dans la série des James Bond, qui par la suite ne s’en remettra jamais véritablement.