Tokyo Gore Police – Yoshihiro Nishimura
Tôkyô zankoku keisatsu. 2008Origine : Japon
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J’avais déjà eu l’occasion de brièvement parler de Yoshihiro Nishimura sur ce beau site à l’occasion de la chronique du très bon Meatball Machine. En effet, Nishimura était responsable des maquillages et du look destroy des vilains humanoïdes du film. Le maquilleur japonais est par ailleurs cité au générique d’une trentaine de films pour en avoir réalisé les maquillages et les effets spéciaux, parmi lesquels nous pouvons citer l’expérimental Rubber’s lover de Shozin Fukui, ou les étranges mais sublimes Suicide Club et Noriko’s Diner Table de Sono Sion, ou encore le tout récent Machine Girl de Noboru Iguchi.
Mais si je vais reparler de Nishimura aujourd’hui ce n’est plus cette fois-ci en tant que maquilleur ou responsable des effets spéciaux (encore qu’il occupe aussi ces postes dans le cas qui nous concerne) mais bel et bien en tant que réalisateur, puisqu’il signe avec Tokyo Gore Police son premier long métrage.
Lequel porte très bien son nom puisqu’il est effectivement question de la police de Tokyo et que le moins qu’on puisse dire c’est que c’est plutôt vilainement gore. De quoi réjouir les amateurs d’hémoglobine et d’ultra-violence sur celluloïd.
Dans le film, nos braves policiers Tokyoïtes sont en réalité les membres d’une milice privée qui s’est substituée à la police nationale dans la ville de Tokyo et qui enchaînent les bavures en tout genre sans davantage s’en inquiéter. D’autant plus qu’ils se retrouvent en guerre contre des criminels mutants, qui ont la particularité de pouvoir faire pousser une arme mortelle de chacune de leurs blessures. Dans les rangs des policiers se trouve Ruka, une jeune femme troublée et hantée par le souvenir de son père, un policier mort la tête explosée par un coup de revolver. Elle participe avec un zèle tout particulier à l’extermination des criminels mutants jusqu’au jour où elle est lancée sur la piste d’un tueur en série qui saigne et démembre ses victimes avant de les abandonner, bien rangées dans un carton, sur les lieux de son crime…
Vous l’aurez compris, Tokyo Gore Police est un de ces nombreux film gore déjanté qui nous arrive tout droit du Japon. Pur film de genre, il réutilise et recycle avec bonhommie tous les codes propres à ce cinéma là. Cependant, le but du film n’est pas ici de distiller le malaise mais au contraire d’installer une ambiance bon enfant à l’aide d’effets gores variés et originaux, de mises à mort qui font rire par leur caractère outrancier et exagéré et surtout de personnages frappadingues et déjantés tant dans leur look (le méchant qui se promène le cerveau à l’air et dont les orbites sont ornées de deux canons lance-yeux !) que dans leurs attitudes (le chef de la police, ou encore l’héroïne qui se propulse en haut des immeubles à l’aide de bazookas…). C’est sans surprise que l’on constate que le film, mis en scène par un maquilleur, accorde une place de choix aux très nombreux effets spéciaux qui viennent éclabousser l’écran. Ils constituent en effet l’intérêt majeur du film et bénéficient dès lors d’un soin tout particulier. Malgré le budget que l’on devine très faible, le film déploie donc un panel extrêmement varié d’effets gores et de créatures bizarres. Démembrements, décapitations et autres mutilations bénéficient de nombreux gros plans, de changements d’axes et de quantités d’effets destinés à les mettre en valeur. Qui plus est, ils sont de manière générale très bien réalisés et le tout à base de carton pâte et de mousse de latex, ce qui leur donne une véritable consistance à l’écran que n’ont souvent pas les effet virtuels. Ces derniers ne sont cependant pas absents du film, mais les CGI sont utilisés avec parcimonie et uniquement lors de scènes qui n’auraient pu être réalisées telles quelles (le combat entre Ruka et la femme tronc). Mais en dehors de cela le film est plutôt old school, ce qui est très apprécié en ces lieux et fait du bien aux yeux, il faut bien l’avouer. Ainsi, c’est avec plaisir que le cinéphile constatera le recours à des effets d’animation image par image qui ne sont pas sans rappeler les splendides effets du premier Terminator ou de Evil Dead. Mais si on laisse les aspect les plus techniques de coté, il faut aussi avouer que esthétiquement tout ceci est vraiment très bien et très beau pour peu que l’on soit sensible à ce type d’effets spéciaux. Le réalisateur empruntant beaucoup au style manga pour créer ses effets, mais aussi au chambara (film de sabre costumé) et les nombreuses mutilations qui occasionnent de véritables geysers de sang ne manqueront pas d’évoquer la saga des Baby Cart dans l’esprit du cinéphile de bon goût. De la même manière, il utilise largement l’exagération en multipliant les gerbes de sang, à la fois pour provoquer la distance nécessaire pour pleinement apprécier au premier degré de tels effets mais aussi pour revendiquer clairement et sans équivoque l’appartenance de son film au genre « gore », les membres coupés vomissant le sang venant littéralement repeindre la caméra qui sera à de très nombreuses reprises éclaboussée de sang. Tokyo Gore Police n’a absolument pas d’autre prétention que d’être un film gore distrayant et s’adressant de fait avant tout aux amateurs du genre. Enfin, Yoshihiro Nishimura prend également bien soin du rythme de son film et agence tous ces effets de manière intelligente dans l’histoire afin d’éviter la redondance et la mollesse qui caractérisent bien trop souvent les films gores.
Mais outre les effets sanglants Tokyo Gore Police contient aussi une très belle galerie de freaks particulièrement originale et créative. Les mutants sont nombreux et bénéficient tous d’un look d’une coolitude absolue. La palme revenant sans doute à cette stripteaseuse coupée en deux dont le bas du corps se transforme en une bouche carnassière hérissée de dents ! Mais il y a aussi un mutant avec un bras-tronçonneuse, une écolière avec un bras-cutter, des femmes aux yeux exorbités, etc… Nishimura semble s’être fait plaisir et nous présente toute une galerie de mutants bien gluants comme on en avait plus vu de puis les films de Brian Yuzna et Stuart Gordon.
Mais si ce sont donc ces effets spéciaux qui constituent l’intérêt majeur du film, il serait injuste de réduire son scénario à un simple prétexte destiné à nous les montrer. En effet, non seulement le scénario apporte au film une véritable cohésion d’ensemble dont la narration permet d’éviter l’ennui et la redondance du gore, mais il se base aussi sur une réalité sociale pour nous raconter une histoire. Et, un peu à la manière de Paul Verhoeven, Yoshihiro Nishimura n’hésite pas à intégrer dans son film des fausses publicités et des faux extraits de films de propagande pour dénoncer les travers de la société japonaise, traiter du problème du suicide, de l’insécurité et finalement nous décrire par ce biais l’état d’une société asservie par une police toute puissante qui n’aurait à rendre de comptes devant aucun contre pouvoir. Le look des policiers du film, un croisement entre la tenue traditionnelle du guerrier médiéval japonais, du costume des juges de Judge Dredd et de l’aspect massif du Robocop de Paul Verhoeven, justement, vient renforcer cette impression que dans le film ce ne sont pas les mutants, mis au ban de la société, qui sont les véritables méchants.
Mais ces aspects visent surtout à donner un peu plus d’épaisseur et d’intérêt au scénario. Ils ne font pas pour autant de Tokyo Gore Police un film politique. Bien au contraire, le film de Nishimura reste un petit film bis actuel, généreux et sans prétention. Mais il n’en est pas moins réussi pour autant. Au contraire en faisant preuve d’une grande créativité et d’un sens aigu du rythme, il parvient à réussir haut la main là où des films comme le récent Planète terreur avaient échoué.
Bref, Tokyo Gore Police est un petit film gore tout à fait sympathique qui tient ses promesses et s’avère parfaitement divertissant.