Thanksgiving : La Semaine de l’horreur – Eli Roth
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Thanksgiving. 2023.Origine : États-Unis
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A l’approche des festivités de Thanksgiving, l’ambiance se fait pesante dans la ville de Plymouth. L’année précédente, l’ouverture exceptionnelle du magasin Rightmart à l’occasion du black friday avait débouché sur une émeute entraînant trois morts. Alors que le patron et propriétaire de l’enseigne, Thomas Wright, envisage de reconduire l’événement comme si de rien n’était, des voix dissonnantes se font entendre en ville, où les manifestations se multiplient. Mitch Collins, un ancien employé dont l’épouse est morte ce soir-là, mène la fronde, réclamant que justice soit faite au moindre micro tendu. La propre fille du notable, Jessica, trouve la démarche paternelle gonflée et irrespectueuse, mais ne parvient pas à lui faire changer d’avis. Plutôt qu’afficher profil bas, Thomas Wright enchaîne les mondanités et les opérations commerciales. Son attitude commence à changer lorsque les jambes d’une serveuse d’un restaurant de la ville trônent sur l’enseigne de son magasin. La police découvre que leur propriétaire se trouvait au Rightmart lors de la funeste soirée et, grâce aux enregistrements vidéos, que son agresseur cache son identité derrière un masque de John Carver. En outre, Jessica et ses amis reçoivent en parallèle, de mystérieux messages dont cette photo d’une table dressée où leurs noms figurent devant chaque assiette. Pas de doute, leurs vies sont en danger.
Pour qui se souvient du projet Grindhouse des compères Quentin Tarantino et Robert Rodriguez avec respectivement Boulevard de la mort et Planète terreur, quelques bandes-annonces de films fictifs avaient été mises en boîte afin d’accompagner ce double programme. Et parmi elles, celle de Thanksgiving, réalisée par Eli Roth. Très vite, il ambitionne de tirer un long métrage de ce trailer et s’empresse d’en tracer les grandes lignes en compagnie de Jeff Rendell. Un script qui sera sans cesse remanié au point de tenir de l’arlésienne alors que Machete puis Hobo with a Shotgun auront effectué depuis longtemps leur transition. Eli Roth se disperse, part sur d’autres projets, aussi bien au niveau de la production (Hostel, chapitre III de Scott Spiegel, The Sacrament de Ti West, The Clown de Jon Watts) que de la réalisation (The Green Inferno, Knock Knock, Death Wish), s’aventurant même sur le terrain du film familial (La Prophétie de l’horloge). Et puis il y revient à nouveau, avec cette fois la ferme intention de mener le projet à son terme. Il construit son histoire autour des trois scènes clés de la bande-annonce (la mascotte de dindon décapitée, la femme servie cuite à point en guise de plat principal et l’effeuillage de la pom-pom girl sur le trampoline) et remplace Michael Biehn – dommage ! – par Patrick Dempsey. Et bien sûr, il délaisse l’habillage 70’s pour un slasher tout ce qu’il y a de plus contemporain, jusque dans son usage des réseaux sociaux. Ce dernier élément, au coeur de l’intrigue, modernise le motif de l’appel téléphonique popularisé par la saga Scream en lui donnant un côté plus viral.
Avec son tueur qui choisit une fête populaire américaine comme cadre de ses exactions, Thanksgiving paye en toute transparence son tribu au Halloween de John Carpenter. Et parce que Eli Roth connaît ses classiques et qu’il sait ce qu’on risque de lui reprocher, il évacue d’emblée la parenté en ouvrant son film par une vision en caméra subjective du perron d’une maison. Une première scène qui débouche sur un leurre doublé d’un clin d’oeil malicieux à Scream 3. Le tueur du film n’a rien d’une entité maléfique et agit en toute conscience selon un plan parfaitement étudié, même si d’une logique pas toujours irréprochable. Certains impératifs narratifs ne font pas toujours bon ménage avec la cohérence. Eli Roth conserve néanmoins la maîtrise de son récit, jusque dans le traitement de ses personnages qui, sans échapper complètement à la caricature, se démarquent sensiblement du tout venant. Il y a chez Jessica et ses amis une forme de candeur dans leurs rapports qui étonne de la part de Eli Roth. S’ils sont tous en couple, ils ne se laissent pas dominer par leur libido, ne gratifiant ainsi pas les aficionados des scènes attendues. Et lorsque certains d’entre eux se rendent à une fête, c’est moins pour se changer les idées que dans le but de se procurer une arme à feu afin de mieux pouvoir se défendre en cas d’attaque. C’est qu’une fois la menace avérée, ils la prennent très au sérieux, délaissant toute forfanterie au profit d’une grande prudence. Même Evan ne la ramène pas, alors qu’il est le seul de la bande à avoir un comportement problématique. Il représente le sportif dans toute sa splendeur, davantage focalisé sur sa propre gloire (tel un Narcisse des temps modernes, il passe son temps à chercher des like sur les réseaux pour se valoriser) que sur ses études, dont il délègue les devoirs à faire à la maison à un bon élève, moins soumis qu’il ne le paraît. Fils de bonne famille, il se croit au-dessus de la mêlée, narguant la “populace” de sa morgue et ignorant sciemment les injonctions de la société (la place réservée pour les handicapés sur laquelle il stationne sans aucun scrupule). Pour autant, il n’est pas plus responsable que ses petits camarades du drame du Rightmart. En revanche, il s’est rendu coupable de l’avoir instrumentalisé à des fins personnelles avec tout le cynisme inhérent aux réseaux sociaux. En un brutal retour de manivelle, son sort se règlera aux yeux de tout le monde, non sans quelques répliques sardoniques au passage, rare concession à l’esprit boogeyman des années 80 et 90.
Le gore, plutôt généreux, n’est pas la principale raison d’être de Thanksgiving. Il en constitue son produit d’appel, la petite douceur promise à un public avide de ces séquences où le sadisme des mises à mort n’est jamais très éloigné d’un esprit cartoon (la serveuse découpée en deux). Les scènes de meurtres sont globalement bien menées mais ne surprendront guère un habitué du genre. Certaines s’avèrent même frustrantes en n’allant pas au bout de leurs idées. La scène du trampoline, par exemple, est trop rapidement expédiée, n’apportant rien par rapport à la bande-annonce grindhouse. Là où Eli Roth s’avère surprenant, c’est dans sa description au vitriol de la société américaine. Il en critique l’aspect consumériste à outrance. Les habitants de Plymouth qui s’amassent devant les portes du Rightmart dans l’espoir de faire des bonnes affaires au détriment d’une réelle nécessité (le gaufrier) rappellent – en plus dérangeant – les morts-vivants de George Romero dans Zombie. Ces images d’une foule en furie se battant comme des chiffonniers dans l’espoir d’acquérir un produit quelconque nous sont trop familières pour ne pas laisser un arrière-goût dans la bouche. Eli Roth nous présente un miroir à peine déformant de comportements qui confinent à la bestialité. La sempiternelle loi du plus fort prend dès lors le pas sur toute autre considération, le produit soldé devenant le saint Graal, le trophée qu’on se doit de brandir au nez et à la barbe de consommateurs frustrés. Lors de ce prologue, le malaise est palpable, à peine amoindri par les quelques saillies gores de rigueur dont Gina Gershon fait les frais. Eli Roth sait recevoir et ses invités dégustent. Il montre en creux une société divisée et instable où la violence n’a besoin que d’une étincelle pour exploser. Nous ne sommes pas loin de la lutte des classes lorsque Ryan, le nouveau petit ami de Jessica, met en avant ses capacités intellectuelles par opposition à celles de Bobby, l’ex, prétendues faibles car non seulement il est sportif mais en outre travaille en tant que dépanneur. Les préjugés ont la vie dure et le film ne va pas dans le sens d’une reconsidération. En dépit de sa gentillesse et de sa bravoure, Bobby restera comme le dindon de cette farce amère. Dans cette société de l’apparat et du clinquant, la star déchue n’a plus sa place dans le grand monde.
En renouant avec l’horreur, Eli Roth cherche moins la provocation rigolarde de ses débuts que l’efficacité d’un divertissement appliqué. Le constat social intervient en bonus d’un petit slasher des familles somme toute pas désagréable, mais pas transcendant non plus. Eli Roth se fait plaisir, ménage quelques fausses pistes quant à l’identité du tueur (le veuf ?, l’ex de retour ?) sans que cela n’empiète sur le spectacle. Jessica et ses amis n’ont pas vraiment l’occasion de se poser ce type de question. Ils sont dans la réaction plus que dans l’action. Et on s’embarque bien volontiers à leur suite, s’amusant de quelques réminiscences de films d’horreur passés (le banquet et ses convives cadavériques tout droit sorti de Happy Birthday : Souhaitez ne jamais être invité, qui était déjà en soi une relecture de la scène phare de Massacre à la tronçonneuse). Mais de là à en reprendre une tranche pour un Thanksgiving 2 en approche, ce serait tenter l’indigestion.
Je pense que Eli Roth avait accumulé bide et demi succés, avec Green Inferno, Knock Knock et Death Wish, et qu’il devait montrer qu’il est encore capable d’être un réalisateur qui rapporte de l’argent, mais la sortie de Bordelands a du remettre tout cela en cause, n’etant pas de sa faute puisque la violence qu’il avait distillé dans le film, a pousser les producteurs à refaire le film, le gore en moins.
Compte tenu la manière dont Borderlands a été exploité en salles, le studio ne croyait guère à un succès donc son échec ne doit pas vraiment impacter Eli Roth. A voir ce qu’il adviendra de Thanksgiving 2…