CinémaHorreur

Terreur cannibale – Alain Deruelle

terreurcannibale

Terreur cannibale. 1981

Origine : France / Espagne
Genre : Horreur
Réalisation : Alain Deruelle
Avec : Antonio Mayans, Antoine Fontaine, Olivier Mathot, Silvia Solar…

Trois voyous dont une femme kidnappent la gamine d’un couple de richards dans le but d’obtenir une rançon. En attendant, ils se planquent chez une connaissance d’un ami haut placé, dans la brousse d’un pays exotique non nommé, probablement sud-américain. Un peu sot, l’un des bandits a la mauvaise idée de violer la femme de son hôte, ce qui provoque fort justement l’ire de ce dernier. Sa vengeance sera terrible : non seulement il trahit ses invités en donnant leur localisation aux parents de la gamine, mais en plus il pousse les méchants kidnappeurs entre les dents de la tribue cannibale du coin (“y’a du grabuge avec les cannibales du coin”, pour reprendre l’expression exacte d’un badaud).

Vu depuis le fond du fond du bis dans lequel croupissait l’aujourd’hui défunte Eurociné, le bis italien ressemblait à Hollywood. C’est pourquoi Marius Lesoeur, patron de cette humble compagnie de production, singeait l’Italie avec vigueur, surfant par exemple sur la mode des films de cannibales relancée par Ruggero Deodato. Et quand Lesoeur mise sur les cannibales, il ne fait pas les choses à moitié : deux films tournés simultanément, Mondo Cannibale et Terreur Cannibale. Le premier produit par Marius lui-même et le second par son fils Daniel (dont la fille joue dans Mondo Cannibale !). N’ayant pas assez de sous pour payer deux équipes de tournages, Lesoeur fils “emprunte” en douce le staff, une partie du casting et même quelques séquences de Mondo Cannibale, au grand dam de Jess Franco, star maison dont les cacas nerveux n’effraient plus le clan Lesoeur. Terreur Cannibale est donc le rejeton dégénéré du film de Franco, production elle-même loin d’être brillante. Le choix de son réalisateur officiel (car plusieurs bonshommes se partagèrent cette tache) se porta sur Alain Deruelle, au CV kubrickien : metteur en scène d’Introductions perverses et d’Introductions à la hussarde), monteur du raffiné Lèche-moi partout et déjà l’ombre de Jess Franco lorsque la logique commerciale imposait de suivre l’ibère dans la mode des WIP (Gardiennes du pénitencier). Deruelle le suit ici dans l’arrière-pays de Benidorm, célèbre station balnéaire espagnole notoirement connue pour ses hideux immeubles, véritables furoncles sur bord de mer, et notoirement pas connue pour ressembler à la forêt amazonienne. Et de fait, Deruelle a beau utiliser des stock shots, il a beau lancer les cris de singes en arrière plan, on ne peut guère confondre les sous-bois de la campagne espagnole, leur végétation sèche et leurs palmiers avec la luxuriante moiteur de la forêt tropicale. A défaut d’être crédible, ce décor est au moins raccord avec les cannibales, qui eux aussi sont une injure faite au réalisme. Les anthropophages de Deruelle ne connaissent pas le bronzage, leur peau blanche trahissant un peu vite le manque d’exposition au soleil. Mais ce n’est rien comparé aux coupes de cheveux, puisque certains spécimens arborent moustaches et rouflaquettes, ou encore aux saugrenus maquillages réalisés avec quelques pots de peinture achetés au Bricomarché du coin (quant à leur application, tout ce que l’on peut dire c’est que visiblement, il y avait des fans du groupe Kiss dans l’assistance). Là encore, tout comme les cris de singes et les stock shots achevaient de rendre les décors improbables, ce sont les tentatives de réalisme qui parachèvent le ridicule du spectacle : tout ces faux acteurs recrutés au PMU du coin qui s’agitent dans leurs pagnes en baragouinant des sons gutturaux pour faire croire à un dialecte sont proprement ahurissants d’amateurisme.

Dans Terreur Cannibale, tout veut faire vrai, mais tout sonne faux jusque dans les moindres détails. Y compris l’humour volontaire, qu’on finit par confondre avec l’involontaire (deux des bandits s’acharnent pour forcer une porte avant de découvrir qu’elle n’était pas fermée à clef). Réduite à deux acteurs en uniformes et à une machine à écrire, la douane infranchissable fait sourire. La méchanceté des voyous devient improductive à force de voir les acteurs surjouer en faisant de grands gestes théâtraux ou au contraire sous-jouer en récitant mollement des dialogues plats. L’aspect tribal d’une danse au couché de soleil est ruinée par l’abondance d’un fumigène jaune masquant tout le spectacle. La scène de viol qui se veut choquante se transforme en moment de gaudriole dès lors que le montage lui fait succéder ce qui aurait dû la précéder, à savoir l’échauffement du violeur par la femme violée. Et que dire de cet hôte qui part s’absenter plusieurs jours pour affaire et qui revient dix minutes plus tard en déclarant que ça a duré moins longtemps que prévu ? Que le principal est que son absence a permis le viol de sa femme ? Le montage est complètement désordonné, et le monteur amateur ne s’est pas remis de la fonction “fondu” qu’il emploie entre deux scènes anodines. Le principal étant pour Marius et Daniel Lesoeur d’avoir eu un peu de sexe à placer entre un premier repas cannibale annonciateur (lorsqu’un personnage disparait dans l’indifférence générale) et “l’orgie” gore finale, une fuite sur le territoire cannibale qui s’achève avec les tripes fraîches quémandées chez le boucher. Il est vrai que tant d’amateurisme fait parfois rire, mais il est tout de même bien difficile d’oublier le fait que le film est avant tout ennuyeux, Deruelle ayant visiblement pâti de la dépendance de son film par rapport à celui de Jess Franco. Il semble avoir pris son mal en patience dans l’attente de récupérer des cannibales et des techniciens, ce qui fait qu’une large partie de Terreur Cannibale est dévolue aux personnages, qui glandent sec jusqu’aux choses “sérieuses” (si l’on peut dire). Au moins le tournage dans une bicoque près de la Méditerranée a-t-il servi de vacances…

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