Roar – Noel Marshall
Roar.1981.Origine : États-Unis
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Implanté en Afrique, Hank est un scientifique quelque peu excentrique qui joue les médecins de fortune pour les tribus alentours. Passionné par les fauves, il est à la tête d’une réserve naturelle où voisinent des dizaines de lions, tigres et autres panthères et guépards dans le but de prouver que l’homme peut vivre en harmonie avec ces animaux, ce dont doute fortement un obscur Comité auprès duquel il doit rendre des comptes. Un travail de longue haleine et très prenant qui met Hank en retard au moment où il doit récupérer sa famille à l’aéroport. Par un malheureux concours de circonstances, il fait route vers l’aéroport lorsque sa famille, ayant entre-temps pris un car, arrive chez lui sans se douter de ce qu’elle découvrira.
Roar. Derrière ce titre digne d’une série B exotique se cache le projet un peu fou initié par Tippi Hedren (Les Oiseaux, Pas de printemps pour Marnie) et le producteur Noel Marshall. Tout commence en 1969 sur le tournage de Satan’s Harvest en Afrique du Sud. Alors mari et femme, Tippi et Noel découvrent sur place une maison occupée par des lions. Cette vision pour le moins incongrue les marque durablement, au point d’envisager de tourner un film dans le but de dénoncer la situation des fauves en captivité. Dès le début des années 70, ils décident donc d’élever des lions dans leur demeure de Los Angeles afin de se familiariser avec eux. Une idée en soi déjà bien farfelue qui a donné lieu à des photographies aussi ébouriffantes qu’effrayantes sur lesquelles on voit le lion considéré comme un inoffensif animal domestique. De cette naïveté aux confins de la folie douce découlent les nombreux problèmes qui ont émaillé le tournage, au point que sa durée initiale est passée de 6 mois à 6 années.
Recueillant toujours plus d’animaux dont des éléphants, Tippi Hedren et Noel Marshall font l’acquisition d’un ranch spacieux sis en bordure d’un lac et au beau milieu d’un immense territoire, lequel servira de décor principal. Cette demeure à la structure atypique établie sur plusieurs niveaux dont un toit terrasse, s’avère un véritable dédale qui offre autant de cachettes potentielles que d’itinéraires de fuites. Le récit, pour le moins minimaliste et redondant, joue de la peur inhérente des fauves assortie à la méconnaissance des travaux paternels pour orchestrer un jeu du chat et de la souris entre la famille de Hank et les fauves. A peine arrivés à bon port, Madelaine et ses enfants doivent faire face à des dizaines de fauves qui déferlent sur eux et qui s’invitent dans toutes les pièces de la maison. Il n’existe aucune échappatoire. Où qu’ils aillent, ils tombent irrémédiablement nez à nez avec l’un ou l’autre des fauves qui peuplent l’endroit, ce qui les oblige à opter pour les cachettes les plus improbables, l’un dans un frigidaire, un autre dans le casier d’un vestiaire ou ces dames dans un vaisselier. Des cachettes de fortune qui peuvent vite prendre des allures de prison. Quoiqu’ils tentent, les membres de la famille sont toujours confrontés à une impasse et à l’impossibilité d’échapper à leurs « assaillants ». A s’agiter ainsi, ils excitent le côté joueur des fauves, lesquels s’empressent de courir après les fuyards lorsqu’ils ne bloquent pas avec nonchalance le frêle esquif à bord duquel ils pensaient pouvoir s’échapper. Et lorsque la famille de Hank pense en avoir terminé avec les lions, ce sont les éléphants qui prennent le relais, eux dont la colère dévastatrice réduit tout espoir d’évasion à néant. Ces scènes sont l’occasion de multiples morceaux de bravoure, d’autant plus impressionnants qu’ils ont été réalisés sans trucages avec des animaux certes apprivoisés mais non domptés. Les acteurs restent en contact permanent avec les animaux au mépris de tout danger à l’image de l’un des fistons zigzaguant entre les lions au guidon de sa moto, des membres de la famille balancés à l’eau alors qu’ils sont cachés dans des tonneaux, ou de Mélanie Griffith plaquée au sol par un lion dont la patte posée lourdement sur son visage lui vaudra une belle frayeur et un recours à de la chirurgie réparatrice. De les voir ainsi ballottés et malmenés nous renvoie à notre fragilité et notre insignifiance à l’échelle du règne animal.
Toutefois, le propos du film demeure obscur. Entrepris sur la base de louables intentions, il laisse néanmoins un goût mitigé. Œuvre d’illuminés à l’inconscience quasi criminelle (Jan De Bont, le directeur de la photographie sera scalpé par un lion durant le tournage), Roar ne se fait guère militant. Tout au plus la sous-intrigue des deux membres du Comité qui partent à la chasse aux fauves permet à Noel Marshall d’insérer quelques plans tire-larmes de lions agonisant sous les balles comme un instantané du braconnage incessant dont ils sont les proies. Mais globalement, le récit prend davantage des allures de roman-photos, suivant le quotidien à peine romancé du couple Tippi Hedren – Noël Marshall. Les fauves sont ainsi ramenés à un statut d’animal domestique qu’on laisse dormir à la maison ou qui voyage avec son maître en voiture. Il se dégage du film une tonalité très Disney avec ces fauves gentils comme tout qui, s’ils infligent des blessures à l’homme, le font sous couvert d’une grande maladresse liée à une fougue mal maîtrisée. Ce qui crée une distanciation dommageable puisque les scènes où les fauves terrorisent les hommes de manière involontaire provoquent le rire alors même que les blessures qu’ils infligent sont réelles. Leur dangerosité s’en retrouve ainsi presque niée, ce qui leur confère une image de grosses peluches ou d’animaux de foire que l’on rêverait de câliner. Autrement dit, cela en viendrait à encourager leur captivité soit l’inverse du propos défendu.
Roar est décidément un drôle de film. Une sorte de mondo mais dénué de toute complaisance au profit d’un regard candide, pour ne pas dire niais, porté sur les fauves. Quoique si la complaisance est absente du film, elle ne l’a pas été de sa campagne marketing, celle-ci jouant abondamment des désagréments vécus sur le tournage. La mention des 70 blessés figurent ainsi en bonne place sur les affiches lorsque le visuel de celles-ci ne reprend pas carrément la photo de l’un des membres de l’équipe couvert de blessures (Jan De Bont et sa plaie à la tête fraîchement recousue, le visage ensanglanté de Melanie Griffith). C’est encore le cas aujourd’hui pour la ressortie du film, même si le visuel de l’affiche se fait plus neutre avec ce lion rugissant en gros plan. De sa genèse à sa conception, Roar reste un projet atypique qui véhicule son lot d’images hallucinantes à même de marquer durablement la mémoire du spectateur. Une vraie curiosité.