Petit Papa Baston – Terence Hill
Botte di Natale. 1994Origine : Italie / Allemagne / Etats-Unis
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En 1985, lorsque Les Super flics de Miami sortit sur les écrans, il était grand temps que le duo Bud Spencer / Terence Hill se sépare. Plus de quinze ans de vie cinématographique commune, ça use d’autant plus que le renouvellement n’a jamais été le point fort de leurs films. Les deux compères semblaient alors lassés… Bud Spencer se reconvertit principalement à la télévision, pour la série Extralarge d’Enzo Castellari, et Terence Hill fit de même avec Lucky Luke, série découlant de son propre long-métrage. Niveau reconversion, on repassera… Un flic humoristique pour l’un, un cowboy malicieux pour l’autre, soit le même genre de rôles auxquels les deux acteurs s’étaient habitués au cours de leur carrière commune. Il faut croire qu’il était trop tard pour faire autre chose. Il était donc logique qu’ils se réunissent tôt ou tard. Cela aurait dû être en 1991 avec Ange ou démon, réalisé par leur réalisateur fétiche, Enzo Barboni, qui leur offrit la gloire dans les deux Trinita en 1970. Occupé sur Lucky Luke, Terence Hill dut laisser sa place à Thierry Lhermitte. Quelques années passèrent, Hill dépassa la cinquantaine et Spencer la soixantaine, et les deux acteurs ne se bougèrent pas pour organiser leurs retrouvailles à l’écran. Le déclic vint de leurs fils respectifs. Giuseppe Pedersoli, fils de Bud Spencer et producteur / scénariste sur Extralarge, se mit de mèche avec Jess Hill, scénariste débutant mais habitué des plateaux de tournage à papa, pour offrir à leurs paternels ce Petit Papa Baston programmé dans les environs de Noël 1994.
Au far west, Noël approche. Une vieille dame caractérielle aimerait bien passer les fêtes en famille, avec ses deux fils dont elle n’a plus eu de nouvelles depuis longtemps. Marié, père de dix marmots (ou huit, ou douze, il ne sait plus très bien), Moses (Bud Spencer) gagne sa vie comme chasseur de primes. Il ne veut plus entendre parler ni de sa mère, qui l’a naguère donné aux flics pour avoir volé du bétail, ni de son frère Travis (Terence Hill), le tireur le plus rapide de l’ouest qui pour sa part est encore en bons termes avec leur mère. C’est donc lui qui reçoit l’invitation de l’aïeule, qui l’encourage à faire tout son possible pour traîner Moses jusqu’à la demeure familiale le jour de Noël. Complice avec sa belle-soeur, Travis persuade Moses de venir avec lui à la recherche de Sam Stone (Boots Southerland), le bandit le plus “wanted” du moment. Il n’y a plus qu’à faire traîner cette traque et s’arranger pour qu’elle se termine le jour de Noël, au domicile de leur vieille mère.
Ce n’est pas parce qu’ils ne possèdent pas les droits de la franchise Trinita que les fils Spencer / Hill vont se gêner pour faire revenir les deux frangins les plus célèbres de l’ouest. Ce n’est après tout qu’une question de noms : il n’y a qu’à remplacer Trinita par Travis et Bambino par Moses, et le tour est joué. Trop contents de pouvoir surfer sur l’éventuel succès de Petit Papa Baston -coproduit par les États-Unis-, les italiens détenteurs de ces droits se feront un plaisir d’oublier que les personnages sont totalement similaires (ce qu’ils feront dès l’année suivante avec Trinità & Bambino, sans le fameux duo d’acteurs mais avec les fils de leurs personnages). On retrouve ainsi l’espiègle blondinet et l’irascible pachyderme, le premier jouant aux idiots face au second pour mieux l’embobiner en lui faisant croire à sa supériorité. Travis est un as de la gâchette, qu’il dégaine à la vitesse de l’éclair, et Moses est un champion du corps-à-corps et des tartes dans la gueule. Les deux aiment toujours beaucoup les fayots, et leur mère est toujours une vieille femme extravagante. Rien ne change, en apparence. Et pourtant, si. Ce changement affecte surtout le personnage de Terence Hill, qui ne semble pas vraiment jouer aux idiots… Il semble l’être réellement. Une large part de ce défaut est due au doublage français calamiteux, mais cela ne suffit pas à l’expliquer. Le problème est surtout que cette fois, ses manipulations ne se font plus pour le plaisir de se moquer du monde mais bien pour faire plaisir à sa môman… Pour lui, la recherche de Sam Stone n’est rien comparée à cet objectif, et Travis se plaît alors à saboter cette recherche en faisant échouer tous les plans de son frère. Travis est en fait un personnage entièrement consacré à l’aspect “Noël” du film, et avec ses pitreries, c’est tout l’aspect western qui tombe à l’eau, ruinant au passage les efforts de Bud Spencer, tentant vaille que vaille de sauver les meubles. Les Trinita avaient beau être des farces, ils n’en étaient pas moins des westerns. Trinita aimait faire enrager son frère, mais en s’adonnant à ce dada il participait tout de même à ses aventures et contribuait à faire évoluer le film. Ici, ce n’est pas le cas. Tout ce que veut Travis, c’est préparer le réveillon familial. En temps que réalisateur, Terence Hill n’a recours aux pitreries et aux fameuses scènes de bagarres que pour remplir le cahier des charges, les vidant de toute substance. Je ne dis pas qu’elles sont mauvaises, elles feront certainement sourire les amateurs du tandem Bud et Terence, mais puisqu’elles ont pour principal objectif d’enrayer l’aspect “western”, on ne peut vraiment les apprécier autrement que comme des vignettes inutiles que Hill finit par considérer comme de simples running gags. Le gang de bras cassés, le shérif et son adjoint qui désespèrent de pouvoir finir une partie d’échecs, les chiens qui viennent toujours mordre Travis au mauvais moment, tout ceci reste secondaire. Même Sam Stone devient un simple faire-valoir, tout ce qui se rapporte à lui devenant de plus en plus incompréhensible au fur et à mesure que le scénario se noie sous les émanations de bons sentiments qui font de Petit Papa Baston un film calibré pour être multi-rediffusé au moment des fêtes de fin d’année.
Car le film ne se contente pas de se fixer comme objectif la réunion des deux frères avec leur mère le soir de Noël, il cherche aussi à faire ressentir l’envie au spectateur de voir cet évènement se produire. C’est ce qui donne à Travis son air de ravi de la crèche, en opposition avec le bandit malicieux qu’était Trinita. Cela commence dès l’introduction, avec la fameuse lettre de la mère lue en voix off, dans laquelle elle émet le souhait de voir ses petits-enfants et ses fils. Cela continue lorsque “l’oncle Travis” est célébré par ses neveux en arrivant chez son frère. Puis on enchaîne avec les jeunes femmes vétérinaires auxquelles Travis compte fleurette, donnant ainsi l’impression qu’il veut lui-même former une famille. La musique s’y met aussi, ressemblant plus à de la guimauve hollywoodienne qu’à un score de western spaghetti (et pourtant, c’est le réputé Pino Donaggio qui l’a composée !). Mais le pire est sans aucun doute Moses junior, tête blonde qui prend de plus en plus d’importance et qui nous rappelle que si Petit Papa Baston est un film comique, l’esprit de Noël n’est quant à lui pas à prendre à la légère. Débordant d’amour pour son père, débrouillard, jamais en retard d’une tirade naïve, il représente l’esprit de famille au pied du sapin. Il va même risquer sa peau pour faire plaisir à son papa, ce qui lui vaut une grave blessure et par conséquent l’arrêt total des pitreries et les regards aimant de Moses et Travis au chevet de ce petit mourant qui, orientation familiale oblige, n’a pas une chance d’y passer. Rien de tel qu’une belle épreuve pour ressouder les liens et piper les dés d’un film tristement prévisible, voué à s’achever autour d’une table avec grand-mère, les fils, les épouses / copines, et les petits enfants qui vont nous offrir un “clou du spectacle” désespérant… Une bagarre générale avec des méchants sortis de nulle part dans laquelle les moutards vont composer une armée de Macaulay Culkin pour prêter main forte à Moses et Travis en employant plein de pièges dignes de Maman j’ai raté l’avion… Consternant.
Petit Papa Baston n’a pas été conçu par les fils Hill / Spencer pour rien… On peut dire qu’ils ont fait du zèle, prolongeant le regroupement de leurs acteurs de paternels avec le regroupement familial dans et hors de l’écran. Le tout justifié par cette fête de Noël plus propice aux bons sentiments qu’aux célébrations échevelées. Si au moins cette fête avait permis tous les excès, cela aurait pu être des retrouvailles mémorables, mais malheureusement, c’est bien la version “il est né le divin enfant” qui a été retenue. Et c’est comme ça que la dernière apparition commune de Bud Spencer et Terence Hill se termine par une plâtrée de chiards chantant “Silent night Holy night”… En comparaison, Les Super flics de Miami faisait office de tombé de rideau majestueux.