Penitentiary – Jamaa Fanaka
Penitentiary. 1979Origine : Etats-Unis
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En prenant la défense d’une prostituée itinérante, Martel Cordone (dit “too sweet”) est mêlé à une altercation qui l’envoie directement en prison. Il se retrouve au milieu d’une bande de prisonniers dominants dirigés par Jesse Amos (Donovan Womack). Malgré les intimidations, Cordone ne se laisse pas impressionner. Lors d’une bagarre, il réussit à mettre K.O son compagnon de cellule, ce qui fait tout de suite de lui l’ennemi numéro un d’Amos. Compagnon de cellule de ce dernier, Eugène (Thommy Pollard) est inspiré par le nouveau venu et se met à se rebeller, lui qui fut jusqu’ici totalement soumis. C’est la guerre dans la prison, mais le Lieutenant Arnsworth veille au grain. Les règlements de compte devront avoir lieu lors du traditionnel tournoi de boxe, évènement majeur qui réserve aux combattants les plus performants une nuit d’amour avec une femme. Le grand vainqueur bénéficiera en outre d’une remise de peine. L’entraînement de Cordone est confié aux bons soins du vieux Jackson (Floyd ‘Wildcat’ Chatman).
Il n’est pas très difficile de deviner que Penitentary fut motivé par l’engouement général suscité par Rocky, dont le second volet sortit d’ailleurs la même année. Pour s’y coller et réussir le passage à la blaxploitation, ce sont des quasi-débutants qui s’y collent, Leon Isaac Kennedy reprenant la figure émancipatrice de Sylvester Stallone. Le transfert de l’histoire des bas-fonds de Philadelphie à l’univers carcéral se fait avec le soucis de conserver l’enjeu majeur auquel est confronté Cordone : s’en sortir. Cette fois au niveau littéral, puisqu’il s’agit de sortir de prison, là où il fut injustement enfermé. Il faudra attendre une heure pour savoir ce qu’il s’est exactement passé lors du sauvetage de la prostituée, ce qui n’a d’ailleurs pas grande importance puisqu’il ne s’agit en fait que de démontrer que Cordone est “propre” sur toute la ligne. Peut-être un peu trop, d’ailleurs, puisque cela conduit Fanaka à établir une clique de vilains ultimes (Jesse Amos et ses hommes) face à Cordone, Eugene et le vieux Jackson, des saints. Contrairement à ce qui fut établi dans Rocky, il n’y a pas l’idée de système inégalitaire, le réalisateur s’en tient à un simple manichéisme reposant sur les individus, ce qui renvoie aux codes des films de prison. On ne s’étonnera donc pas de retrouver ce vieux cliché de la domination sexuelle des forts (Jesse) sur les faibles (Eugene), et de voir que la lutte démarre lorsque Cordone réussit à la surprise générale à tenir en respect son propre assaillant de cellule, le rugueux Half-Dead, lieutenant de Jesse Amos. Le monde carcéral tel qu’il est montré ici n’est pas le reflet de la société : c’est un monde coupé du monde où les codes sociaux répondent avant tout aux impératifs du cinéma d’exploitation, avec tout ce que cela sous-entend comme manque de réalisme, de clichés éculés. Ce qui ne veut pas dire que l’on n’y trouve aucune piste d’implication émotionnelle, même si les ficelles sont un peu grosses (comme toujours lorsqu’il s’agit de manichéisme). Le vieux Jackson, un sage, avoue sans détour se sentir à l’aise en prison, et malade à l’idée de retrouver la rue, où il n’est personne. Ce faisant, il exprime le vase-clos que forme la prison, lieu dans lequel chacun repart de zéro pour vivre selon des règles fixées par Amos et ses hommes. Cordone n’y est plus le paumé qu’il était : il devient une figure de résistance remettant en cause l’aristocratie carcérale d’Amos et compagnie. Il s’agit bien d’une histoire d’individus et non de système. Cette confrontation forme l’ensemble du film, qui peut dès lors se passer d’un autre cliché, celui des matons sadiques. Le Lieutenant Arnsworth, patron de la prison, n’est pas une figure coercitive, c’est un organisateur. En fait son rôle s’apparente plus à celui d’un promoteur de boxe quelque peu démagogique qui veille à préserver les haines jusqu’au tournoi et qui promet monts et merveilles aux meilleurs boxeurs (femmes, liberté, recrutement par un manager professionnel…) et même aux détenus dans leur ensemble (les femmes de la prison voisine sont invitées à assister aux combats). “S’en sortir” signifie ici échapper non pas à un vaste système déshumanisé mais à la dictature d’une poignée d’individus. En quelque sorte, la prison est au moyen-âge, tandis que la société de Rocky s’inscrit dans un contexte contemporain solide. L’entreprise de Jamaa Fanaka est indéniablement plus simpliste. Ce qui n’empêche pas son film d’être fascinant par le biais des personnalités en présence, qui à défaut d’être élaborées ont incontestablement le mérite de sortir des sentiers battus.
Cette qualité, c’est à l’audace de la blaxploitation que le film la doit. Aussi saugrenu que cela puisse paraître, cette histoire de survie assez sombre dans une prison qui ne l’est pas moins contient nombre d’ingrédients “funky”, largement suffisant pour donner un peu de personnalité à un film assez grave. C’est ainsi que Cordone est coiffé d’une superbe coupe afro qui avec sa fine moustache en fait un modèle à la cool. Il aurait été dommage de le voir se conformer à l’habituelle figure du libérateur propre sur lui. Sa résistance se fait également par de bons mots adressés à des antagonistes eux aussi très typés. Half Dead, son compagnon de cellule, est un solide gaillard à demi édenté, ce qui ne l’empêche pas de sourire (ou de grimacer) à pleines dents. Leur combat dans la cellule vaut son pesant d’or, et Fanaka se fait un plaisir de le filmer de façon très statique afin de mieux souligner l’espace réduit dans lequel se déroule cette longue et homérique bataille. Il mêle habilement l’enjeu dramatique du combat (car il s’agit bien de se battre pour ne pas être réduit à l’esclavage !) à l’humour en filmant les réactions indécises des amis de Half Dead, qui prennent leur désir pour des réalités en confondant les cris de leur ami avec des cris de plaisir. On pourra aussi s’amuser devant ce prisonnier qui souhaite regarder le fessier des nouveaux venus afin de s’assurer qu’ils n’y a pas de trace de morsure, ce qui trahirait l’identité de l’amant de sa femme. Mais le côté le plus marqué par la blaxploitation est sans aucun doute la boxe elle-même. Dense jusqu’à la confusion (les règles du tournoi ne sont pas précisées, les catégories existent sans que l’on sache qui boxe dans telle ou telle catégorie et il est impossible de savoir à quel stade du tournoi nous nous trouvons), ce sont de beaux moments de chaos livrés au rythme de la musique soul de Frankie Gaye, frère de Marvin. Les entraînements se limitent à quatre scènes de 15 secondes, ce qui est assez pour que du jour au lendemain le frêle Eugène se transforme en jeune prodige. Les matchs en eux-mêmes sont filmés partiellement, et n’ont ni le professionnalisme de ceux de Raging Bull ni la théâtralité des Rocky. Les acteurs revêtent leur short, leurs gants, et ils se battent comme des chiffonniers (Leon Isaac Kennedy a si bien travaillé son jeu de jambe qu’il donne l’impression de danser le moonwalk) sous les acclamations du public féminin, et notamment les cris et les insultes d’un travesti obèse homosexuel. Le réalisateur se permet même régulièrement de quitter les abords du ring pour aller faire un tour aux toilettes, où des petits malins donnent rendez-vous à des petites malines pour forniquer comme des bêtes. Cette frénésie de bagarres, de cris, de sexe, de répliques sarcastiques dans une salle bondée est bien entendu le point fort du film, mais il ne faut pas oublier que Fanaka n’en brade pas pour autant son intrigue. Son apparente désinvolture continue malgré tout à s’inscrire dans une trame logique sans prendre des allures de “récréation”. Car pendant ce temps là, l’histoire continue à progresser. Avec maladresse, certes (le cas d’Eugène est éloquent), mais de toute évidence Jamaa Fanaka cherche à faire passer l’idée de l’émancipation des “victimes” non pas de façon machinale, mais en éprouvant vraiment de l’affection pour ses personnages. Une démarche louable qui fait de Penitentiary un très bon film, qui sera suivi par ailleurs de deux séquelles parait-il nettement moins inspirées.