CinémaDrame

Rocky II – Sylvester Stallone

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Rocky II. 1979

Origine : États-Unis
Genre : Drame / Action
Réalisation : Sylvester Stallone
Avec : Sylvester Stallone, Talia Shire, Burgess Meredith, Carl Weathers…

Seconde réalisation pour Sylvester Stallone, qui fort logiquement passe officiellement aux commandes de Rocky après un premier épisode excellent, certes signé John Avildsen, mais sur lequel l’acteur s’était déjà plus qu’un peu impliqué. C’est ainsi qu’avec Rocky II, il embraye directement sur le dénouement du premier, juste après le combat d’anthologie ayant opposé l’étalon italien Rocky Balboa au champion du monde Apollo Creed. Rocky doit désormais gérer les conséquences de son héroïque performance qui a prouvé à la face du monde qu’un raté des bas fonds de Philadelphie pouvait rivaliser à force de ténacité à un champion symbole de prospérité mais aussi de suffisance. Mais, là où Rocky II vient se greffer à Rocky premier du nom, le temps écoulé entre la réalisation des deux films fut de quatre années, pendant lesquelles Stallone a été propulsé sur le devant de la scène hollywoodienne, auréolé du succès de Rocky, avec à la clef dix nominations aux Oscars (pour trois prix finalement remportés, dont celui du meilleur film).

Poursuivant son aventure humaine aux consonnances autobiographiques troublantes, Stallone choisit avec Rocky II de dévoiler quelques aspects négatifs du vedettariat. A ce titre, le film illustre plusieurs idées. Stallone s’attache tout d’abord à nous donner un aperçu du monde des médias et de sa tendance à la récupération commerciale pure et simple, cruelle, cherchant à effacer toute l’humanité du personnage pour le transformer en bête de promotion. Un monde complètement différent de celui de Rocky, qui, malgré sa grandiose performance, n’a pas été transformé et reste avant tout l’homme un peu maladroit qu’il était déjà avant son combat. Il n’y a pas ici de mauvaise volonté de la part de Rocky. Ne crachant pas dans la soupe, il s’essaiera à l’exercice pour des raisons pécuniaires compréhensibles (dans une logique altruiste, il pense tout d’abord à sortir ses proches de la misère). Mais il se rendra compte qu’il n’est tout bonnement pas prêt à affronter le monde des médias et d’une façon plus générale de la communication avec le grand public. Les difficultés de lecture de Rocky apparaissant ainsi comme un symbole diablement bien incrusté dans le récit car servant à la fois le propos sur la difficulté éprouvée par le héros en terme de communication, mais aussi à entretenir le personnage du Rocky maladroit. Autre idée, et autre réussite : la description de l’entrée dans le monde du confort, avec les gains financiers obtenus par le match contre Apollo Creed et par les contrats publicitaires mentionnés plus haut. Là aussi, c’est un tout autre monde qui s’ouvre à Rocky et à Adrian, qui est non seulement devenue sa femme mais qui est également tombée enceinte. Un monde auquel Rocky s’essaie également, dépensant son argent sur des coups de tête, toujours avec de bonnes et charitables motivations, mais là aussi avec un résultat final raté : l’argent part vite, et l’incompatibilité entre Rocky et le monde des médias viendra rendre la situation encore plus difficile. Bref, les séquelles du combat avec Creed sont plus négatives que Rocky n’aurait pu s’y attendre. Il se voit ainsi contraint de retourner dans le monde duquel il vient : celui de la rue, celui du ring. Non plus en temps que simple boxeur, mais en tant qu’un employé lambda dans le gymnase de Mickey, son entraîneur. Mais là aussi la situation a changé : Rocky est devenu une star, et même son monde ne l’accepte plus. Car Rocky a décidé de mettre un terme à sa carrière sportive pour raisons de santé (un œil défectueux) . Mais la jalousie des autres boxeurs, ainsi que celle d’un Apollo Creed se faisant pressant pour laver l’affront subi, font que Rocky se retrouve coincé. Inadapté au monde bourgeois et trop fameux pour retourner exactement de là d’où il vient, il se verra contraint finalement d’accepter une nouvelle confrontation avec Apollo Creed, ce dernier étant plus remonté que jamais.

C’est à ce moment là qu’intervient un autre dilemme : l’aversion que porte Adrian à l’idée de revoir son mari sur un ring de boxe. Et c’est malheureusement là aussi que le film se mettra à aller quelque peu de travers, partant dans une direction romantique trop appuyée au sujet des relations entre Rocky et son épouse enceinte. Car sans l’aval d’Adrian, Rocky ne peut se remettre comme il convient à l’entraînement, sa motivation étant au plus bas. Stallone évoque le besoin de se sentir soutenu dans ses entreprises, trahissant ainsi un flagrant manque de confiance en soi qui prend à l’écran des allures de drame sentimentale un peu trop gros pour être honnête, qui culminera avec le grave pépin de santé qui frappera Adrian et qui plongera Rocky dans une apathie trop grosse pour être honnête, trop ouvertement sentimentale pour ne pas contraster avec la subtilité des autres messages adressés par le film. Toute cette partie (clairement la plus mauvaise du film) se terminera plutôt subitement, provoquant ainsi ce qui deviendra la marque de fabrique de toute la série des Rocky : le fameux entraînement précédant le gros combat final. Cet entraînement est ici calqué sur celui du premier film, avec son lot d’exercices physiques originaux dans les bas fonds de Philadelphie, mais qui s’orne de quelques excès d’enthousiasme malvenus de la part d’un Stallone peut-être un peu trop motivé par (l’admirable) thème musical composé par Bill Conti pour le premier film. C’est ainsi que la fameuse montée des marches nous présentera un Rocky suivit par un véritable cortège de gamins des rues acclamant leur idôle. Un peu trop gros, même si là encore ce n’est pas gratuit, puisque Stallone fait de Rocky l’espoir de tous ces gamins, qui on peut l’imaginer trouveront là un modèle humain à suivre pour se sortir de leur piètre condition.

Puis vient le combat final. Tout simplement phénoménal. Ses enjeux sont pourtant les mêmes que pour le premier film : l’apologie de la ténacité et de la faculté à endurer les coups adverses (ce qui se lit bien sûr également comme une métaphore sur les obstacles dressés par une société qui ne fait pas de cadeau). Mais sur un plan plus formel, nous avons donc un Rocky doté d’une vision amoindrie, et qui s’est entraîné pour faire face à un Apollo Creed déchaîné, qui ne veut pas seulement battre son adversaire comme dans le premier match, mais qui veut tout simplement le massacrer. Les coups que se portent les deux hommes sont très durs, très violents, et l’on sait que ces scènes furent tournées de la même façon. Impressionnant, d’autant plus que Stallone utilise sur la fin du combat un montage très haché, très sec, alternant entre les plans sur les visages décomposés des boxeurs et ceux des entraîneurs et du public, littéralement accrochés à ce qu’ils voient (tout comme le spectateur). Le seul bémol que l’on puisse éventuellement formuler concerne l’emploi de certains ralentis… Mais ce combat final trouve globalement le moyen d’enterrer celui du premier film, pourtant déjà un morceau de bravoure. Stallone aura également le bon goût de conclure son film dès la fin de cette confrontation, ce qui a pour effet de ne pas faire retomber la tension et de laisser le spectateur sur cette scène d’anthologie.

Rocky II, s’il reste dans son ensemble un peu moins bon que son prédécesseur, constitue une séquelle largement plus que convenable. Stallone se sort très bien d’une réalisation héritée du film original de Avildsen, et poursuit comme il se doit sa quasi-autobiographie en apportant des thèmes nouveaux, découlant logiquement de la fin du premier Rocky, justifiant ainsi le projet même d’une séquelle qui dût attendre que l’acteur/réalisateur ait eu le temps d’assimiler les apports de son nouveau statut de vedette. Le film consacre non seulement Stallone au rang de star, mais fait également de Rocky un personnage culte du cinéma américain des années 70… et pavant le chemin vers le Rocky des années 80, sensiblement différent (et pas forcément en bien) de ce Rocky des années 70, en entérinant parfois trop grossièrement les codes du premier film, qui seront exploités jusqu’à l’extrême dans les futures séquelles.

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