CinémaDrame

Rocky – John G. Avildsen

rocky

Rocky. 1976

Origine : Etats-Unis
Genre : Drame / Action
Réalisation : John G. Avildsen
Avec : Sylvester Stallone, Talia Shire, Burt Young, Burgess Meredith…

Rocky Balboa, boxeur autrefois prometteur mais perdu dans sa vie des bas-fonds de Philadelphie, où il tente maladroitement de construire sa vie avec la sœur de son ami Paulie, se voit proposer un combat contre le champion du monde des poids lourds, la star médiatique Apollo Creed.

Tout juste sorti de son bref passage chez Roger Corman (Capone, La Course à la mort de l’an 2000) et de son aussi bref passage dans des séries télévisées (notamment un épisode pour Kojak), Sylvester Stallone était déjà décidé à se construire une brillante carrière. Pour Rocky, il signe son second scénario après celui de Lords of Flatbush, film qui lui aussi se déroule dans des quartiers pauvres, mais en l’occurrence des quartiers New Yorkais. Ayant grandi partiellement à Philadelphie, Stallone situe donc son histoire dans cette ville, dans une optique que l’on peut imaginer très largement autobiographique. Non pas que Stallone ait connu une carrière de boxeur, car cette histoire de boxe découle de l’histoire vraie d’un certain Chuck Wepner qui eut l’occasion d’affronter Muhammed Ali, mais plutôt dans les thématiques du film, calquées sur celles de l’acteur. Un acteur qui pour mener à bien son projet dut faire plusieurs concessions, acceptant une réduction drastique du budget pour que le rôle soit confié à lui-même plutôt qu’à d’autres acteurs initialement envisagés (comme James Caan), insistant pour que certaines scènes soient conservées, et qui s’évertua à placer dans le film des références toutes personnelles (les photo du jeune Rocky sont des photos personnelles de Stallone, ses frères ont des petits rôles dans le film…). Tout ceci pour parler avant tout de la quête d’un homme cherchant à se sortir de sa mauvaise passe, si possible en entraînant avec lui son entourage.

Car contrairement à ses séquelles avant tout basées sur le côté spectaculaire de la boxe, Rocky premier du nom est avant tout un film social, et Rocky n’est que l’un des paumés qui hantent les bas-fonds de Philadelphie. Tout son entourage est comme lui : sa petite amie Adrian est une timide maladive à la personnalité écrasée par celle de son frère Paulie, un ouvrier au fond profondément humain, mais que sa condition sociale a rendu cynique et prêt à verser dans la criminalité (à l’instar de Rocky, homme de main d’une petite frappe d’usurier -Joe Spinell, acteur parfait dans un tel cadre, ce que confirmera sa prestation mémorable dans le Maniac de William Lustig). Tous les autres personnages faisant l’environnement de Rocky, y compris ceux qui ne sont pas essentiels à l’intrigue, seront du même acabit : des personnages foncièrement attachants mais corrompus par leur milieu social (voir le personnage de la gamine “pute”). Avec sa récente liaison avec Adrian, il va tout d’abord voir un premier escalier de secours (oui, un escalier, et non une porte, car le chemin est encore long) qui lui permettra à la fois de se construire une vie à lui, mais aussi d’aider Adrian. Au grand dam d’un Paulie qui se sentira délaissé et qui démontrera ainsi que la survie, et à fortiori l’évolution sociale, passe avant tout par la solidarité et le besoin de confiance en soi qu’un homme seul ne pourrait prétendre avoir. La seconde échappatoire sera bien entendu le match prévu contre Apollo Creed, qui représente tout l’inverse de Rocky et de son environnement : la renommée, la suffisance, la démagogie. Tout un monde glamour au regard condescendant sur ce bas peuple à qui l’on offre gracieusement mais surtout démagogiquement une chance. C’est devant ce constat que l’on peut comprendre le mythe qu’est devenu le personnage de Rocky, représentant de tous les oubliés tentant de s’accrocher et de remonter la pente dans une société qui ne leur accorde que peu de place et qui ne les considère que comme des objets de pitié, que l’on regarde sans les observer, des objets d’une fausse compassion ne faisant que donner bonne conscience à des élites attirées uniquement par les apparats. Les scènes présentant ainsi Rocky dans les média seront explicites de l’hypocrisie qui règne et qui en présentant ainsi cette fausse compassion ne fera qu’humilier davantage un personnage qui jusqu’ici ne pouvait que se considérer comme un raté.

Mais de ceci, Rocky, conscient qu’il ne sera pas aidé par ceux qui jusqu’ici ne lui accordaient aucune attention, ne s’en préoccupe pas. Il s’aidera lui-même, refusant tout d’abord l’aide de son vieux mentor boxeur Mickey, qui l’avait récemment laissé tomber en lui reprochant d’avoir gâché sa carrière. Mais il changera d’avis dans une scène assez poignante et pleine de retenue, où Mickey, sans l’avouer ouvertement, implorera Rocky de le prendre à ses côtés, lui qui a essayé jusqu’ici sans succès de sauver les autres ainsi que lui-même par le biais de la boxe, milieu qui lui a probablement fait tenir le coup en lui offrant dans sa jeunesse quelques vagues souvenirs d’une gloire sur lesquels il repose toujours aujourd’hui. La boxe est donc perçue comme une métaphore, symbole de personnages tentant de se sortir de leur situation miséreuse. Le choix de ce sport n’est ainsi pas un hasard et symbolise également la lutte nécessaire à cette évasion d’un monde sans avenir. C’est donc fort logiquement que l’entraînement de Rocky prendra des allures mythiques, pleines d’espérance et de hargne soulignées par une musique devenue aujourd’hui culte, chose regrettable, tant ces scènes d’entraînement, très honnêtes en soi, peuvent aujourd’hui paraître grandiloquentes à l’aune de toutes les caricatures dont elles furent victimes. Et ce n’est pas pour rien non plus que l’entraînement se fait dans la rue et dans une chambre froide au milieu des quartiers de viande : c’est la représentation du milieu pauvre duquel Rocky est issu et sur lequel il se base pour se renforcer tout en gardant l’humilité nécessaire à son ascension.

Le combat avec Apollo Creed ne fera que présenter les résultats concrets de cette lutte de tous les jours, et opposera donc un Rocky voulant en découdre à un Creed nanti et à qui il manque une bonne dose de l’humilité de son adversaire. Le déroulement du combat, par ailleurs violent sans tomber dans les excès théâtraux, laissera donc place à l’optimisme. Son dénouement est secondaire, n’achèvera pas la quête de Rocky, mais renforcera l’aura d’un personnage de battant qui n’oublie pas ses origines tout en essayant de s’en échapper.
Rocky est un film exemplaire, dans lequel Stallone montre tout son talent et incite ceux qui, comme lui, viennent de nulle part et souhaitent obtenir, non pas la reconnaissance, mais le respect d’une société qui les méprise. Logique que le personnage, certes magnifié, mais magnifié d’une façon plus qu’honnête, ait connu une telle popularité. Logique aussi, malheureusement, qu’il soit devenu l’objet de propagande facile dont il fut victime dans ses séquelles.

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