Mort subite – Peter Hyams
Sudden Death. 1995Origine : États-Unis
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C’est l’effervescence au Civic Arena de Pittsburgh. Non content d’accueillir la finale de la Stanley Cup (du hockey sur glace, ndr) qui oppose l’équipe locale les Penguins aux Chicago Blackhawks, le stade peut s’enorgueillir de la venue du vice-président des États-Unis. En coulisses, la C.I.A se charge de la sécurité de ce visiteur de marque, accompagné pour l’occasion du maire et de son épouse. Peu de temps avant le coup d’envoi, un commando de terroristes mené par Joshua Foss parvient sans difficultés à s’introduire dans la loge d’honneur et à prendre en otages les invités de marques et leur suite. A la clé, un chantage au gouvernement visant à débloquer d’importantes sommes d’argent. Tout se déroulerait pour le mieux si, sur ces entrefaites, l’un des terroristes n’avait pas eu la fâcheuse idée de kidnapper une gamine, témoin de l’une de ses exactions. Le père d’icelle, un ancien pompier traumatisé du nom de Darren McCord, n’aura alors de cesse de la récupérer coûte que coûte. Et ce n’est pas quelques terroristes armés jusqu’aux dents et une dizaine de bombes à désamorcer qui auront raison de son abnégation.
Au gré des échecs et des succès de chacun, les années 90 tendent à rebattre les cartes au sein de la hiérarchie des stars du cinéma d’action. Si Arnold Schwarzenegger conserve encore son leadership, grâce notamment à James Cameron (Terminator 2, True Lies), Sylvester Stallone peine quant à lui à se remettre de choix désastreux (les comédies Oscar et Arrête ou ma mère va tirer) qui prolongent sa mésentente avec le public amorcée avec Cobra. La place laissée ainsi vacante profite à la concurrence, dont Steven Seagal le temps d’un film (Piège en haute mer), et surtout Jean-Claude Van Damme qui commence à fédérer de plus en plus de spectateurs (Universal Soldiers, Timecop, Street Fighter). Se sentant pousser des ailes, ce dernier cherche à interpréter des personnages plus impliqués émotionnellement que par le passé, histoire de prouver que le champion d’arts martiaux des débuts tend à devenir un véritable comédien. Il ne faut donc pas chercher plus loin son intérêt pour Mort subite, un décalque tardif de Piège de cristal qui lui permet de jouer enfin les chefs de famille. Un pas vers la maturité, en somme.
Darren McCord épouse la trajectoire classique de bon nombre de héros du film d’action – d’hier, d’aujourd’hui et de demain – qui le mène de la disgrâce à la reconnaissance. Soldat du feu déchu puis père divorcé, Darren doit en outre composer avec deux enfants qui vivent mal sa perte de statut. Le noble pompier bravant mille dangers pour sauver la vie d’autrui n’est plus qu’un agent de maintenance aux tâches ingrates pour lesquelles il est bien difficile de s’extasier. Pensez-donc, le bougre change une ampoule ! Tyler, l’aîné, ne sait plus sur quel pied danser. Il aime son père au point de reprendre sa petite sœur lorsqu’elle le dénigre de trop, mais se retourne contre lui dès qu’il les abandonne pour s’adonner à sa basse besogne. Dans cette quête toute américaine du héros auquel se raccrocher, Tyler ne peut plus compter sur son père, lequel incarnerait plutôt à ses yeux l’archétype du loser. La science du scénariste – en l’occurrence Gene Quintano, auteur des aventures consternantes d’Allan Quatermain tournées sous l’égide de la Cannon, Les Mines du roi Salomon et La Cité de l’or perdue – consiste donc ici à rallumer la flamme dans les yeux de ce petit bonhomme lorsqu’il voit son père. Et pour cela, rien de mieux qu’un arrêt décisif du paternel dans un match au cordeau. En pleine prise d’otages – dont sa fille, il convient de le rappeler – Darren prend soudain le temps de renouer avec ses tendres années de gardien de hockey, parce qu’il n’a pas trouvé meilleur endroit pour échapper à ses poursuivants que la patinoire elle-même. Pour aberrante que puisse être cette idée – et qui sur le plan du rythme s’avère contre-productive – celle-ci s’inscrit pleinement dans la logique d’un récit qui a fait de la reconquête de l’amour filial son principal ressort. Pour un enfant qui ne jure que par le hockey sur glace, cet acte inattendu vaut toutes les déclarations d’amour.
Pas avare en scènes autres (cf. le premier combat de Darren dans les cuisines du stade le mettant aux prises avec un terroriste – une femme – affublé du lourd costume de la mascotte de l’équipe de Pittsburgh), Mort Subite se noie par ailleurs dans un océan de clichés, à commencer par le méchant de service, interprété mollement par Powers Boothe. Un ersatz de Hans Gruber (Piège de cristal, donc) qui n’en retrouve jamais la saveur, la faute à des dialogues un brin mécaniques dans leur volonté d’être pince-sans-rire. En dépit de son costard bien taillé, Joshua Foss déploie une lourdeur toute américaine, qui n’a d’égale que sa frénésie à presser sur la gâchette. En outre, un rebondissement à base de traître particulièrement mal géré tend à ternir l’image de chef maître des événements qu’il se complait à donner. Un traître particulièrement incompétent qui sauve la vie du héros pour, la scène d’après, se plaindre auprès de Joshua que ses hommes l’ont empêché de tuer l’indésirable. Mais lorsqu’un terroriste arbore des lunettes de soleil sur la photo d’identité de sa fausse carte d’agent de la sécurité et qu’on le laisse malgré tout entrer dans l’enceinte sportive sans se poser plus de questions, on se dit que l’incompétence se joue vraiment à tous les niveaux.
Peter Hyams, qui n’a plus rien pondu d’intéressant depuis 2010, n’apporte aucune plus-value à ce scénario cliché et dépourvu de grandes scènes d’action. Le décalque du film de John McTiernan devient trop flagrant à mesure que les péripéties s’enchaînent, et ennuie à force d’impliquer en permanence la marmaille du héros en guise de principal enjeu dramatique. Quant à Jean-Claude Van Damme, il lève moins la jambe qu’à l’accoutumée, entièrement dédié aux mines affectées de son personnage dans sa quête de respectabilité que Mort subite ne lui apportera pas. Alors que le cinéma d’action amorçait sa révolution, il n’a pas senti le vent tourner et a raté le train en marche, qu’il n’arrivera jamais à rattraper.
Il faut quand même reconnaitre que Peter Hyams a réalisé une très bonne série B avec Edwards Burns et Ben Kinsley, je veux parler d’Un coup de tonnerre qui n’a malheureusement pas eu les honneurs d’une sortie en salle, et qui a rencontré pas mal de problème lors du tournage. Si on peut critiquer la qualité des effets spéciaux, au niveau du divertissement le spectacle est bien là et se pose en successeur d’Un cri dans l’océan qui lui aussi a connu une carrière imméritée.
Un peu sévère avec le film mais critique néanmoins juste. Je n’ai pas réussi à aller aux bout du film, déjà que je n’aime pas Piège en haute mer et la saga Die Hard, alors un ersatz avec Jean-Claude Van Damne en fin de vie de sa carrière hollywoodienne, ça me tente encore moins.
Par contre pour moi, Peter Hyams s’est rattrapé avec Un coup de tonnerre, un des meilleurs films de série B qu’il m’ait été donné de voir.