Mort d’un dealer – James Bridges
Mike’s Murder. 1984.Origine : États-Unis
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Quand elle ne travaille pas, Betty Parrish aime bien se défouler sur un court de tennis. C’est comme ça qu’elle a rencontré Mike, lequel gagne sa vie en donnant des cours. Une idylle se noue entre eux puis le jeune homme disparaît. Betty ne l’a pas oublié et lorsqu’il réapparaît dans sa vie, elle reste conquise. Sauf que le jeune homme se fait fuyant, lui promet de la rappeler et ne le fait que 3 mois après, quand il ne repousse pas un rendez-vous. Et puis un matin, elle reçoit l’appel d’un inconnu qui lui annonce que Mike a été assassiné. Dévastée, elle s’accroche à son souvenir et tente de savoir ce qui s’est réellement passé.
Qu’il semble loin le temps où Debra Winger s’adonnait aux Plaisirs sexuels au pensionnat de William A. Levey. Depuis ces polissonneries, l’actrice connaît une folle ascension marquée par Urban Cowboy, déjà de James Bridges, où elle incarne l’objet de la rivalité entre John Travolta et Scott Glenn ; Officier et gentleman, succès surprise de l’année 1982 où elle titille la fibre romantique de Richard Gere ; et l’oscarisé Tendres passions, théâtre des difficiles relations entre une mère (Shirley MacLaine) et sa fille (Debra Winger, donc). Une montée en puissance que doit entériner ce Mort d’un dealer, film pour lequel James Bridges lui offre le rôle principal au sein d’une distribution composée de seconds couteaux dont le plus connu est Paul Winfield (La Cité des dangers, Dressé pour tuer, Terminator). Un film étrange entre romance contrariée et polar en pointillé où l’essentiel se joue dès le générique lors de scènes a priori anodines mais qui conditionnent tout le reste.
Mort d’un dealer débute donc dans la joie et la bonne humeur entre une élève et son coach sur un court de tennis. Entre eux, les balles fusent autant que les sourires enjôleurs et les regards énamourés. Le cours achevé, ils se retrouvent dans l’intimité d’une chambre à coucher pour se travailler au corps. Un moment de félicité qu’ils ne revivront plus. Mais ça, nous ne le savons pas encore. Quand au hasard d’une sortie motorisée, Betty se fait héler par Mike, lequel ne serait pas contre qu’elle lui fasse un bout de conduite, on apprend au détour des dialogues que cela fait 6 mois qu’ils ne se sont plus revus. Déjà que les scènes précédentes nous montraient Mike se faire courser par des trafiquants de drogues, lesquels lui reprochaient de dealer sur leur territoire, l’image du joli petit couple en prend alors un sérieux coup dans l’aile. Jusqu’à l’assassinat de Mike, James Bridges multiplie les ellipses temporelles de manière imperceptible. Des ellipses qui servent avant tout à esquisser les personnalités de Betty et Mike. Elle, se révèle d’un tempérament plutôt solitaire et sage. Tout au plus s’accorde t-elle une sortie de temps à autre avec son amie Patty, voire un rendez-vous galant lors duquel elle s’avère bien peu réceptive aux propos de son prétendant. En fait, elle reste totalement obsédée par Mike. De le revoir après autant de temps l’a totalement chamboulée au point qu’elle se laisse aller à des jeux érotiques par téléphone avec lui. Et quand trois nouveaux mois s’écoulent et qu’ils se croisent à nouveau par hasard, la promesse qu’il la rappelle suffit à lui faire tout oublier. Pour lui, elle se montre non seulement disponible mais également conciliante, lui passant tous ses oublis, ses retards et ses excuses. Elle fait preuve d’une infinie patience, laquelle dénote un sérieux vide dans son existence. De son côté, Mike est un paumé au comportement inconséquent. Il a tendance à un peu trop tirer le diable par la queue, au point de se retrouver dans des situations périlleuses, comme avec les trafiquants de drogues. Néanmoins, il peut toujours compter sur de bonnes âmes, la plupart pas insensibles à ses charmes, ce dont il joue abondamment. Il y a beaucoup d’immaturité dans son attitude, et c’est peut-être ce côté un peu fou-fou qui séduit tant Betty. Il lui apporte ce soupçon de vitalité qui manque à son existence bien rangée. A l’échelle du film, la vitalité reste aux abonnés absents. Hormis une brève montée d’adrénaline à la faveur d’une course-poursuite à pied, Mort d’un dealer démarre piano.
Une fois Mike assassiné, la seconde partie peut commencer, avec la promesse d’un surcroît de nervosité. Las, James Bridges maintient sa structure de départ, à Mike se substituant Pete, son ami et complice. Alors que Betty tente de comprendre pourquoi Mike a été tué, Pete essaie de son côté d’échapper au même sort. Petite frappe sans envergure, il se rend compte bien trop tard qu’il s’est frotté à un trop gros poisson et que tous ceux qu’il considérait comme ses amis lui tournent le dos. Par son intermédiaire, James Bridges nous donne à ressentir – en accéléré – la détresse de Mike, lequel est passé par les mêmes tourments. Et par extension, il apporte une justification à ses multiples absences. Celles-ci n’étaient donc pas tant mues par son inconséquence que par son souci de rester en vie. En parallèle, Betty remonte le cours de l’existence de Mike et rencontre des gens qui l’éclairent quelque peu sur l’homme derrière le fantasme. Des personnes avec lesquelles elle a partagé une passion commune sans le savoir, Mike étant plutôt apprécié dans son genre. De ses pérégrinations s’esquisse le portrait d’un séducteur invétéré au magnétisme certain et dont elle aurait été l’une des innombrables victimes. Et malgré cela, elle ne parvient pas à se défaire de son emprise. Elle reste comme fascinée par ces photographies prises à leur insu, seules preuves de leur fugace amour. De quoi la renvoyer à la pauvreté – consentie – de son existence. Puis le récit prend un tour plus cruel lorsque les divers témoignages qu’elle recueille font état de l’importance qu’elle avait acquis aux yeux de Mike. Elle était l’élue de son cœur ! Enfin, plus cruel sur le papier parce que dans les faits, on accueille la nouvelle avec un détachement qui confine à l’ennui.
La manière dont le film est structuré ne fonctionne pas. Vouloir nous faire croire à cette passion sur la base des quelques embrassades et du câlin du générique s’avère insuffisant. En outre, que ce soit Mike, le garnement mal dégrossi, ou Betty, sorte de vieille fille qui rêve au grand amour, aucun des personnages ne suscitent l’empathie. Difficile de savoir qu’elles étaient les réelles intentions de James Bridges derrière cette histoire. Au final, Betty ne ressort pas grand chose de cette mésaventure, si ce n’est un cœur brisé. Encore qu’il l’était déjà à la nouvelle de la disparition de son amant intermittent. Voulait-il en faire un véhicule à la gloire de Debra Winger, en lui offrant un temps de présence conséquent à l’écran ? Dans ce cas, il aurait été préférable de lui écrire un personnage moins passif, limite godiche dont le principal effort réside dans sa permanente disponibilité. En tout cas, l’actrice affectionne ces rôles d’amoureuses transies et elle n’aura de cesse d’en parsemer sa filmographie.