Mon nom est Tsotsi – Gavin Hood
Tsotsi. 2005.Origine : Royaume-Uni / Afrique du Sud
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Tsotsi, jeune homme désœuvré, vit de menus larcins et s’improvise chef de bande sans que cela ne lui apporte le moindre prestige. Par un soir de pluie, il commet le vol de trop, une Mercedes dans laquelle se trouve un bébé, petit être qu’il ne découvre que sur le chemin du retour. Cette faute d’inattention sonne le glas de son existence de gangster à la petite semaine.
Ce qui est magique avec le cinéma, c’est qu’il nous permet de voyager à moindre frais, de s’imprégner de cultures nouvelles, bien calés au fond d’un fauteuil. Brésil, Japon, Corée du sud, tant de voyages exotiques sans avoir à souffrir du décalage horaire, de l’exiguïté des avions et des attentes interminables à l’aéroport. Le rêve ! Destination du jour, l’Afrique du Sud, dont l’équipe nationale de rugby, les Springboks, est venue glaner sur le sol français sa deuxième coupe du monde. Voilà un pays que nous connaissons essentiellement pour ses tristes décennies d’apartheid, et les figures fortes qui s’en sont dégagées comme Nelson Mandela et Steven Biko. Seize ans après l’abolition officielle de l’apartheid, Mon nom est Tsotsi semblait tout indiqué pour rendre compte de la société sud africaine actuelle. Or rien de ce que Gavin Hood nous montre à l’écran atteste d’une réelle spécificité.
Dans le jargon des ghettos, “tsotsi” signifie “voyou”, “gangster”. Le héros du film s’affuble de ce surnom car l’enfant qu’il a été n’existe plus. Tous ceux qui le côtoient ne connaissent que son surnom. Ils ignorent tout de son passé. Il instaure un mur entre lui et les autres afin que personne n’ait de prise sur lui. Quasi mutique, il n’ouvre la bouche que pour donner des ordres aux membres de sa bande. Gavin Hood suit Tsotsi pas à pas, délaissant tout arrière plan social. Devant la caméra du réalisateur, le bidonville dans lequel vit Tsotsi prend des allures de village pittoresque où il fait bon vivre, et où tout le monde s’entend à merveille. Les habitants ont coutume de se retrouver autour d’une bière chez Soeki, la dame respectable qui tient le bar, un lieu à l’ambiance bon enfant. On ne ressent pas la misère, ni même le désarroi. Pis, lorsque Tsotsi et sa bande arpentent les rues de la grande ville, on n’y voit nulles traces du métissage de la population. Le seul personnage blanc du film se trouve être le lieutenant de police sur lequel échoit la tâche de récupérer le bébé kidnappé. Gavin Hood ne nous dit rien des rapports actuels entre blancs et noirs, préférant se concentrer sur le seul Tsotsi, homme en marge de toutes les communautés. C’est son droit, seulement l’histoire de Tsotsi ne se révéle pas suffisamment passionnante pour amoindrir les regrets.
Sous des dehors d’homme violent et insensible, se cache un jeune garçon qui porte en lui un profond traumatisme issu de son enfance. C’est sa croix et ce qui conditionne un comportement en totale rupture avec son mode de vie habituel. Le Tsotsi que nous découvrons au début du film ne se serait jamais encombré d’un bébé. Sauf que sa trouvaille intervient après la leçon de morale que lui a asséné Boston, dit l’instit, l’un de ses compagnons de rapines. Les mots qu’il a prononcés commencent à faire sens dans le cerveau de Tsotsi. Il est en proie à une profonde lutte intérieure, ses souvenirs reviennent le hanter sous la forme de flashback qui se matérialisent à l’écran, le jeune Tsotsi se substituant au Tsotsi plus âgé. Le chemin vers sa rédemption est tout tracé. Un chemin long et douloureux, pas seulement pour lui, mais aussi pour nous autres spectateurs. Malgré tous les efforts employés par Gavin Hood pour nous le rendre attachant, Tsotsi demeure un personnage irritant. Qu’il joue au dur (en plissant les yeux) ou qu’il fonde en larmes, il reste ce personnage insignifiant qui tente désespérément de se donner de la grandeur.
Le film lui-même peine à marquer sa différence. Si Gavin Hood fait preuve d’application dans sa mise en scène, il cherche trop ostensiblement la belle image. Mon nom est Tsotsi souffre d’un point de vue trop anonyme. Les scènes nocturnes dans le quartier huppé où vivent les parents du bébé rappellent celles d’un autre film sud-africain récent, Hijack stories. Toutefois, ce dernier se distinguait par un regard autrement plus incisif sur la société sud-africaine et sur les séquelles que l’apartheid a laissées. En l’état, l’histoire de Tsotsi aurait tout aussi bien pu se dérouler dans les favelas, qu’on n’y aurait vu que du feu. La pluie de prix qui s’est déversé sur Mon nom est Tsotsi apporte la preuve, si besoin en était, que les récompenses ne font pas les grands films.