Meurtres sous contrôle – Larry Cohen
God told me to. 1976Origine : États-Unis
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New York subit une vague de meurtres sans précédents, dont les auteurs sont indifféremment un policier, un bon père de famille, ou bien un jeune homme sans histoires. Tous justifient leur geste de la même façon, dieu leur a ordonné d’agir ainsi. Pour l’inspecteur Peter Nicholas (Tony Lo Bianco), par ailleurs très croyant, cela paraît inconcevable. Son enquête va l’amener à remettre en question tout ce dont auquel il croit.
Fidèle à sa bonne vieille ville de New York, Larry Cohen adore en faire le théâtre de ses histoires les plus folles. Ville cosmopolite par excellence, New York, sous sa férule, voit sa population s’enrichir tour à tour d’un bébé monstrueux, d’un dragon majestueux ou bien d’un agent de police revenu d’outre tombe par la grâce de son imagination débordante. Cette fois-ci, il accroît la dangerosité de la ville en faisant de chaque habitant un assassin potentiel mandaté par dieu en personne. Comme aveuglés par leur foi, ces assassins mystiques tuent sans sourciller de simples quidams, voire les membres de leur propre famille. En son temps, Abraham avait lui aussi été sommé de mettre fin aux jours de son fils, à la différence que dieu l’avait alors stoppé avant qu’il ne commette l’irréparable. Convaincu de sa bonne foi et de son entier dévouement, dieu n’avait pas besoin de voir le sang couler. En comparaison, les new-yorkais apparaissent comme des êtres irrécupérables, puisque tous les récents meurtriers qui se réclament de dieu ont pu aller au bout de leurs actes. A ces fous de dieu, Larry Cohen oppose un inspecteur de police catholique et pratiquant, que ces événements achèvent de déboussoler. Peter Nicholas, car tel est son nom, éprouve déjà les pires difficultés pour concilier sa vie privée et sa foi. Séparé de son épouse, il vit en concubinage avec une autre femme, à priori athée. Il ne peut se résoudre au divorce pour deux raisons. Premièrement, il aime toujours sa femme, et deuxièmement, le divorce n’est pas vu d’un très bon œil par l’Eglise. Larry Cohen nous décrit un homme en porte à faux entre son moi spirituel et son moi charnel. Plutôt que de l’aider à se réaliser, sa foi le fait souffrir intérieurement à force de trop d’inhibitions. Alors, que dieu permette à certaines de ses ouailles de tuer leur prochain avec son assentiment a de quoi troubler notre pauvre homme, qui n’avait pas besoin de ça. Et au-delà de ce personnage, c’est de tout un pays dont le trouble s’empare.
Rompu à l’art de la série B, Larry Cohen n’est pas homme à tergiverser. Quelques plans successifs de la ville de New York lui suffisent pour planter l’action. Le calme apparent qui émane de ces images se trouve bien vite perturbé par une série de coups de feu. Des corps s’affalent sur la chaussée, la panique s’empare des passants, et c’est bientôt toute une ville qui entre en effervescence. La vague de meurtres s’étend à toute la ville, telle une épidémie impossible à enrayer. Tout individu un tant soi peu croyant est susceptible de devenir un meurtrier. Le danger est partout, tapi dans l’ombre, prêt à jaillir n’importe où et à n’importe quel moment, faisant souffler un vent d’inéluctabilité sur toute l’agglomération. Une inéluctabilité qu’illustre à merveille la scène d’ouverture, et qui au delà de son immédiate efficacité, nous renvoie à l’actualité où ces nombreuses fusillades deviennent monnaie courante aux Etats-Unis. La fusillade prend fin avec le suicide du tueur embusqué. Un dernier geste qui lui interdit l’accès au paradis. Rien que pour cette scène, Meurtres sous contrôle se verrait aujourd’hui interdit de toutes diffusions. Autre époque, autres moeurs.
Larry Cohen prend un malin plaisir à ébranler les fondamentaux d’un pays qui ne jure que par les Saintes Ecritures. A force de s’en remettre constamment à dieu, et ce jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat, le peuple américain tend à ne plus faire preuve de suffisamment de jugeote pour faire la part des choses. Or, que de sang versé au nom de la Sainte Bible ! Que de vies détruites sous prétexte de louer dieu tout puissant ! La religion sert trop souvent de prétexte à des massacres à grande échelle. Meurtres sous contrôle joue sur ce registre, mais sur un mode mineur. Sur ces événements “mystiques”, nous n’aurons finalement que le point de vue de Peter Nicholas. Comme si cette série de meurtres ne s’adressait qu’à lui. Ce qui s’avère être le cas, puisqu’en remontant la piste de ces meurtres, il remonte carrément à la source de ses propres origines.
Meurtres sous contrôle pâtit quelque peu de son manque d’ambition. Tant que le récit se nimbe de mystère, Larry Cohen mène sa barque de main de maître. Il se confronte de manière originale à la religion et à son acceptation quasi aveugle par ses fidèles. Dommage qu’il fasse déraper son récit à mi-parcours dans un salmigondis à base d’intelligence extraterrestre, mêlant les deux grosses croyances des américains, dieu et les E.T. Son savoir-faire lui permet néanmoins de capter notre attention jusqu’au bout. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de ressentir un léger désappointement face à une histoire qui s’annonçait passionnante, et qui au final se trouvait résumée dans la phrase qui lance le film.