Melinda et Melinda – Woody Allen
Melinda et Melinda. 2004Origine : Etats-Unis
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Melinda et Melinda s’affirme d’entrée comme une réussite. Certains diront que Woody Allen est de retour, que l’homme de Manhattan, Annie Hall et tant d’autres a retrouvé sa folie d’avant, les plus raisonnables diront que c’est un bon Woody Allen, voire même un très bon. Mais ne soyons pas raisonnables. Le cinéma, c’est passionnel, raison et passion ne sont donc pas associables. C’est comme le drame et la comédie, peut-on les associer ?
C’est un peu ça l’idée de départ du film. Melinda et Melinda part du principe que la vie peut être vue sous divers angles, et là, tout particulièrement sous celui de la tragédie ou de la comédie. Ainsi, à partir d’un même personnage (Melinda), deux hommes, un dramaturge et un comique vont raconter deux histoires similaires mais différentes selon leurs propres systèmes de pensées. L’un racontera un drame, l’autre une comédie.
Les précédents films de Woody Allen laissaient sur leur fin les aficionados du Juif athée new-yorkais fan de jazz le plus connu de la planète. Avec Anything Else, Woody Allen nous montrait qu’il n’avait rien perdu de son talent, en mettant en scène une nouvelle comédie humaine comme au bon vieux temps de Manhattan ou autres Annie Hall. Fini la comédie pure et bâclée (pour un Allen) comme Le Sortilège du Scorpion de Jade, ici, le trublion new-yorkais nous parle de la vie avec cynisme, avec non moins d’humour, et toujours avec ce décalage -sa marque de fabrique- qui lui est si connu et envié. Bref, je l’annonce, Woody Allen est de retour !
Pourquoi Melinda et Melinda est un bon film à mon sens ? Tout d’abord par son originalité, l’idée de mettre en scène le même personnage en lui donnant un passé différent, et de traiter ce personnage selon deux angles opposés, c’est original, mais c’est surtout bien fait, grâce à un montage tout en subtilité où l’on passe d’une histoire à l’autre, sans jamais perdre le fil. Et c’est d’autant plus réussi, que même dans le drame, on se marre, et ce grâce au décalage créé avec la comédie. Parce qu’indubitablement, on est lié par le drame et la comédie, et si les histoires sont distinctes, elles n’en restent pas moins complémentaires. Et Woody Allen, le sait et l’a écrit dans ce sens. Et c’est là que le Maître Allen excelle, il arrive à nous faire rire du pire ! Une fille désespérée veut se suicider, on rit aux éclats lorsque les témoins de la scène cherchent à sauver leur nouveau tapis. Mais pourquoi rit-on ? Parce que quoi que fasse Woody Allen, c’est toujours l’ironie des situations, l’ironie de la vie, qui prend le dessus dans son œuvre, comme si ça vie dépendait d’écrire comme ça, parce que cette ironie, presque tyrannique, contre laquelle on ne peut rien, on n’a pas d’autre choix que d’en rire, alors on rigole.
Mais il faut créer une histoire à Melinda, et une aussi à l’autre Melinda. Et chacun imagine que la solution à ses problèmes, c’est l’amour, le grand amour, car c’est grâce à l’amour qu’elle redeviendra heureuse, ce même amour qui l’a désespéré. Alors les deux conteurs lui trouvent des amants, des hommes merveilleux, raffinés, beaux, qui ont réussi dans la vie.
Mais là où c’est vraiment intéressant et ce qui fait la force de ce film, c’est le fait qu’il nous renseigne sur l’écriture cinématographique, sur la capacité de l’auteur à donner vie à des personnages et à les faire vivre dans un microcosme particulier dans le but de raconter une histoire selon un point de vue qu’il affectionne et dans lequel il se reconnaît. Le drame, la comédie, tout cela n’est que prétexte pour raconter toujours la même histoire : l’histoire de la vie, avec ses hauts, ses bas, parfois on est heureux, parfois malheureux. Mais Woody Allen sait que la vie ce n’est pas tout blanc ou tout noir. C’est pour cela qu’il laisse un échappatoire à son personnage, parce que malgré tout, la vie continue toujours. Il faut se battre certaines fois plus que d’autres, c’est ainsi, c’est la fatalité de l’existence. Mais bien évidemment, comme c’est une comédie avant tout, ça finit alors sur une note d’optimisme, comme dans Manhattan et tant de ses œuvres.
Woody Allen dont on connaît son parti-prit pour un monde de merde, fait malgré tout des films optimistes, comme s’il pensait que finalement, y’a encore de belles choses à sauver et qu’il faut vivre pour les vivre !
Ce film est aussi l’occasion de voir la superbe Radha Mitchell dans un premier rôle. Elle y joue donc Melinda et Melinda, deux filles paumées qui cherchent l’amour. Elle est tout simplement superbe dans ce rôle et nous permet de la découvrir autrement, elle qu’on avait vu pour la première fois dans le cultissime Pitch Black de David Twohy. Will Ferrel aussi y a un rôle sur mesure, tout en décalage, à l’image des personnages campés par Woody Allen qui s’est éclipsé du film. Peut-être un de ses meilleurs rôles.
Bref, avec ce film, Woody Allen montrait qu’il avait encore des choses à raconter, ce qu’il confirmera par la suite avec Match Point.