Max mon amour – Nagisa Oshima
Max mon amour. 1986Origine : France / Etats-Unis / Japon
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Nagisa Oshima débute sa carrière en 1959. Dès l’année suivante et son deuxième film, Contes cruels de la jeunesse, il fait scandale en narrant les déboires de jeunes amants qui escroquent des automobilistes en procédant au chantage sexuel. Un scandale payant puisqu’il fait du film un succès. A sa suite, la presse nippone s’empresse d’évoquer une nouvelle vague japonaise, pendant du phénomène français, et intronise Nagisa Oshima chef de file de ce mouvement. Petit à petit, il bâtit une œuvre cohérente dont le sexe et le crime émergent comme les deux thèmes centraux. Le parfum du scandale n’est jamais bien loin et atteint parfois des sommets comme en 1976 avec le passage à Cannes de L’Empire des sens et ses scènes de sexe explicites. Nagisa Oshima étant devenu un habitué du festival, Max mon amour a lui aussi connu les honneurs d’une projection à Cannes, et s’il n’a pas provoqué autant de remous que son illustre prédécesseur, il a tout de même produit son petit effet.
Peter Jones (Anthony Higgins), diplomate anglais en poste à Paris, s’interroge sur la fidélité de sa femme Margaret (Charlotte Rampling). Il la fait donc suivre par un détective privé et apprend qu’elle a loué un logement dans lequel elle s’y enferme des journées entières. Peter se rend dans ledit logement, bien décidé à surprendre sa femme et son amant. Surprise il y a, mais pas pour la personne envisagée. Car le mari trompé découvre avec effroi que sa femme le fait cocu avec un chimpanzé qui répond au doux nom de Max. Une fois le choc encaissé, Peter propose à sa femme d’héberger son amant à leur domicile. Ainsi, il pourra garder un oeil sur leur relation. Margaret accepte mais cette cohabitation inédite n’ira pas sans heurts.
Max mon amour permet à Nagisa Oshima d’explorer une autre forme des rapports amoureux, l’être humain et l’animal. Une relation contre-nature qui n’est pas sans évoquer les heures sombres de notre histoire. Pourtant, jamais Nagisa Oshima ne sombre dans la complaisance ou le graveleux. Hors de question pour lui d’aller aussi loin que dans L’Empire des sens. Tout provocateur possède également ses limites. Et puis là n’est pas son but. Ce film lui donne l’occasion de nous donner sa version de la belle et la bête, le tout dans un milieu bourgeois peu coutumier de ce genre d’écart aux bonnes mœurs. Peter est un homme de pouvoir. Il aime tout contrôler jusqu’aux marivaudages de son épouse. Dans sa position, il ne peut tolérer d’être supplanté dans le coeur de sa femme. Que cela soit par un chimpanzé ne fait qu’ajouter à sa volonté d’étouffer l’affaire et ainsi éviter un scandale. Installer Max chez lui répond à son désir de contrôler la situation et de tenter de raisonner Margaret quant à l’impasse sur laquelle sa relation extra conjugale ne manquera pas de déboucher. Il ne se remet nullement en question et ne s’interroge pas davantage sur le pourquoi d’une telle aventure. Totalement désemparé, il tente même de soudoyer Max en lui payant une prostituée. Il ne comprend pas qu’un véritable amour unit Max à Margaret.
La relation extra conjugale que Margaret entretient avec Max en dit long sur la faillite de son couple avec Peter. Margaret est une femme profondément blessée et meurtrie qui, un beau jour, s’en est allée tromper son ennui au zoo. Avant leur rencontre, Margaret et Max erraient tous deux comme deux âmes en peine, désespérément seuls et portant en eux toute la tristesse du monde. Il ne leur aura fallu qu’un simple regard échangé de part et d’autre de la cage dans laquelle vivait Max, pour que leurs existences soient scellées à jamais. Depuis, ils vivent un amour fou et sincère, en marge du tumulte du monde. Pour Margaret, accepter la proposition de son mari d’héberger Max à leur domicile, revient à mettre sous silence son profond désir. Par amour pour son fils, elle ne peut se résoudre à vivre son idylle au grand jour et doit se contenter de gestes tendres en catimini. Bénéficiant de la beauté froide et de l’aspect sophistiqué de Charlotte Rampling, le personnage de Margaret demeure une énigme. Il est entendu que l’argent ne fait pas le bonheur, et que son train de vie petit bourgeois ne saurait s’accommoder malgré tout des multiples infidélités de son mari. Pourtant, il nous est difficile de croire en son coup de foudre pour un chimpanzé. Quelque part, Nagisa Oshima touche là les limites de notre imaginaire et de notre capacité à accepter l’improbable. Il apparaît difficile de croire à la viabilité d’une telle relation, de penser qu’une femme telle que Margaret puisse décemment envisager de finir sa vie aux côtés d’un singe. Alors, oui, Max mon amour se veut avant tout une farce qui se moque allégrement de l’univers guindé et hypocrite des petits bourgeois, mâtinée d’un plaidoyer pour la tolérance. Néanmoins, le ridicule de la situation demeure un obstacle bien trop insurmontable pour regarder ce film autrement que d’un oeil amusé, voire moqueur. Il faut dire aussi que le réalisateur ne nous aide pas, notamment lorsque Max revient fièrement en ville sous les “hourras” d’une foule en délire, accentuant le côté grotesque de cette histoire.
Max mon amour est un drôle de film, pas choquant pour un sou, mais pas davantage percutant. Il y a du vaudeville dans ce ménage à trois incongru, et sans doute faut-il voir là la patte de Jean-Claude Carrière, grand homme de théâtre. Ça crie, ça pleure, les portes claquent et l’homme se ridiculise à trop vouloir restaurer sa virilité bafouée. Pour ceux qui sont clients de ce genre d’histoire, alors ce film fera leur bonheur. Pour les autres, dont je suis, Max mon amour laissera au mieux froid, et au pire, interrogatif sur notre degré de cartésianisme.