L’Union sacrée – Alexandre Arcady
L’Union sacrée. 1989.Origine : France
|
Contraint et forcé, le commissaire Joulin (Bruno Crémer) annonce à l’inspecteur Simon Atlan (Patrick Bruel) qu’il fait désormais équipe avec l’inspecteur Karim Hamida (Richard Berry). L’impulsif et fougueux Atlan goûte peu la compagnie de son nouveau collègue dont il ne supporte pas les airs suffisants. Pourtant, il doit bien lui reconnaître une certaine efficacité dans son travail et de l’acuité au moment de débusquer des terroristes derrière le trafic de drogues initial. Mus par un objectif commun, les deux flics parviennent à taire leurs différends pour le bien de l’enquête. Sauf que le mystère entourant Karim Hamida finit par taper sur le système de Simon, lequel s’échine à découvrir le pot aux roses.
Dix ans de carrière, six longs-métrages, tout va plutôt bien pour Alexandre Arcady qui au fil du temps s’est constitué une famille cinématographique que l’on retrouve de film en film. Mention spéciale à Jean-Claude de Goros, éternel second rôle qui participe à tous les projets du réalisateur depuis Le Coup de sirocco, son premier essai. Il représente pour Alexandre Arcady une sorte d’acteur-totem comme a pu l’être Jean Bouise pour Luc Besson ou de l’autre côté de l’Atlantique, Dick Miller pour Joe Dante ou encore Jack Nance pour David Lynch. Autres habitués au générique, Patrick Bruel qu’il a contribué à faire connaître ; Marthe Villalonga qui joue à nouveau sa mère ; et Richard Berry. Quant à Roger Hanin, figure paternelle inamovible du cinéma d’Alexandre Arcady, il se contente ici d’une figuration photographique, un cliché issu du tournage du Grand carnaval faisant office de photo souvenir pour la famille Atlan. En un sens, L’Union sacrée offre l’occasion aux deux fils cinématographiques de l’acteur, désormais très occupé avec la série Navarro, de s’émanciper enfin au sein de l’univers du cinéaste.
Comme il l’avait fait du temps du Grand pardon, décalque du Parrain de Francis Ford Coppola où la mafia juive pied-noire remplace la sicilienne, Alexandre Arcady lorgne de nouveau du côté du cinéma américain, et plus particulièrement au genre du buddy-movie, très en vogue durant les années 80. Entre Simon et Karim, il orchestre bien évidemment une opposition de caractères mais place également leurs différences sur un plan religieux, Simon étant de confession juive et Karim de confession musulmane. Cette association revêt une dimension symbolique qui en appelle à la fraternité entre les peuples, laquelle prend tout son sens lorsque l’intrigue révèle l’entièreté de ses ramifications. Le propos du film demeure toujours d’une triste actualité. Il évoque ce fanatisme religieux qui infuse au cœur des villes et qui attend le moment propice pour exploser. Ici, les fanatiques sont chapeautés par un diplomate dont l’immunité le prémunit contre les actions de la justice française. A noter qu’en cette année cinématographique 1989, les ambassades étaient de vrais repaires à salopards puisque dans L’Arme fatale 2, il est aussi question de diplomates – sud-africains cette fois – s’adonnant au crime organisé.
Dans L’Union sacrée, la grande œuvre de ces fanatiques restent néanmoins à l’état embryonnaire, Alexandre Arcady se refusant à partir dans une surenchère de violences arbitraires. Il limite l’action des terroristes à des règlements de comptes entre voyous. Tout au plus évoque-t-il l’histoire récente en reproduisant l’attentat de la rue des Rosiers perpétré le 9 août 1982 dans un restaurant parisien tenu par une figure de la communauté juive. Dans le cas présent, il s’en sert à des fins purement dramatiques puisque l’attentat touche le restaurant de la famille Atlan, précipitant Simon dans la spirale de la vengeance, laquelle amène le dernier acte. Un moyen aussi de rappeler, alors que les deux flics s’étaient rapprochés au point d’apprécier désormais travailler ensemble, à quel point ils demeurent différents dans leur réaction face aux événements. Simon Atlan conserve cette image de la tête brûlée qui fonce dans le tas au mépris du danger lorsque Karim, plus réfléchi et au fait de certaine réalités, préfère œuvrer dans l’ombre sous couvert de respectabilité. Marchant sur des œufs, Alexandre Arcady offre une fin mi-figue mi-raisin, comme soucieux de ne pas prêter le flanc à une quelconque récupération nauséabonde. En n’assumant pas la dimension fictionnelle de son film, il n’hésite pas à prendre le spectateur par la main afin de lui signifier qu’elle est la meilleure façon d’agir dans une situation pareille. Une manière de se dédouaner tout en enfonçant des portes ouvertes qui laisse comme une grosse impression d’enfumage.
En définitive, L’Union sacrée laisse sur une impression mitigée, indépendamment de la musique pas toujours très heureuse signée Jean-Jacques Goldman. Portée par les bonnes prestations de Richard Berry et Patrick Bruel, la partie buddy movie fonctionne parfaitement. Les échanges sont vifs et s’imbriquent pleinement à l’enquête policière en cours. Le récit perd de son souffle à mesure qu’Alexandre Arcady dilue son intrigue policière dans l’intimité de ses personnages, les précipitant dans un improbable triangle amoureux. Quant au contexte, il est constamment phagocyté par de grosses ficelles scénaristiques (Karim gagne la confiance d’Ali Radjani en deux phrases échangées) qui empêchent de prendre cette histoire au sérieux, en dépit de bonnes intentions.