L’Histoire sans fin II – George Miller
Rien ne va plus à Fantasia. Après le Néant, une nouvelle menace pointe le bout de son nez en la personne, plutôt charmante au demeurant, de Xayide. La perfide sorcière séquestre la petite impératrice dans son château afin d’attirer Bastien dans un piège, mettant ainsi à mal l’existence même du Pays fantastique. Heureusement, Bastien pourra compter sur les fidèles Atreyu et Falkor pour déjouer cette sombre machination.
On aurait dû se méfier. Nanti d’un titre pareil, L’Histoire sans fin ne pouvait pas rester sans suite. Tout juste s’étonnera t-on du laps de temps qui s’est écoulé entre les deux chapitres, peut-être lié à la nouvelle obtention des droits du livre de Michael Ende, ce dernier ayant détesté le travail de Wolfgang Petersen au point d’exiger – et d’obtenir – que son nom soit tout bonnement retiré du générique. Fort logiquement, le réalisateur du Bateau n’est pas rappelé pour cette suite, laquelle incombe à un illustre inconnu venu d’Australie et au patronyme pourtant reconnu, George Miller. A charge pour lui d’illustrer de manière inspirée ce nouveau chapitre, et de s’accommoder d’un nouveau Bastien, Barrett Oliver ayant subitement mis un terme à sa carrière au terme de Scenes from the Class struggle in Beverly Hills de Paul Bartel, en 1989.
Une blondeur inédite mise à part, le quotidien de Bastien n’a guère changé depuis qu’il a sauvé Fantasia du Néant. S’il n’a plus rien à craindre de ses tourmenteurs, son manque de témérité ne le met pas pour autant à l’abri des quolibets de ses petits camarades. On peut avoir vaillamment chevauché un dragon au-dessus de sa ville et être dans ses petits souliers au moment de plonger du plongeoir de 7 mètres. A la maison, la situation n’est pas meilleure avec un paternel davantage préoccupé par l’idée de se recaser que par les sempiternelles pleurnicheries de son rejeton. Bastien est retourné à sa triste réalité où son seul réconfort réside paradoxalement dans le souvenir de sa défunte mère, et non pas dans un roman, comme on aurait pu le croire. Les livres, il ne s’en sert que de pis-aller, un simple moyen d’améliorer son quotidien de manière ponctuelle. Ce n’est donc pas le goût de la lecture qui le pousse à franchir de nouveau le seuil de la librairie de Coreander – personnage qui par ailleurs conserve son interprète originel – mais l’envie de guérir de ses maux, en l’occurrence son manque de courage. De même, si Bastien se replonge dans L’Histoire sans fin, c’est uniquement parce qu’il a entendu l’appel à l’aide de la petite impératrice, donc davantage par dette morale que par envie. En fait, par le statu quo opéré par cette mise en place par rapport au premier film, la lecture devient l’apanage des faibles, un refuge pour les laissés-pour-compte qui, s’ils avaient une vie sociale développée, ne s’enquiquineraient pas à ouvrir un bouquin. Un drôle de sous-texte qui trouve son corollaire dans l’action dévastatrice de la sorcière Xayide, laquelle vise rien moins que l’oubli pour ce monde imaginaire qui lui donne pourtant vie. Pour saugrenue que puisse paraître cette idée sur le papier, elle prend tout son sens à l’aune de la direction artistique du film, tout simplement hideuse. A mesure que le récit avance, on a nous aussi plus qu’une envie, oublier ce que l’on a sous les yeux.
L’Histoire sans fin II confirme que disposer d’un budget plus conséquent ne garantit pas forcément un spectacle enthousiasmant. Encore faut-il avoir de (bonnes) idées et les mettre en scène avec le minimum de panache et de merveilleux nécessaire à une telle entreprise. Or ce second chapitre illustre un Fantasia encore plus terne que son prédécesseur, et de manière bien plus casanière (limite si les personnages ne donnent pas l’impression de tourner en rond entre les deux mêmes pauvres décors). En guise de merveilleux, il faudra se contenter d’une cité lacustre cernée par des eaux acides, dont les murs semblent être en plastique et les habitants des pantins accoutrés comme au carnaval de Venise et qui se déplacent en se dandinant. Par la suite, l’intrigue arpentera brièvement les entrailles du château de la sorcière pour ensuite se perdre dans des paysages bien peu féeriques. Dire que les péripéties sont d’une mollesse rare relève de l’euphémisme. Tout semble figé à l’image de ces cafards géants qui servent de cerbères à la sorcière, ou du dragon pris en chasse pas Bastien et Falkor. En outre, lesdites péripéties sombrent souvent dans la bêtise d’un scénario qui ne sait pas gérer l’un de ses principaux arcs : la perte d’un souvenir à chaque fois que Bastien fait un vœu. Pour résumer, Xayide s’arrange pour pousser le gamin à faire des vœux afin de franchir les diverses embûches qui s’imposent à lui. En soi, une idée pas inintéressante puisqu’elle interroge la croyance que Bastien peut avoir en ce monde merveilleux qui s’offre à lui tout en sanctionnant immédiatement son inclination à trop se reposer sur ses propriétés magiques. Au début, il tient bon, hermétique à toutes facilités. Et puis il craque au point, lors d’une ascension périlleuse, de faire un vœu pour chaque marche le rapprochant du sommet. Comme s’il ne pouvait pas faire un seul et unique vœu pour arriver à destination… Dès cet instant, Bastien n’est plus qu’une coquille vide, plus attentif aux mauvais conseils de la sorcière qu’aux mises en garde de son ami Atreyu, avec lequel il finit par en venir aux mains. Alors que le premier film cantonnait Bastien à la périphérie du récit, bien qu’il en détînt les clés, il se trouve ici au cœur du film. Il ne vit plus les aventures par procuration mais en devient le moteur, n’éprouvant pas tant le besoin de rêver que de susciter l’admiration d’autrui. Bastien pique sa crise, en quelque sorte, trouvant là le moyen d’exister à nouveau aux yeux de son père, lequel se fait tout de même davantage de soucis que dans le premier film. C’est lui qui en parcourant les pages de cette nouvelle Histoire sans fin donne in fine toute sa valeur à la quête de son fils.
D’un chapitre à l’autre, L’Histoire sans fin a connu un sérieux appauvrissement de son imaginaire. Mis à part recycler quelques figures populaires du film précédent (Falkor et Mange-pierre – doté d’un fils ! – font de la figuration), George Miller échoue à offrir un souffle nouveau aux pérégrinations de Bastien et Atreyu à Fantasia. Et pourtant, ce n’est pas faute de jouer la carte de l’émerveillement, mais celui-ci sonne aussi faux que la majorité des créatures qui peuplent ce monde prétendument merveilleux. Alors il tente la carte de l’émotion autour des trajectoires fluctuantes d’un père et de son fils, non sans mièvrerie. Voilà donc un spectacle familial qui saura mécontenter petits et grands.
C’est un peu hors de propos mais j’ai appris le décès de Jonathan Brandis, il y a quelques années mais ça m’a fait quelque chose. Je me souviens de lui dans le téléfilm Ça de Tommy Lee Wallace, et je l’avais vu récemment dans la série Flash, de 1990 pas l’horrible série de 2014, et je me suis rendu compte que Hollywood est un endroit cruel pour les enfants et que c’est une tragédie – avec Corey Haim – que de jeunes acteurs finissent broyés par ce système, qui est sensé nous faire rêver.