Les Hommes du Président – Alan J. Pakula
All the President’s Men. 1976Origine :États-Unis
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Les Hommes du Président est l’adaptation du livre éponyme écrit par Bob Woodward et Carl Beinstein, journalistes du Washington Post ayant enquêté sur l’affaire du Watergate. Ce film met donc en scène ces deux hommes qui sont à l’origine de la démission de Nixon.
Le Watergate est le local du Parti Démocrate à Washington.
17 juin 1972. Un gardien de la sécurité de l’Hôtel Watergate découvre qu’une serrure a été crochetée et appelle la police. Cinq cambrioleurs sont arrêtés avec du matériel d’écoute. Woodward, nouveau venu au Washington Post, sent quelque chose. Aidé de Beinstein, ils vont enquêter sur ce cambriolage qui les mènera tout droit à la Maison Blanche.
Le scandale du Watergate est assez compliqué à résumer. On y trouve de nombreuses ramifications et surtout de nombreux acteurs. On retient surtout les écoutes téléphoniques et la démission de Nixon, mais ce fut bien plus que cela.
Le film met donc en avant l’enquête des journalistes du Post qui en persévérant vont découvrir que tout part de la Maison Blanche.
Le choix du réalisateur est de créer un véritable thriller. L’enquête, bien que passionnante, met en avant les enjeux politiques et historiques de l’affaire. Bien sûr, ce ne fut pas évident, bien sûr, il fallut faire parler des gens qui avaient peur d’en dire trop. Ainsi, on découvre les manipulations des journalistes qui usent souvent du bluff pour avoir des informations. Leur intuition s’avère souvent très juste, mais l’enquête bloque dès qu’on s’approche trop près du pouvoir.
Pakula, réalisateur de L’Affaire Pélican, de Présumé innocent ou d’Ennemis rapprochés, s’est spécialisé dans le thriller. Avec Les Hommes du Président, il pose les bases de ce qui fera la marque de l’ensemble de son œuvre. Avec ce thriller, il se permet d’établir une structure narrative inédite, où toute la trame de son film ne tient que sur des dialogues, des confrontations à distance, mais absolument pas sur une quelconque suite d’actions. De ce fait, la principale difficulté était de réussir à donner du fond à son film. Il fallait donc réussir à créer une ambiance unique pour mettre en scène une enquête dont tout le monde connaît déjà la fin. Mais alors, quel est l’enjeu véritable de ce film?
Il est qu’il permet de mettre en lumière une façon de faire, qu’il permet de rappeler à travers une ambiance bien spécifique que l’enjeu de ce film plus particulièrement à travers son histoire, c’est que la démocratie n’est à l’abri de rien.
Le film n’éclaircit pas tout. Il s’intègre parfaitement dans la réalité tout en jouant sur la représentation, sur ce qui pourrait être représentatif remis dans son contexte. Par exemple, qui est Gorge Profonde ? Personnage emblématique dont on découvrira en 2005 que c’était Mark Felt, directeur adjoint du FBI à l’époque. Sa représentation, tout en mystère, fumée de cigarette et visage cachée par des ombres, influencera Chris Carter pour son personnage d’homme à la cigarette dans X-Files.
Ce thriller utilise beaucoup la représentation donc. Les personnages principaux, des journalistes jusqu’au-boutistes, sont, avec l’ensemble de la rédaction du Post, les représentants du Quatrième pouvoir. Ainsi, à travers ce thriller, le réalisateur en profite pour faire de la presse un organe indispensable à la démocratie. Sorte de mur contre les abus du pouvoir. Mais la question se pose : quelles sont les limites du Quatrième pouvoir ? Son efficacité prouvée n’est pourtant pas garante de la démocratie. Car si parfois la presse réussit à faire éclater certains scandales, on peut aisément imaginer qu’elle puisse passer à côté de nombreux autres ! D’ailleurs, toute cette affaire n’a pu être mise en lumière que grâce à Gorge Profonde qui était donc le directeur adjoint du FBI. De ce fait, comment aurait-il été possible que la presse puisse aller si loin sans lui ?
De plus le film montre bien que cette affaire n’intéressait pas les lecteurs, que le public ne voit pas là une atteinte à ses libertés. De ce fait, la presse apparaît aussi comme un organe d’éducation. Chose qu’elle ne fait plus guère aujourd’hui.
Ce film nous fait nous poser de nombreuse questions. Si du temps a passé depuis ce scandale, il n’en reste pas moins que ça reste d’actualité aujourd’hui où les organes de presse sont de plus en plus liés aux politiques, de façon directe ou indirecte. Ce film prouve bien une chose néanmoins, c’est que justice a été faite. Avec ce résultat, la démocratie des Etats-Unis en sort grandie, mais il faut garder à l’esprit que malgré tout, rien n’est acquis et qu’il faut toujours être vigilant.
Robert Redford et Dustin Hoffman interprètent donc les fameux journalistes. Tout en sobriété, ils jouent parfaitement leurs rôles. On y croit, et ils y croient, comme si ce film, ce sujet, avait un sens pour eux. Redford, qui participa à la production, a toujours été un homme engagé. Avec ce film, il le confirme et montre son attachement aux libertés individuelles, mais aussi aux institutions démocratiques de son pays. A travers cette œuvre, il veut être considéré comme l’un des représentants de ce nouvel Hollywood qui apparaît dans les années 70, un Hollywood contestataire, éloigné du pouvoir, libre de ses choix et de ses dires.
Malgré tout, ce film n’est pas des plus faciles à regarder. La principale difficulté à laquelle l’équipe du film a dû faire face avec cette histoire, c’était de réussir à clarifier une situation complexe. La quantité de noms qui nous est donnée est assez dure à digérer. De plus, pour un public non averti, les noms donnés sont pour la plupart de grands inconnus. Ainsi, ce film ne peut pas se regarder comme un divertissement, ce thriller mérite toute notre concentration pour ingurgiter une montagne d’informations. Ainsi, on est au bord du documentaire tellement le public est amené à comprendre une situation qui a abouti à la destitution de l’homme le plus puissant du monde. Ce n’est pas rien.
A noter que le scénario est une petite merveille d’écriture cinématographique (William Goldman reçut l’Oscar d’ailleurs), tout est limpide, il décrit particulièrement bien tout le travail des journalistes, leur intelligence est mise en valeur par des dialogues parfois remplis d’un humour tout en décalage, mais soulignant l’ambiance oppressante qui tourne autour des protagonistes, bref, chef d’œuvre!
Les Hommes du Président est donc un classique du thriller politique. Il influencera les générations suivantes (on pense au récent Michael Clayton par exemple), autant dans sa mise en scène que dans sa volonté d’informer, d’éduquer et d’instruire.
Un film important donc, réalisé quelques temps après le scandale, ce qui plonge d’autant plus le spectateur de l’époque dans un contexte qu’il connaît encore. Cependant, il a très bien vieilli. Un thriller réussi, une œuvre forte et porteuse d’un message de mise en garde.