Leprechaun 2 – Rodman Flender
Leprechaun 2. 1994Origine : Etats-Unis
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En Irlande, au moyen-âge, un homme est tué par le Leprechaun pour avoir eu l’audace de lui refuser la main de sa fille. En prime, le farfadet décrète pompeusement qu’il finira par épouser la descendante du pauvre bougre dans 1000 ans (je ne sais pas pour le pauvre bougre, mais pour ma part, je me soucie comme d’une guigne de mes hypothétiques descendants du prochain millénaire). Nous nous retrouvons donc en 1994 aux Etats-Unis, et l’innocente Bridget (Shevonne Durkin) est enlevée par le vilain Leprechaun, qui l’enferme dans sa tanière. Mais avant de convoler en justes noces, il doit retrouver la pièce d’or manquant à son trésor, dérobée par le petit ami de Bridget au moment du kidnapping. Malin, le jeune homme a su saisir l’occasion de disposer d’un moyen de pression pour récupérer sa blonde.
Aussi étrange que cela puisse paraître, Leprechaun a plutôt bien marché. Dommage, car cela a rendu inévitable le tournage d’une séquelle, la première d’une trop longue série (mais la dernière à sortir en salles). Peu de temps s’est écoulé depuis le premier film, et pourtant Leprechaun 2 renouvelle quasi intégralement l’équipe artistique de son prédécesseur, à commencer par le réalisateur et le scénariste, désormais deux personnes distinctes. Amateur de noms complexes lui permettant de transcender le sien, relativement banal, et ayant bien senti qu’avec le succès le nom de “Leprechaun” allait se banaliser, Mark Jones est parti travailler sur Rumpelstiltskin. Probablement histoire d’être sûr que personne ne pondra un titre plus improbable. Il est remplacé à la caméra par le réalisateur Rodman Flender, qui n’est pas le plus grand des artistes sortis des écuries Corman, et au clavier par le tandem de choc Turi Meyer et Al Septien, qui plus tard allaient se faire remarquer sur Smallville. Niveau casting, pas grand chose à signaler. Le premier film avait lancé Jennifer Aniston, et le second ne lancera jamais personne, à part quelques futurs figurants de Beverly Hills. Par contre, Clint Howard vient s’y égarer dans un caméo, lui qui n’aura jamais réussi à se faire un prénom dans une famille popularisée par Corman. Et bien entendu, Warwick Davis remet le chapeau pour une prestation peut-être un peu moins hystérique que dans le premier film, mais qui dans le fond ne reste toujours qu’une vague imitation de Freddy Krueger (à noter une scène de langue baveuse tout droit piquée aux deux premiers Freddy).
Le remplacement de Jones par un autre réalisateur et un autre scénariste n’aura amené aucune remise en question, quand bien même Leprechaun 2 fait comme si Leprechaun n’avait jamais existé. Il est tout aussi peu porté sur la véritable nature du farfadet irlandais, qui en principe, rappelons-le, n’est pas un nabot cabotin (au contraire, le véritable leprechaun mythologique cherche justement à se mettre à l’abri des regards et peut se montrer aussi bienveillant que farceur), et il ne change pas une formule éprouvée et éprouvante. Les quelques changements apportés au film de Mark Jones sont mineurs, voire ne font que substituer une chose par une autre, équivalente : posséder un bien du leprechaun procure l’invincibilité face à la magie, le farfadet peut réaliser quelques vœux à celui qui parvient à l’attraper, le fer forgé remplace le trèfle à quatre feuilles comme principale arme contre le personnage de Warwick Davis et le penchant pour le whisky irlandais remplace la manie de brosser toutes les chaussures pour assurer un “running gag”. Le reste, c’est à dire le coup de la copine à récupérer avant le mariage, vient se greffer à la recherche de la pièce d’or manquante pour donner l’impression qu’il ne s’agit pas exactement du même scénario que dans le volet précédent. C’est un peu vrai, effectivement, puisqu’il n’y a plus le cache-cache à sens unique qui caractérisait le premier film… mais ça ne fait pourtant pas de Leprechaun 2 un film plus palpitant. Déjà parce qu’il faut une demi-heure avant que tout se mette en place, et ensuite parce que l’intervalle séparant l’exposition du dénouement est dominé par des scènes foncièrement débiles, mal reliées entre elles, et parfois agrémentées de meurtres inopinés perpétrés sur des personnages n’arrivant dans l’intrigue que pour mourir. Voilà une illustration de plus de ce fléau qui sévit souvent dans les films sans imagination : le scénario est tellement mince que pour vendre le film sous l’étiquette “horreur”, il n’y a pas d’autre choix que de parachuter de la chair à saucisse que le réalisateur peut sans problème humilier (par le second degré du Leprechaun et ses idées mortelles), puisque tout le monde se moque éperdument de ces personnages. Forcément, le stratagème est évident et ne fait que souligner davantage l’indigence du film.
Ici, nous avons donc un rival amoureux, un gardien de sécurité et un vigile qui ont eu le malheur d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Voilà trois des cinq meurtres du film… tous assez soft, même si l’un d’entre eux ne manque pas d’originalité. Ajoutons celui qui ouvre le film, et nous ne nous retrouvons plus qu’avec une seule véritable victime, dont la mort relève d’ailleurs plus du sacrifice que d’autre chose. Par ailleurs, ce même personnage alcoolique et gaffeur avait auparavant été le seul à pouvoir orienter le film dans une autre direction, puisqu’il disposait d’un livre folklorique traitant justement des leprechauns (mais personne ne s’en servira !), que son activité vaguement foraine pouvait provoquer une certaine auto-dérision, et que sa personnalité aurait certainement davantage rapproché le leprechaun de ses racines irlandaises que les sempiternelles imitations de Freddy. Tout ceci ne reste qu’hypothèse, puisque Flender gâche complètement le personnage au profit de son jeune héros et de sa copine, tous deux d’une platitude totale (le minet courageux et la demoiselle en détresse). En attendant, il nous vaut quand même la seule scène potable du film, dans un bar où une troupe de nains déguisés en leprechauns célèbrent la Saint-Patrick en criant “One of us” au véritable farfadet (référence à Freaks) pendant que celui-ci s’imbibe de whisky. L’image fait un peu stéréotype de l’Irlande, bien entendu, mais à défaut de suivre un film traitant du vrai leprechaun, on aurait sans conteste préféré une transcription carton-pâte de la culture celte que cette ineptie accablante ressemblant à n’importe quel slasher comique de son époque : pas drôle, molle, moche, prude et oubliée sitôt vue. Et dire qu’ils ont réussi à faire pire par la suite…