Leatherface : massacre à la tronçonneuse 3 – Jeff Burr
Leatherface, The Texas chainsaw massacre III. 1990Origine : États-Unis
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A l’entame des années 90, les films d’horreur éprouvent les pires difficultés pour se frayer un chemin jusque dans nos salles. Si les années 80 ont été fertiles en franchises horrifiques aux fortunes diverses, leurs nombreux rejetons ont, les années passant, davantage rempli les étalages des vidéoclubs que les salles de cinéma. Même Jason a dû se résoudre à quitter les grands écrans à l’occasion de son escapade new-yorkaise. Seul Freddy résiste, fort d’adeptes toujours aussi nombreux de par le monde. Le genre horrifique entre dans une période sombre et voit sa production se réduire comme peau de chagrin. De ce fait, sans un grand nom derrière la caméra, ou la caution d’un auteur important (Stephen King, par exemple), il devient de plus en plus difficile pour un petit film d’horreur de toucher le grand public. Un constat qui s’éternise jusqu’en 1997 et la sortie de Scream de Wes Craven, dont le succès marque le point de départ d’un nouvel engouement pour l’horreur. Mais venons-en au film qui nous intéresse présentement, Massacre à la tronçonneuse 3. Ce film jouit de l’aura acquise au fil du temps par le film original réalisé par Tobe Hooper, et peut encore susciter l’intérêt des spectateurs du fait de la faible fréquence de ses suites. Pour ce troisième épisode, Jeff Burr ambitionne de revenir aux recettes de l’original, à savoir une ambiance putride et morbide, et de mettre un frein aux délires gores de Massacre à la tronçonneuse 2.
Michelle et Ryan traversent les États-Unis dans le but de ramener leur voiture au père de la jeune femme. Un trajet durant lequel les deux jeunes gens n’ont de cesse de se chamailler alors qu’à la faveur de ce périple, ils caressaient l’espoir de raviver les liens de leur couple qui bat de l’aile. Leur rencontre nocturne avec un maniaque à la tronçonneuse sur une route déserte du Texas aura tôt fait de ramener leur dispute à sa vacuité.
Massacre à la tronçonneuse 3 s’ouvre par un texte dont la lecture incite à remettre le film en perspective. Ce texte revient sur les événements relatés lors de Massacre à la tronçonneuse premier du nom et réécrit l’histoire en occultant purement et simplement les événements qui se sont déroulés dans Massacre à la tronçonneuse 2. Il apparaît ici que Sally, survivante du carnage de 1974, est morte dans une clinique privée en 1977, et que le présumé tueur auquel elle avait été confrontée à été condamné à la chambre à gaz en 1981. Ce court texte introductif marque très clairement la volonté de revenir aux sources du mythe. Nous ne verrons pour ainsi dire aucunes traces réelles de civilisation, passé un barrage autoroutier consécutif à la découverte d’un charnier dans un marais à proximité de la route. La station-service à laquelle s’arrête le jeune couple ne constitue qu’un trompe-l’oeil de civilisation, leur cause étant déjà entendue. Symboliquement, le barrage mis en place par la police locale s’apparente aux portes de l’enfer. En le franchissant, Michelle et Ryan s’avancent vers une mort certaine, une mort protéiforme, qui peut aussi bien être représentée par un cow-boy au visage avenant (Viggo Mortensen lors de ses tonitruants débuts) que par une fillette à l’air innocent. Cependant, sa forme la plus efficace demeure ce grand échalas affublé d’un masque de cuir qui, dans un souci de modernité et pour plus d’efficacité, a troqué l’habituelle faux pour une rutilante tronçonneuse. Bien qu’il oeuvre toujours en famille, Leatherface reste la figure emblématique de cette série, ce qui lui vaut les honneurs d’un troisième film qui porte son sobriquet. Il gagne définitivement ses galons de croquemitaine à l’issue d’un film qui a fini par complètement échappé à Jeff Burr, son réalisateur.
Propulsé sur le tournage au dernier moment, il n’a eu que peu de latitude pour réaliser un film dont il puisse être fier. C’est que désormais, les droits de la franchise sont la propriété de la New Line, spécialiste des sagas horrifiques depuis l’avènement de Freddy Krueger dans Les Griffes de la nuit, et qui met un point d’honneur à ajouter dans son giron tout ce que le cinéma fantastique compte alors de figures emblématiques (Jason en fera également les frais). La firme ne peut donc pas se permettre de mettre un terme aux agissements d’une probable poule aux oeufs d’or, et arrange une fin qui apporte une touche de surnaturel à un personnage qui tirait jusqu’alors son potentiel horrifique de sa sordide réalité. Une faute de goût dont la firme est coutumière et qui ne la tracasse nullement. Dans un tel contexte, Jeff Burr tente de coller à sa vision du mieux qu’il peut. Il ne s’attarde guère sur les scènes sanglantes (ce qui n’a pourtant pas empêché la censure de frapper) au profit de la famille cannibale, riche de cinq membres (six, si on compte le grand-père défraîchi). Pourtant, les passages qui les mettent en scène ne se démarquent guère de ce que Tobe Hooper avait pu faire par le passé. Jeff Burr nous gratifie d’un énième repas familial saupoudré des inévitables disputes entre les différents membres, le tout sous les yeux larmoyants de Michelle, impuissante spectatrice. A noter la pitoyable prestation de son interprète, Kate Hodge, dont les pleurs et les cris qui ne manquent pas d’attirer la caméra, insupportent lourdement. Les seuls changements notables que Jeff Burr apporte concerne Leatherface lui-même, dépeint comme un enfant dans un corps d’adulte, adepte du caprice et peu habile aux jeux d’éveil.
Les raisons de se réjouir se font rares tout au long de ce troisième opus. Massacre à la tronçonneuse 3 souffre de personnages inutiles -en tête desquels figure une ancienne victime de la famille qui tarde à prendre ses jambes à son cou- et d’une tonalité d’ensemble qui hésite constamment entre l’hommage au glorieux aîné ou l’ébauche d’une ambiance qui lui est propre. Heureusement, Ken Foree, en bon professionnel du genre horrifique, nous offre une belle séquence de tir à vue, et d’une non moins belle réplique que je ne peux m’empêcher de partager avec vous. Alors qu’il lutte vaillamment contre l’un des frères de Leatherface, il ne peut s’empêcher de l’interroger sur leurs motivations réelles :
-“Mais pourquoi faites-vous ça ?
–On a faim.
–Et les pizzas ?“
Voilà, ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais cette petite touche surréaliste a suffi à m’arracher un sourire. C’est toujours ça de pris, et puis cela me permet de conclure ce texte sur une note positive. On a les artifices qu’on peut.