La Vallée de la mort – Dick Richards
Death Valley. 1982.Origine : États-Unis
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Billy et son père passent une merveilleuse journée à New York. Une journée que l’enfant ne voudrait jamais voir se terminer. Or toutes les bonnes choses ont une fin, à plus forte raison lorsque vos parents sont divorcés. Dès le lendemain, Billy doit accompagner sa mère en Arizona, où il va faire la connaissance du nouveau-petit ami d’icelle et probable futur beau-père, l’ancien camarade de classe Mike. Au programme des vacances, Mike propose la traversée de la vallée de la mort et la visite de sa ville-musée, Frontier Town, reconstitution d’une ville au temps de l’ouest sauvage et des cowboys. Une destination qui semble peu enthousiasmer l’enfant, plutôt distant avec le nouvel amoureux de sa mère. Une fois à Frontier Town, Billy finit par se prêter au jeu et à véritablement s’amuser. Manque de bol, c’est ce moment qu’un tueur choisit pour le poursuivre de ses assiduités. L’enfant paye pour sa curiosité, lui qui le temps d’une halte, s’était aventuré à bord d’un camping-car abandonné dans lequel il avait ramassé un pendentif. Bijou qui appartient au tueur et que ce dernier a perdu après avoir zigouillé tous les occupants du véhicule. Loin de se douter de la menace qui pèse sur son enfant, Sally est bien décidée à s’accorder du bon temps avec son petit-ami.
Réalisé par le peu mémorable Dick Richards (une poignée de films parmi lesquels on trouve le western La Poussière, la sueur et la poudre, la comédie dramatique Rafferty et les auto-stoppeuses, ou encore le guerrier Il était une fois… la légion), La Vallée de la mort a semble t-il marqué les esprits des rats de vidéoclubs par son affiche évocatrice. C’est en tout cas ce qu’avance Julien Comelli, l’intervenant de “La Vallée a des yeux”, supplément présent dans l’édition en combo blu-ray+dvd que nous devons à Elephant Films. A une époque où le slasher, et l’horreur en général, faisaient florès, le visuel de La Vallée de la mort agit comme une promesse. La promesse d’une horreur qui ne s’embarrasse pas de considérations morales, allant jusqu’à emporter un enfant dans son ballet infernal. Pour ma part, je trouve à l’affiche un petit côté dérangeant. Ce visage d’enfant au premier plan trahit un aspect factice que sa bouche grande ouverte rapprocherait d’une poupée gonflable, dont on a tous une petite idée de l’utilisation. Le tueur qui se reflète dans le verre de ses lunettes prend alors l’allure d’un pervers de la pire espèce, garantissant d’un film encore plus sombre et tendancieux que prévu. Dick Richards ne s’aventure bien évidemment pas sur ce terrain là. Et s’il est bien question d’un enfant pris pour cible par le tueur, La Vallée de la mort n’entretient que de lointains rapports avec le film d’horreur. Sans qu’il y ait réellement tromperie sur la marchandise, le film surprend en se concentrant sur Billy, garçonnet qui éprouve les pires difficultés pour appréhender le divorce de ses parents et le fait que sa mère refasse sa vie. Une manière de marcher dans les traces de Kramer contre Kramer mais en se focalisant sur le point de vue de l’enfant.
Il est toujours délicat de confier le rôle principal à un enfant. Cela peut devenir un véritable casse-tête pour le réalisateur entre les sautes de concentration et les horaires contraignants du jeune comédien. Au moment de tourner dans La Vallée de la mort, Peter Billingsley, alors âgé de 9 ans, était coutumier des plateaux. Publicitaires pour l’essentiel permettant à son visage poupin d’être connu dans tout le pays, mais également de cinéma avec déjà trois films au compteur depuis 1978. Ici, il offre une composition mi figue mi raisin. Suite aux au revoir déchirants avec son père en préambule du récit, il promène en présence de sa mère un air absent, son visage ne s’animant enfin que lors de sa visite de Frontier Town. Tout sourire, il déambule colt au poing dans les artères de la ville et les allées de son musée répandre sa propre justice. Une embellie de courte durée puisqu’il replonge dès son retour à l’hôtel, le visage collé à un écran de télévision diffusant un vieux western aux dialogues signifiants. Une attitude qu’on peut mettre sur le dos de sa peur de l’abandon mais qui perdure au plus fort du danger. Au-delà de l’extrême sang-froid dont il fait preuve face à l’irruption du tueur – pas un cri, pas un pleur et une étonnante capacité à la débrouillardise sous la pression – son attitude se caractérise par une forme de nonchalance dont les déplacements paraissent uniquement dictés par les directives du réalisateur. Plus qu’à un film d’horreur, ces séquences évoquent le domaine du conte, mais un conte édulcoré, avec ce tueur en mode grand méchant loup facilement mis en échec. L’important ne tient pas tant à la personnalité et aux capacités du tueur, aux abonnées absentes, qu’à ce que cette menace inattendue induit. La famille occupe le centre des débats. Face au divorce de ses parents, Billy se demande qu’elle est sa place. Il craint de “n’être qu’une image” comme il s’en inquiète auprès de son père. De moins compter alors que s’ouvre la promesse d’une vie nouvelle pour ses deux parents. De son côté, Mike fournit de grands efforts, si ce n’est pour être accepté (il ne s’agit là que de leur première rencontre, après tout), au moins pour être un minimum considéré par Billy. Entre celui qui en fait trop – Mike – et celui qui oppose un profond désintérêt – Billy -, la communication passe mal. L’intervention du tueur va donc servir de déclic. Un événement providentiel dont l’heureuse conclusion – qui ne fait aucun doute – permet à Mike de valider son statut d’homme responsable (il n’a pas hésité à se jeter dans la gueule du loup pour sauver l’enfant) et à Billy d’être pleinement rassuré. Oui, sa mère tient toujours à lui, et Mike pourrait très bien faire un beau papa.
Le parti-pris du film a de quoi décontenancer. Mais après tout, nous ne sommes pas là pour juger des intentions. On peut en revanche disserter sur la manière. Narrativement parlant, La Vallée de la mort apparaît peu maîtrisé. Dick Richards a recours à de nombreuses grosses ficelles qui nuisent à la cohérence de l’ensemble. Passons sur la raison un peu légère qui motive le tueur à pourchasser Billy. Après tout, ses actes meurtriers n’ont à répondre à aucune autre logique que celle de sa folie homicide. L’irruption du shérif dans sa demeure s’avère plus problématique. Alors qu’il semble le soupçonner de longue date d’être l’auteur de plusieurs meurtres commis ces dernières années, il débarque là-bas la fleur au fusil, sans renfort et sans avoir prévenu quiconque au sein de son service. Sa disparition soudaine n’inquiétera pas davantage ses collègues. Ce qui est bien pratique pour tenir éloignées les forces de police de la chasse à l’enfant qui s’engage. Et le plus drôle survient lors du dernier acte, lorsque Sally et Mike réussissent l’exploit d’arriver à la maison du tueur avant lui alors qu’ils sont partis après et, surtout, sans connaître le coin. A croire que la peur ne donne pas seulement des ailes mais également un sens aiguisé de l’orientation. Des scories qu’on pourrait aisément passer sous silence si les scènes avec le tueur étaient réussies. Or, hormis une belle photographie nocturne que l’on doit à Stephen H. Burum, celles-ci souffrent d’un patent manque de tension. Faut-il le préciser, le tueur ne brille pas par son intelligence. A l’aise lorsqu’il s’agit de surprendre ses victimes, il paraît emprunté dès que celles-ci lui font face. En outre, il trouve le moyen d’être surpris par sa propre disposition des meubles. A ce niveau-là, nous sommes en présence d’un cas d’école. Certes, il n’est pas rare que les tueurs de ce type de film déploient ce côté un peu balourd. Néanmoins, il compense en général par leur côté bulldozer et/ou un aspect iconique. Rien de tel avec celui de La Vallée de la mort, lequel agit à découvert. Et ce n’est pas le rebondissement final – téléphoné – qui va contribuer à le rendre mémorable. Dick Richards passe ainsi à côté de toute la dimension horrifique de son film et, ultime faute de goût, exploite fort peu ses paysages naturels. L’essentiel des interactions entre le tueur et la sainte famille se déroule dans des intérieurs douillets (des chambres d’hôtel, un salon), au bord d’une piscine ou dans l’habitacle d’une voiture. Du gâchis. A cela s’ajoute le non-jeu de Paul Le Mat, incapable d’exprimer une quelconque émotion. Même une balle dans le bras échoue à le sortir de sa torpeur. Il promène ainsi son air impassible de scène en scène, esquissant seulement un vague sourire à la perspective de passer la soirée en tête-à-tête avec sa belle mais sans que l’on ressente une vague d’amour le submerger. Il en deviendrait presque le personnage le plus inquiétant.
Ni vraiment drame familial, ni vraiment slasher, La Vallée de la mort s’avance en objet hybride, finalement jamais meilleur que lorsque le réalisateur s’attarde sur cette vieille guimbarde que Billy retrouve constamment sur son chemin, et dont le conducteur reste à l’état de silhouette. L’ombre de Duel plane alors sur le film de manière aussi fugace que trompeuse. Dick Richards ne possède pas le bagage technique d’un Steven Spielberg, ni son sens de l’espace. Son film d’horreur grand public navre plus qu’il n’impressionne. On peut néanmoins s’amuser de certains détails, comme cette nounou plus intéressée à l’idée de se goinfrer de barres chocolatées que de s’occuper du gamin, ou ce même gamin qui retrouve le sourire lorsque de faux cowboys s’entretuent, regrettant sans doute que son colt à lui ne soit pas chargé pour participer à la fête. Le scénario se chargera par la suite de combler ce manque.