La Horde – Yannick Dahan et Benjamin Rocher
La Horde. 2009Origine : France
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Yannick Dahan est surtout connu en France pour sa participation au magazine Mad Movies et son émission Opération Frissons. Émission dans laquelle le journaliste cinéphile passe au crible l’actualité du cinéma dit de genre avec force bon mots et autres anglicismes de son cru. Il n’a cependant jamais caché son envie de passer derrière la caméra et de réaliser à son tour un film. Cela ne s’est pas fait sans peine, mais il y est finalement parvenu, notamment avec l’aide des frères Rocher (Benjamin pour la mise en scène et Raphaël pour la production).
Son film suscitait une grande attente parmi les fans français du genre, qui désespèrent toujours de voir « enfin un bon film de genre français » malgré de nombreuses tentatives qui ne mettent personne d’accord. Dahan s’est d’ailleurs beaucoup appuyé sur ce public pour la création de son film (via un appel aux fans pour engager des figurants, et un second pour participer financièrement à la production du film.) Pour ma part je ne fait partie ni des figurants ni des producteurs, mais je suis quand même bien content de voir ce type de projet naître, que ce soit en France ou ailleurs. En effet La Horde a tout du projet alléchant pour le fan de films de genre.
Le film raconte comment quatre policiers décident d’aller faire une descente dans un HLM pourri afin de venger la mort de l’un des leurs. Mais l’assaut se passe mal, et alors que flics et tueurs sont face à face, des zombies affamés débarquent. Pour faire face à cette nouvelle menace, les deux camps antagonistes devront s’allier s’ils veulent survivre…
Le pitch de La Horde évoque autant Une nuit en enfer de Robert Rodriguez que Assaut de John Carpenter. Mais au final le film ne ressemble à aucun des modèles qu’il prend pour référence, au contraire il se rapproche grandement d’un Premutos avec (presque) plus de budget et (presque) plus de sérieux. En tout cas la démarche est la même, ainsi La Horde ne propose rien d’autre que du démastiquage musclé et gore et rigolo de zombies. Et la principale différence qui existe entre les deux films réside dans les ambitions de leurs réalisateurs respectifs. En effet, alors que Olaf Ittenbach assume totalement la simplicité et la gratuité totale de son massacre de zombies et donne a son film un aspect second degré qui fonctionne jusqu’au générique (et le fameux body count), Dahan et Rocher restent eux très premier degré et tentent à tout prix de hisser leur film vers des cimes « Carpenteriennes » qu’il n’atteindra jamais. A savoir que tous les efforts des deux réalisateurs pour créer des personnages ambigus (voir même des personnages tout courts diront les mauvaises langues) sont complètement déservis d’une part par le jeu des acteurs et d’autre part par les velléités « bad-ass » de Dahan.
Et le film oscille sans arrêt entre deux axes contradictoires avec d’un coté l’envie de faire un film réaliste dans son déroulement et sérieux dans son approche du genre, et de l’autre de faire un film fun ultra-esthétique et ultra-codifié.
A la vision du film, on sent immédiatement que les deux réalisateurs ont tenté de faire quelque chose de très sérieux et très premier degré, construit sur des personnages antagonistes mis dans une situation de huis clos et sur une critique sociale sur le sort des banlieues. Cette volonté trouve sans doute racine dans l’amour manifeste que porte Dahan pour les films de George Romero qui constituent le mètre-étalon en matière de films de zombies. Pas étonnant donc de voir dans La Horde de nombreuses références à La Nuit des morts vivants et surtout à Zombie. Outre les références on retrouve dans La Horde le même schéma narratif construit sur un petit nombre de personnages qui se retrouvent ensemble cernés par les zombies. Mais toutes les tentatives de faire aller cette histoire au delà de ce canevas scénaristique restent vaines, et la caractérisation des personnages n’aboutit que sur la création de stéréotypes très marqués tandis que de la critique sociale, on n’en a même pas une ébauche dans le film, qui se désintéresse complètement d’un quelconque contexte social et ne tente jamais de faire des analogies avec la réalité. En fait il apparaît clairement que le film manque totalement de subtilité. C’est loin d’être un mal, bon nombre de films d’action tirent leur réussite d’une histoire basique et directe. Mais pourquoi alors vouloir a tout prix nous faire croire à l’existence d’un propos social? Il y a bien ces quelques lignes de dialogues sur le sort des habitants des HLM, mais elles ne trouvent aucun échos dans le déroulement de l’intrigue, et au final, l’histoire aurait pu se passer n’importe où ailleurs qu’elle n’en aurait pas été changée.
Et pourquoi insérer tout ces tunnels de dialogues qui n’épaississent jamais les personnages? Ils ne sont prétextes qu’à une avalanche de bons mots par ailleurs très Dahan-esques (voir n’importe quel épisode de Opération Frisson) qui ne font qu’enfermer les personnages dans l’idée qu’on s’était fait d’eux dès leur apparition. En outre, les acteurs en roue libre en font tous des tonnes, ce qui les enfonce encore d’avantage dans leurs personnages caricaturaux.
Et le film souffre gravement de l’approche réaliste qu’ont tenté de mettre en place les deux réalisateurs. Cela pouvait fonctionner dans les films de Romero parce qu’il s’était donné les moyens de le faire, aussi bien par le scénario que par tout les autres aspects du film, acteurs, mise en scène, etc. Mais dans le cas de La Horde, le film est bien trop marqué par la volonté de faire un film Bis féroce pour qu’une approche sérieuse ne soit pas fatalement vouée à l’échec. Le gros Ittenbach avait compris que son film avait un potentiel limité, mais il s’en sortait en misant tout sur ce que le spectateur était venu voir, tandis que Dahan et Rocher tentent de taper sur tout les tableaux et en ratent la moitié.
Heureusement, l’aspect « actionner bourrin » du film reste lui parfaitement réussi. Paradoxalement pour exactement les mêmes raisons qui font que la partie réaliste du film échoue. En effet, l’abandon très rapide de la satire sociale permet au film de se concentrer sur son action, tandis que les stéréotypes icônisent à mort les personnages qui deviennent tous des héros « over the top », à l’héroïsme et au sens du sacrifice exacerbés. Et c’est finalement en alignant les clichés et les scènes de bravoure que les meilleures scènes de La Horde se construisent. Depuis sa création, le film de genre se nourrit de clichés et de stéréotypes, on a beau les appeler des « codes du genre », ce sont des clichés, le baraqué qui meurt en hurlant, les lâches qui se font avoir, etc. tout ces stéréotypes font parties des choses divertissantes que les spectateurs payent pour voir, et des archétypes du genre dans lesquels les fans se reconnaissent. Or Yannick Dahan, avant d’être un réalisateur et un critique, c’est avant tout un “fan boy”. Et passer derrière la caméra ne pouvait pas signifier autre chose que se faire plaisir. En faisant son film il a ainsi pensé à lui, aux 300 fans qui se sont déplacés pour jouer les zombies, aux 470 donateurs qui ont aidé à produire le film, et à tous les spectateurs qui iront voir le film au cinéma. Alors il se lâche. Et ses héros ont un langage fleuri digne de Audiard, castagnent du zombie à grand coups de machette, de couteau, de hache, de pied-de-biche, de flingue, de fusil, de mitrailleuse, et le sang gicle jusqu’au plafond tandis qu’il y a toujours un personnage pour souligner l’action d’une petite sentence de Buddy Movie. Généreux, le film offre de beaux morceaux de bravoure complètement clichés, mais d’une efficacité indéniable: comme ce passage tout droit sortit d’un comic book de super héros ou l’un des personnages du film se retrouve cerné par une horde de zombies, avec pour seul objectif d’en buter le maximum avant de mourir héroïquement en criant « enculéééés » ou ces nombreuses bastons à mains nues contre des zombies où les héros couverts de sang et de sueur défoncent les têtes des morts-vivants à coups de couteau, cendrier, frigo, pilier en béton, bref, tout ce qui leur passe sous la main.
Du coté des acteurs, tous peuvent être sans conteste considérés comme des gueules du cinéma français, depuis l’inévitable Joe Prestia jusqu’à Jean-Pierre Martins et son cou de taureau en passant par Eriq Ebouaney et sa dégaine de truand tout droit sortie d’une blaxploitation des 70’s. Leurs personnages sont tous irréalistes mais terriblement cinématographiques, mention spéciale au personnage de René, incarné par Yves Pignot, sorte de croisement bedonnant et raciste entre Charles Bronson, Philippe Nahon et Philippe Noiret dans Le Vieux Fusil !
Si cette dimension du film fonctionne c’est également parce que tous les efforts de la mise en scène vont dans ce sens. Et le montage comme la réalisation insistent énormément sur l’aspect complètement fantastique et irréaliste de l’histoire, ce qui condamne par ailleurs les volontés de créer quelque chose de sérieux. Je ne veux pas dire que faire un film d’horreur sérieux devient impossible dès que l’on introduit des éléments fantastiques comme les zombies dans l’histoire, au contraire, mais que la mise en scène de La Horde a été pensée pour donner à tout le film une teinte irréaliste. Et le fantastique ici naît moins de l’apparition des zombies que du travail du metteur en scène, du cadreur et du directeur de la photo. Les plans larges lors des actes de bravoure, l’apparition très soignée et calculée des personnages (comme le tout premier zombie par exemple, dont l’arrivée et totalement théâtralisée, passant par différents stades: des bruits derrière la porte, une main qui surgit, un personnage qui se fait attaquer hors champs et enfin l’entrée dans le champs, le torse bombé et le visage partiellement masqué), le jeu des éclairages et des ombres très noires, et la teinte ocre et rouge de l’image font de La Horde quelque chose qui appartient indéniablement au « cinéma fantastique », dans le sens d’opposé au « cinéma du réel ». Dahan et Rocher on construit leur film pour montrer des choses qui n’existent pas, aussi bien dans l’apparition des morts-vivants que dans les réactions et les attitudes des personnages. Et c’est ainsi que le sur-jeu des personnages prend tout son sens. Et bien loin d’être un handicap pour le film, la gouaille irrésistible des personnages fait partie des leviers de mise en scène qu’utilisent les réalisateurs pour faire fonctionner leur film. Et dès lors, avec un tel parti pris, toute ambition réaliste est évidemment vouée à ne pas marcher à l’écran.
Du reste la mise en scène est plutôt soignée, même si plutôt inégale. De nombreuses maladresses subsistent dont la principale est l’abus de gros plans, notamment lors des scènes de combats, où l’action devient alors difficilement lisible. Pour autant le film ne souffre pas du syndrome désastreux de la « Shaky Cam » et reste tout à fait visible. Les quelques fautes dans la réalisation son assurément imputables au manque d’expérience de Yannick Dahan en matière de mise en scène. Et parions que ces maladresses ne passerons pas le cap du premier film. D’autant qu’il y a de très belles choses dans le film, tout particulièrement la saisissante scène d’introduction, complètement cinématographique et qui n’est pas sans évoquer les meilleurs moments du western.
Au final, La Horde reste un film bancal qui souffre principalement de sa construction narrative: pensée comme pour un film très premier degré et laissant bien trop de place à des personnages qui n’ont pas l’épaisseur psychologique nécessaire à la remplir, la narration souffre de passages à vides dans lesquels les acteurs tentent tant bien que mal de s’en sortir. Le film aurait gagné à être bien plus extrémiste dans son idée et offrir des scènes d’action bien plus nombreuses. Reste que ce qu’offre Dahan et Rocher aux spectateurs est suffisamment nerveux et varié pour remporter tout de même l’adhésion, à condition de ne pas être trop exigeant. L’humour corrosif, les dialogues sentencieux, la violence des combats et surtout l’abondance de gore compensent les faiblesses narratives à mes yeux en tout cas. Et je croise les doigts pour que le prochain film de Yannick Dahan aille encore plus loin dans la démesure.
Il y a le nouveau film de Guillaume Nicloux, La Tour, qui vient de sortir et les retours critiques ne sont pas brillants. Que ce soit des zombies ou Les ténébres qui encerclent un immeuble, ça a pas l’air de marcher pour le cinéma de genre francais.
Il y a 15 ans que le cinéma coréen investit le genre fantastique, thriller, horreur et il nous dépasse en tous points: Memories of Murder, J’ai rencontré le diable, The Chaser, Old Boy, A Bittersweet Life, The Strangers, Sympathy for Mister Vengeance, Dernier train pour Busan, The Murderer, Battleship Island, Le Bon, la Brute et le Cinglé, Sea Fog : Les Clandestins, 2 Sœurs, Hard Day (dont un remake francais est sorti avec Franck Gastambide sur Netflix), Tunnel, Midnight Silence, etc….
Ce n’est même pas la moitié de ce qu’ils ont produit, mais par rapport au cinéma français, il y a des masterclass. Comment un cinéma Coréen arrive à nous dépasser, voire meme à dépasser le cinéma Américain qui commence a faire des remakes de film coréen comme Dernier Train pour Busan qui devient The Last Train To New York ?