La Dernière chasse – Richard Brooks
The Last Hunt. 1956Origine : Etats-Unis
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Ce film retrace la rencontre de deux hommes que à priori tout oppose. Le premier, Charlie Gibson (Robert Taylor), est un homme violent pour qui tuer est aussi naturel que respirer. Après avoir massacré les Indiens, il décide de faire fortune en chassant le bison. Le second, Sandy McKenzie (Stewart Granger), est un célèbre chasseur de bisons reconverti dans l’élevage de bétail. Le hasard les faits se rencontrer lorsque McKenzie voit son troupeau dévasté par une horde de bisons. Gibson parvient ainsi à le convaincre de s’associer avec lui afin de revendre le plus possible de peaux de bisons, ce qui à terme lui permettra de se reconstituer un cheptel. Les voilà donc partis aux trousses des bisons, accompagnés de “Jambe de bois” (Lloyd Nolan), vieux compagnon de chasse de McKenzie et d’un jeune métisse (Russ Tamblyn). Bientôt, leur route croisera celle d’une Indienne (Debra Paget) et de son enfant, rencontre qui mettra à mal leur fragile association.
A travers cette chasse aux bisons, Richard Brooks évoque en filigrane le problème indien. Car à travers le massacre des bisons, c’est du massacre des Indiens dont il est question. Le premier entraînant fatalement le second, le bison constituant la principale source de subsistance des indiens, leur fournissant de quoi manger, se vêtir… Charlie Gibson s’en moque de tout ça. Lui tout ce qui l’intéresse, c’est l’argent que peut lui rapporter les peaux. C’est une machine à tuer qui, faute de guerre à mener, se consacre désormais aux bisons. Ce personnage pourrait être des plus antipathiques par ce côté primitif, mais il se révèle plus complexe qu’il n’y paraît. C’est un homme désespérément seul, qui voit en cette association un moyen de vivre au sein d’un groupe. L’attitude de défiance de Sandy a beau l’irriter au plus haut point, il ne peut se résoudre à s’en séparer tant il a besoin de sa présence. Il est partagé entre son désir de tout dominer et son irrépressible envie de faire partie d’un groupe, d’être accepté. Bien qu’il fasse des efforts en ce sens, l’arrivée de l’indienne au sein du groupe va exacerber son côté rustre. Il ne voit en elle qu’une indienne apte à assouvir ses besoins charnels, et il n’hésite pas à la rudoyer pour obtenir ses faveurs.
Face à lui, Sandy McKenzie cherche absolument à fuir sa condition de chasseur de bisons. Bien qu’il ait replongé dans ce bain de sang, il l’a fait à contre cœur et il renie de plus en plus l’homme qu’il a été. Il lui est de plus en plus insupportable de tuer ces bêtes qu’il a contribué à exterminer. Très vite, il condamne les agissements de Gibson, mais il est trop lâche pour l’empêcher d’agir. A ce titre, la bagarre dans le saloon illustre à merveille les tourments de ce personnage. Incapable d’affronter directement Gibson, il provoque des inconnus pour apaiser sa rage. C’est finalement l’affection qu’il porte à l’Indienne qui lui permettra de faire enfin son choix.
Partant d’un postulat au manichéisme assumé, Richard Brooks décrit les tourments d’un pays partagé entre son envie d’aller de l’avant et ses vieilles habitudes destructrices issu du passé, dont le personnage de l’indienne sert de catalyseur. Gibson n’y voit qu’un sous-être juste bon à être utilisé à des fins personnels avant de s’en débarrasser, alors que McKenzie souhaite oublier les massacres, comprenant que le monde change et que les relations avec les Indiens doivent changer aussi. Il n’est plus question de se détruire mutuellement mais d’œuvrer dans le même sens, dans un respect mutuel. Gibson ne comprend pas cela, et il finira seul malgré de vains efforts, lors d’un plan saisissant qui semble avoir durablement marqué Stanley Kubrick, comme en atteste le final de Shining.