La Dame rouge tua sept fois – Emilio Miraglia
La Dama rossa uccide sette volte. 1972Origine : Italie / R.F.A.
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La petite Eveline Wildenbruck aime à persécuter sa sœur Kitty. Une de leur querelle, particulièrement violente, les amène devant un tableau représentant une femme vêtue de rouge sur le point d’être assassinée par une femme en noir. Leur grand-père raconte alors aux fillettes l’histoire de ce tableau, point de départ d’une malédiction familiale qui se manifeste tous les cent ans : la légende veut que la dame en noir ait assassinée sa sœur et que celle-ci soit revenue d’entre les morts dans sa tunique rouge pour assassiner à son tour sept personnes de l’entourage de sa meurtrière, achevant sa tâche par la dame en noir elle-même.
Une dizaine d’années plus tard, la malédiction tant honnie par le grand-père semble se répéter : Eveline est morte, assassinée par Kitty (Barbara Bouchet) avec la complicité de sa seconde sœur Franziska (Marina Malfatti) et du mari de celle-ci. Les meurtres vont alors frapper l’entourage de la belle blonde, à commencer par le riche grand-père, retrouvé mort de peur, qui laisse un joli héritage à ses petits filles. Le second meurtre frappera le patron de Kitty, ce qui propulsera Martin (Ugo Pagliai), l’amant de celle-ci, à là la tête de l’entreprise vestimentaire Springe. Alors : simple histoire d’héritage et de complot ou malédiction ancestrale ? Les témoins sont en tout cas formels : une dame en rouge a été vue au moment de chaque meurtre.
La Dame rouge tua sept fois est un de ces gialli à la trame alambiquée comme il se doit, avec un nombre pléthorique de personnages mêlés à une affaire de meurtres qui les plaçera à un moment ou un autre dans une position de suspects et / ou dans une position de victimes potentielles, avec une histoire familiale d’autant plus complexe qu’elle se trouve mêlée à une histoire de magouilles industrielles sur fond d’affaires sentimentales (c’est marrant : le patron d’origine comme son successeur ont tous deux plusieurs maîtresses, parfois les mêmes ! Autant vous dire tout de suite que tout le monde a quelque chose a gagner ou à perdre en fonction de l’identité des victimes !), avec ces policiers obtus qui tournent en rond… Ce n’est donc pas à ce niveau là qu’il faudra rechercher l’originalité. Malgré tout, Miraglia se débrouille admirablement bien avec cette intrigue très dense, réussissant le tour de force de la rendre compréhensible là où beaucoup de réalisateurs se cassent les dents et ne réussissent qu’à perdre le spectateur en cours de route. Il faut dire qu’il sût se montrer malin en plaçant son film dans le milieu de la mode, ce qui nous vaut donc la présence de nombreuses beautés capables d’intéresser le spectateur de bon goût telles que Barbara Bouchet, bien entendu, puisqu’il s’agit de l’héroïne, mais aussi de Sybil Danning en tentatrice ennemie de Kitty et de plusieurs mannequins nettement moins imbéciles que dans les slashers américains (point d’idiots possibles dans un film où la manipulation et le calcul dirigent les actes du tueur !). Quelques unes ces charmantes demoiselles insufflent de temps à autre un soupçon d’érotisme, moindre que dans de nombreux autres gialli mais toujours bienvenu.
Si dans l’ensemble le film d’Emilio Miraglia se contente donc d’être un giallo conventionnel quoiqu’habilement mené, il n’est pourtant pas sans posséder quelques ingrédients plus novateurs, comme par exemple sa volonté de faire douter de l’identité du tueur, qui peut être aussi bien un tueur de chair et de sang dissimulé sous la tunique rouge d’une dame légendaire que cette dame rouge elle-même, revenue des morts pour commettre des meurtres (très violents, d’ailleurs). Le réalisateur, également co-scénariste du film, ne ferme ainsi jamais la porte au fantastique. C’est pourquoi il a parfois recours à une imagerie gothique, avec le vieux château des Wildenbruck et ses zones d’ombres, avec sa peinture à l’origine de la légende, et même avec une panne d’électricité forçant les personnages à s’éclairer à la chandelle. Miraglia fait ainsi écho à son film précédent, The Night Evelyn came out from the grave, déjà marqué par le gothique (et par son “Evelyn”). Ces scènes sorties de la tradition gothique italienne sont mises en contraste avec celles qui nous place davantage sur la piste d’une fausse Evelyn, résolument modernes voire sophistiquées, dans le milieu de la mode. Il en va de même pour les indices, semblant parfois contradictoires : si le cadavre d’Eveline (morte par noyade) ne bouge pas de sa crypte, en revanche la dame en rouge se montre en chair et en os, et il s’agit bel et bien d’une femme, brune comme le fut Kitty. Toutes les autres femmes étant blondes ou châtains, le doute n’est pas permis. Ce sont ces contradictions ainsi que le terrible secret de l’assassinat d’Eveline (officiellement partie aux États-Unis) qui conduiront Kitty à la panique (et le dénouement au grotesque). Miraglia n’est pas tendre avec son héroïne, lui faisant même subir un viol par un maître chanteur décidément crapuleux. Le rôle de Kitty, basé sur les tourments et les doutes, se révèle d’ailleurs un peu au delà des compétences d’actrice de Barbara Bouchet, plus rompue aux interprétations de femmes fatales (elle progressera tout de même au fur et à mesure de sa filmographie).
Malgré ses quelques défauts, malgré son intrigue classique, La Dame Rouge tua sept fois dispose de plusieurs bonnes idées ainsi que d’une certaine beauté esthétique (incluant aussi une très bonne bande originale signée Bruno Nicolai) qui permettent de faire pencher la balance dans un sens positif. De quoi regretter qu’il s’agisse du tout dernier film réalisé par Emilio Miraglia, qui depuis semble avoir arrêté le cinéma (après n’avoir occupé les fonctions de réalisateur que six fois). Mais ses films n’ont pas été oubliés, témoin ce coffret DVD américain regroupant The Night Evelyn came out of the grave et La Dame Rouge tua sept fois vendu avec la figurine de la Dame Rouge.