CinémaPéplum

L’Aigle de la neuvième légion – Kevin MacDonald

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The Eagle. 2011

Origine : Royaume-Uni / États-Unis 
Genre : Péplum 
Réalisation : Kevin MacDonald 
Avec : Channing Tatum, Jamies Bell, Donald Sutherland, Tahar Rahim…

Marcus Aquila est centurion dans un poste avancé de la province romaine de Bretagne. Il décide de franchir le mur d’Adrien accompagné de son esclave breton pour tenter d’élucider la disparition de la neuvième légion, et par la même occasion tenter de récupérer l’aigle symbole de Rome que son père, commandant de la neuvième, est accusé d’avoir perdu…

Difficile pour cet Aigle de la neuvième légion de ne pas susciter la comparaison avec le récent, et plutôt très bon au demeurant, Centurion. En effet ces films, anglais tous les deux, traitent du même sujet : à savoir la disparition de la Legio IX Hispana (en latin dans le texte), une légion romaine dont les archéologues ne retrouvent plus de traces et dont la légende veut qu’elle ait été décimée par les pictes dans le nord de l’Angleterre. Enfin, les deux histoires s’attachent à décrire la survie d’un légionnaire seul, ou presque, perdu en territoire ennemi… Beaucoup de similitudes donc, qui risquent de nuire un peu au film de Kevin MacDonald, arrivé après la bataille…
Toutefois les films divergent dans leur traitement : Centurion s’inscrit dans le genre du survival, ce qui se prête plutôt bien à son scénario et donne un dynamisme bienvenu à son histoire parsemée de combats sanglants. Tandis que L’Aigle de la neuvième légion choisi une approche plus cadrée sur la relation entre ses deux personnages centraux ainsi que sur un soin, tout relatif, du réalisme historique.

Et ce n’est guère étonnant de retrouver ces deux thèmes au menu de ce film quand on sait que le réalisateur est Kevin MacDonald. Cet ancien documentariste s’est converti à la fiction avec Le Dernier roi d’Écosse, thriller qui avait pour ambition de saisir la relation ambiguë qui s’était créée entre le dictateur africain Idi Amin Dada et son médecin personnel.
Ici, pas de dictateur, mais Marcus Aquila, un centurion complètement pénétré des idées de Rome, pour qui le courage et l’honneur font office de ligne de conduite. Ce qui l’amène à mettre en œuvre une stratégie militaire courageuse et à se battre aux cotés de ses hommes. De fait il sera rapidement très apprécié de ses soldats. Mais cela l’amène également à commettre quelques actes téméraires de trop, et par exemple se retourner, lance à la main, seul face à un char ennemi lancé à pleine vitesse n’était peut-être pas la meilleure idée de sa carrière. Marcus Aquila en ressort blessé physiquement, et dans son honneur lorsqu’il apprend que Rome salue son courage mais lui octroie un repos forcé. Notre bon centurion enrage de ne pouvoir rejoindre ses légionnaires. Errant dans la villa de son oncle où il se fait soigner ses blessures, et en manque d’actes de bravoure, il saute sur l’occasion quand elle se présente : Quand il apprend, entre deux quolibets sur son père, que l’aigle emblème de la neuvième légion servirait de symbole victorieux à des barbares pictes, il s’empresse d’aller s’aventurer derrière le mur d’Hadrien pour le récupérer… Marcus Aquila est incarné avec conviction par un Channing Tatum dont la carrure physique en impose, et lui impose un jeu d’acteur musclé, qui ne semble pas briller par sa capacité à exprimer les nuances. Son physique de marine américain colle assez bien à ce personnage pétri d’idéaux guerriers. Cela s’accentue encore plus dans la VO où les “yes sir” (sic) évoquent plus l’armée américaine que la légion romaine, quand bien même les sous-titres s’efforcent de corriger le tir et de remplacer “sir” par “centurion” !

Dans la quête d’honneur et de bravoure du personnage, Marcus ne peut s’appuyer que sur un seul secours, celui d’Esca. Un esclave d’origine bretonne auquel Marcus Aquila a sauvé la vie après qu’il ait été impressionné par son attitude courageuse face à un gladiateur. Le jeune esclave noue dès lors une relation particulière avec son maître à qui il doit la vie, et le servir semble ne plus être une contrainte mais presque un sacerdoce. Esca apprendra par la suite au centurion qu’il est le fils d’un chef de clan picte, qui avait une fonction similaire à celle du père de Marcus, et qui plus est a trouvé la mort le même jour, dans la même bataille. Esca est interprété par le jeune Jamie Bell, qui a bien grandi depuis le film Billy Eliott qui l’avait révélé. L’acteur britannique fait en tout cas montre du même talent qu’alors et impressionne par son jeu tout en justesse et en subtilité.

Ainsi, L’Aigle de la neuvième légion jette les bases d’une relation complexe et donc intéressante entre deux hommes très proches que tout oppose finalement. Cette relation se verra développée au cours du périlleux voyage qu’entreprennent les deux hommes, Esca remboursera sa dette de vie à Marcus Aquila plus souvent qu’à son tour, et se dernier sera placé dans une situation similaire à celle d’Esca : il deviendra à son tour l’esclave du picte.
Mais en réalité ce qui fait le sel de cette relation c’est surtout le personnage d’Esca. Il apparaît en effet comme un homme bien meilleur que le centurion romain : capable de pardon et de discernement, sa fidélité se base sur la reconnaissance des qualités de l’homme, qui passent au dessus de sa haine envers Rome, que représente pourtant Marcus Aquila.
Tandis que notre héros romain fera preuve de condescendance et de haine à la moindre occasion, incapable qu’il est de remettre en question la conquête impérialiste de Rome, et de voir dans l’attitude de ses opposants une bravoure similaire à celle des soldats romains. Enfin, il n’hésitera pas à menacer de mort son ami après que les rôles se soient inversés. Et là où l’esclave breton avait su faire preuve de miséricorde, le romain ne voit qu’injustice… La relation entre les deux hommes arrive alors à son paroxysme, la tension est prenante et la situation fait figure de message fort pour le spectateur. Hélas, le réalisateur élude le suspense au moyen d’une série de deus ex machina et d’un enchaînement de facilités scénaristiques qui achèvent de réduire à néant les louables efforts de bâtir cet affrontement entre deux psychologies antagonistes.

Et le réalisateur de nous resservir alors l’éternelle soupe de l’héroïsme, tellement évidente et attendue dans ce type d’histoire, comme s’il avait choisi de prendre finalement le parti du romain benêt plutôt que celui du picte… C’en est très dommageable, d’autant que la mise en scène de Kevin MacDonald s’avère être bien plus belle quand il s’agit de filmer l’affrontement des idéaux et des personnalités que quand il filme des affrontements à l’épée. Ses scènes d’actions se révèlent ainsi totalement ratées par un manque complet de lisibilité. Les axes de prise de vues ne sont jamais clairs, l’échelle des plans réduite à son minimum et le tout est dynamité par des mouvements de caméra incessants qui ne dynamisent rien. C’est assez catastrophique.
Mais le pire c’est que ces travers de mise en scènes ne sont que l’expression la plus voyante d’un problème plus général. Et force est de constater au vu du film que les images peinent vraiment à faire passer une émotion au spectateur, qui ne la trouvera que dans le scénario. En effet, le montage et la mise en scène ici semblent vraiment n’être que d’une triste fonctionnalité. Les dialogues sont platement filmés en champ / contre-champ et en gros plan sans que cela ne traduise les pensées des protagonistes, et les cavalcades dans la nature ont droit à de beaux plans larges qui, s’ils rendent hommage à la beauté des paysages du nord de l’Angleterre, ne parviennent pas à isoler les personnages dans le décor ni à rendre l’hostilité de la nature. Bref tout est mécanique et il manque une réelle vision de metteur en scène qui transcenderait les images en émotions.

Très dommage quand on voit les bonnes idées qui servaient de base à ce film ! Tout n’est cependant pas a jeter, et il subsiste de ces idées dans la relation entre les deux personnages principaux. Il demeure également quelques beaux plans, même s’ils semblent être parfois plus accidentels qu’autres choses, et enfin les acteurs parviennent plutôt à tirer leur épingle du jeu (notamment Tahar Rahim, surprenant en chef picte arborant fièrement une coupe iroquoise) tandis que la musique du film comporte de jolies choses. Mais au final c’est bien un vrai manque d’implication que j’ai ressenti, et malgré toutes les bonnes idées du film, il n’est pas sauvé de la fadeur, la faute à une mise en scène et un scénario qui sont tout simplement menés sans talent.

Bref, la déception est de mise pour cet Aigle de la neuvième légion, et les quelques qualités dont il peut quand même se targuer de posséder ne suffiront pas à me convaincre. Quitte à voir un péplum récent anglais, revoyez plutôt Centurion qui est tout récemment sorti en dvd.

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