CinémaWestern

Joe Kidd – John Sturges

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Joe Kidd. 1972.

Origine : États-Unis
Genre : Western
Réalisation : John Sturges
Avec : Clint Eastwood, Robert Duvall, John Saxon, Don Stroud...

Les Mexicains en ont marre. Marre de voir les colons américains abuser de leur hospitalité et s’approprier leurs terres. Luis Chama décide d’agir. A la tête de quelques hommes, il se rend au tribunal de Sinola dans le but d’enlever le juge, et ainsi faire entendre leur voix. Par un malencontreux concours de circonstances, Joe Kidd, un rude cowboy du coin, se trouve sur les lieux, en attente de son jugement. Ce dernier contrecarre les plans de Chama en empêchant l’enlèvement du juge. Chama et ses hommes quittent la ville gros-jean comme devant ! Néanmoins, cette folle tentative vaut à Chama d’avoir sa tête mise à prix. Un jour, Frank Harlan, un puissant propriétaire, débarque à Sinola et réclame les services de Joe Kidd, pour que celui-ci l’aide à débusquer le gênant mutin.

Tout au long de sa prolifique carrière, aussi bien en tant qu’acteur qu’en tant que réalisateur, Clint Eastwood a abordé à peu près tous les genres. Pourtant, son nom reste indissociable du western, genre qui a définitivement lancé sa carrière pour le propulser au firmament des stars hollywoodiennes. N’étant pas un ingrat, il a largement contribué à sa pérennité en réalisant quelques westerns qui font parties des rares réussites de ces trente dernières années. Cependant, sa seule présence ne suffit pas à rendre un western passionnant, comme en atteste ce film de John Sturges, réalisateur réputé des 7 mercenaires et de La Grande évasion, alors en fin de carrière.

Clint Eastwood interprète le rôle titre, Joe Kidd, un dur à cuire auquel il ne fait pas bon se frotter. Bien que nous le retrouvons au fond d’une cellule au début du film, il n’a rien d’un hors-la-loi. Il possède un ranch, emploie deux personnes pour son bon fonctionnement, et s’habille élégamment. Il paie seulement son franc parler et son non respect des réserves naturelles. Cet écart mis à part, il s’agit d’un cowboy civilisé, profondément individualiste, et qui manie les armes à feu avec dextérité. Il n’a strictement rien à voir dans le conflit qui se joue entre les Mexicains et les riches propriétaires fonciers. D’ailleurs, sa présence est nullement nécessaire au bon déroulement du récit. Le film aurait très bien pu se concentrer sur la lutte sans merci que se livrent Luis Chama et Frank Harlan. Le personnage du leader mexicain aurait ainsi pu être davantage développé, et s’extirper par la même occasion de son statut de pâle imitation du célèbre révolutionnaire mexicain, Emiliano Zapata. A croire que le public aurait été perdu sans la présence d’un personnage positif, dont les agissements vont contribuer à clarifier la situation.

Elmore Léonard, par ailleurs fameux écrivain, use de moyens artificiels pour que Joe Kidd prenne part à l’histoire. Guidé par son tempérament, il préfère effectuer sa peine de dix jours de prison plutôt que partir à la poursuite de Chama en compagnie du shérif. Dans la foulée, il éconduit Frank Harlan, à l’offre pourtant généreuse. Chama ne lui a rien fait, il n’a donc aucune raison de lui en vouloir. Enfin, ce discours ne tient que jusqu’à son retour dans son ranch, où il découvre que ses chevaux ont été volés et l’un de ses employés durement rossé. Chama et ses hommes sont passés par là, mal leur en a pris. Ben oui, maintenant Joe a une bonne raison pour leur botter les fesses à ces cons là ! Voilà pour le prétexte superficiel amenant Joe Kidd à se mêler de ce qui ne le regarde pas. Loin de s’arranger, son inutilité devient plus criante encore lorsque Harlan et ses hommes parviennent à un village sans avoir recours à ses dons de pisteur. A aucun moment, Joe Kidd n’a justifié sa présence au sein des hommes de Harlan. Ce dernier s’en est très bien sorti tout seul pour trouver le village de Chama, avec toutefois le concours d’une des membres des insurgés, et non le concours de Joe. Cette petite virée a juste permis à Joe de se faire une idée plus précise de la personnalité de Harlan. Une preuve que le bougre n’est pas très fin psychologue.

Rares sont les films qui pâtissent à ce point de leur personnage principal. Joe Kidd parasite tout le film de sa présence inadéquate, n’hésitant pas à se substituer à Chama pour la résolution d’un combat qui n’est pas le sien. Sous couvert de faire entendre la voix des Mexicains spoliés, John Sturges dévie petit à petit le sujet pour que le duel final oppose deux Américains pur jus, laissant l’activiste en retrait. Luis Chama se sentait investi d’une mission. Grâce à lui, les droits des Mexicains allaient enfin être respectés. Mais que représente la réhabilitation de tout un peuple face à la légère vexation d’un cowboy bien dans la tradition ? Pas grand chose semblent dire de concert John Sturges et Elmore Leonard. Et Luis Chama de devoir se contenter d’un rôle secondaire, juste bon à renvoyer une femme dans ses 22 lorsque celle-ci se permet de critiquer son attitude. Cela fournit l’occasion d’un dialogue savoureux et qui distille un peu de piment à un film au demeurant assez fade. La confrontation Clint Eastwood-Robert Duvall, qui promettait beaucoup, accouche finalement d’une souris. La faute en incombe aux archétypes qu’ils interprètent. Ces personnages sont confectionnés d’une seule pièce, ils ne possèdent aucunes zones d’ombre et ne suscitent aucune sympathie. Leur opposition en perd alors tout intérêt. On comprend par exemple mal les raisons de la soudaine haine qui prend Joe Kidd à bras le corps et qui le conduit à se substituer à la justice sans états d’âme, lors d’une scène dénuée de toute subtilité.

Comme souvent, John Sturges nous livre un film bancal et particulièrement mal écrit, achevant d’enterrer un genre déjà bien mal en point. Paradoxalement, c’est Clint Eastwood lui-même qui le ranimera ponctuellement avec des films mieux conçus, et surtout, bénéficiant d’un réel point de vue.

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