Ilsa, gardienne du harem – Don Edmonds
Ilsa, harem keeper of the oil sheiks. 1976Origine : Canada / Etats-Unis
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Faisant comme si elle n’avait pas été tuée lorsqu’elle était la louve des SS, faisant même mine de n’avoir jamais trempé dans le national-socialisme, Ilsa (toujours Dyanne Thorne) se retrouve en pleine forme dans le golfe persique, au service d’El Sharif (Jerry Delony), pour lequel elle fait à la fois office de gardienne du harem et de chef du service d’ordre. Elle ne manque pas d’occupations, puisque d’une part il faut bien soumettre des prisonnières pas forcément disposées à assouvir l’appétit sexuel du maître, et d’autre part, étant propriétaire d’un vaste territoire pétrolier, le Sharif attire à lui beaucoup de monde, dont des américains prêts à tout pour rafler le pétrole.
Déclinable à peu près à toutes les époques et à tous les endroits, le concept d’Ilsa ne mit pas longtemps à être réutilisé dans une séquelle prévue avant même que ne soit bouclé le premier film. C’est du moins l’excuse avancée par les géniteurs de cette Gardienne du harem pour expliquer la totale absence d’évocation de La Louve des SS, soit disant qu’ils avaient pensé que le premier film resterait inconnu. Prétexte facile pour refaire le même film ? Et bien non. Si Dyanne Thorne et le réalisateur Don Edmonds sont toujours de la partie, de même que quelques acteurs (George “Buck” Flower) ou techniciens (Joe Blasco aux maquillages), la visite au pays de l’or noir n’est pas produite par David F. Friedman mais par Don Edmonds lui-même, qui n’a visiblement pas appris grand chose du sage bisseux. Que les fonds soient désormais canadiens et que le film ait été tourné là-bas, d’accord, mais que penser de cette volonté de faire un film accepté par la censure ? Tout l’intérêt de Ilsa, la louve des SS reposait sur son aspect bassement provocateur à base de nazis, de tortures et de sexe, tout ceci salement mélangé. Or envoyer Ilsa à la tête d’un harem est déjà un signe de l’égarement dans lequel se jette Don Edmonds. Là où le nazisme reposait sur des bases concrètes, sur les expériences scientifiques aberrantes poussées à l’extrême, le diktat d’El Sharif en plein milieu du désert ne représente pas quelque chose d’évocateur et s’apparente même à une bande dessinée d’aventure (après tout, Tintin lui-même est passé au pays de l’or noir). Dans son exagération constante, La Louve des SS ne s’appuyait pas moins sur un réalisme cru, là où, au contraire, Gardienne du harem tout en essayant d’utiliser les mêmes recettes ne fait que verser dans l’exotisme bas de gamme, s’appuyant sur des visions très caricaturales de ces despotes du pétrole (vente de femmes, danses du ventre langoureuses…). On y retrouve certes le monde autarcique déjà présent dans le camp de prisonnier SS, mais le trop-plein de sous intrigues (les trois occidentales kidnappées, les américains et leur espionnage, le gamin enfermé dans un cachot, la rivalité d’El Sharif avec un sheikh, la révolte populaire qui s’annonce) dynamite le côté “secret” et donc pervers du harem et de son chef. Le luxe décadent du harem est ainsi à l’exact opposé des baraquements crasseux du Stalag. Autre point commun : on retrouve les deux chiennes de gardes d’Ilsa, deux perses répondant aux doux noms de Satin et Velours, mais leur nature assez burlesque (elles aiment se oindre le corps pour combattre à main nues) n’en font pas pour autant des dégénérées. Le réalisateur finira même par les prendre en pitié. On retrouve aussi l’homme capable de dompter Ilsa, mais ses raisons économiques font pâle figure avec l’instinct de survie de l’américain de La Louve des SS. D’ailleurs d’instinct de survie il n’est nullement question ici : les trois occidentales fraichement débarquées qui ouvrent le film sont vite reléguées au rang d’accessoires, et même celle qui aurait dû devenir la femme forte est diluée dans l’amas de sous-intrigues qui ne mènent nulle part. Du reste, ce ne sera même pas elle qui se fera torturer tout le long du film, mais l’espionne à la solde des américaines. Donner une cause à ces tortures équivaut à nier la sauvagerie présente dans le premier film. Dès lors, comment ressentir quelque chose pour ces victimes dépourvues de toute émotion ? Elles encaissent la douleur, mais ne simulent même pas le désespoir ou l’humiliation, se contentant de faire de la figuration. Leurs bourreaux ne sont eux-mêmes pas au niveau : Ilsa n’est après tout que l’employée d’El Sharif auquel elle doit rendre des comptes. Impensable pour un personnage qui était censé vivre isolément dans sa folie et qui dominait tout le monde d’une poigne de fer. Surtout que son chef, El Sharif, n’est qu’un chaud lapin sadique comme il en existe tant au cinéma. Alors quand en plus elle montrera du sentiment, l’aura d’Ilsa perdra tout ce qui lui restait de vigueur. Conséquence logique de tout ceci : les diverses tortures sexuelles perdent tout leur caractère dégueulasse et se succèdent machinalement, suscitant plus l’ennui que le dégoût (le syndrome “Uncut Movies”). Peu d’autodérision, mais des sévices à la limite du ridicule, comme ce diaphragme qui explose dès lors que son hôtesse se fait pénétrer, ou encore comme ces seins écrasés dans un étau. Certains mêmes sont d’une banalité affligeante, tel que cette araignée destinée à entrer dans un carcan, ou le coup des rats dans le vagin. Ces deux derniers restent d’ailleurs au rang de promesses, puisqu’ils sont tués dans l’œuf. Ilsa, gardienne du harem n’est pas que moins choquant : il est aussi beaucoup plus soft que son prédécesseur, et ce même si il ne rechigne pas à aligner des scènes se voulant “trash”. Bien qu’il cherche à garder ses recettes, dont faisait également partie sa mise en scène approximative, Don Edmonds parodie involontairement le premier Ilsa. Cette pâle caricature est totalement inoffensive, et ses quelques séquences comiques ouvertes (l’américain qui refuse une femme et se voit donc attribué un homme…) achèvent de détruire le mythe de la matrone sado-masochiste. Le recul est pratique : il permet d’oublier l’existence de cette triste Gardienne du harem au profit de La Louve des SS.