Ice, l’enfer de glace – Jean de Segonzac
Ice. 1998Origine : Etats-Unis / Allemagne
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Lorsque le flic Robert Drake (Grant Show) se plaignait de la chaleur californienne auprès de son collègue, il était loin de s’imaginer que deux jours plus tard il allait se cailler les meules par -60° dans un périple interminable entre Los Angeles et Malibu. Cette brusque baisse de température confinant à la tragédie humanitaire provient tout simplement de l’apparition de taches sur le soleil, perturbant son activité. L’évènement s’étant produit soudainement, c’est à peine si le gouvernement a eu le temps de réagir aux prévisions alarmistes du Dr. Kistler (Udo Kier). Ce dernier a tout de même été convoqué à Malibu pour grimper sur un navire censé le mener en des contrées moins hostiles. Sur son chemin, il est sauvé de la mort par Drake, sa copine infirmière Alison et son collègue. Ce qui ne l’empêche pas de faire un esclandre et d’abattre accidentellement le collègue lorsqu’il apprend que ses hôtes n’ont pas l’intention d’aller sur le champ à Malibu. Maîtrisé et épargné, Kistler se voit contraint de les suivre jusque chez l’ex épouse de Drake, qui vit en compagnie de son fils et de son nouveau compagnon. Lorsqu’il devient évident qu’il ne fait pas bon rester là, Drake part à son commissariat chercher l’autoneige. Il en reviendra avec Kelvin (Flex Alexander), un malfrat qu’il avait arrêté et qui est le seul à savoir conduire l’engin. Puis direction Malibu.
Et oui, n’en déplaise à Roland Emmerich, Le Jour d’après n’a rien inventé. Il aurait été surprenant qu’au milieu de la cohorte de films catastrophe de la fin des années 90 on ne puisse en trouver un dont le sujet soit similaire. Le trublion vient de la télévision, ce qui explique certainement que ce précurseur soit désormais complètement oublié. Pas de stars, un budget réduit, des diffusions en catimini… Et de fait, à tous les niveaux Ice n’apparait comme rien d’autre qu’une version miniature du Jour d’après. Avec ce que cela a de bon, et avec ce que cela a de moins bon. Mais n’oublions pas qu’il a été tourné avant le film d’Emmerich, et que si copie il y a eu, c’est bien le gros qui s’en est pris au petit. Toutefois, on peut légitimement en douter… Quel que soit leur sujet, et il en existe des tonnes, les films catastrophe se ressemblent tous plus ou moins, et dès lors on ne s’étonne guère de se retrouver avec une aventure humaine pleine de bon sentiments au milieu d’un cataclysme que le réalisateur se plait à dépeindre. Ice fait parti du lot. Pour l’apprécier, tout dépendra donc du soin qu’y a apporté le franco-américain Jean de Segonzac, fils d’un reporter de France Soir établi aux États-Unis et futur réalisateur de l’épouvantable Mimic 2.
Pas de surprise sur la question des personnages et de leur devenir : si ce n’est pour le grand méchant scientifique joué par Udo Kier (de toute façon dès qu’on le voit dans un film, on peut être sûr qu’il jouera un vilain), dont l’hypocrisie s’exprime à plusieurs reprises, tout le petit groupe qui part divisé finira dans l’harmonie la plus totale. Drake prendra conscience de la valeur du nouveau compagnon de sa femme, tandis que cette dernière finira par apprécier la copine de Drake. Le gamin en profitera aussi pour faire la paix avec son père adoptif. Kelvin, le prisonnier noir et grande gueule (comprendre qu’il sert aussi d’alibi comique, avec ses cheveux en pétard) aura démontré son honnêteté et fera ami ami avec le flic qui l’avait arrêté, lequel aura à ce stade fait une croix sur sa méfiance instinctive. Même l’adolescente enceinte arrivée en court de route, et dont la présence est pour le moins discrète (en gros, tout le monde s’en fout, et Segonzac le premier) aura trouvé le moyen de pardonner à ses parents, des dévots qu’elle a fui pour éviter leur courroux. Et tout cela s’est construit face à l’adversité -le climat, Udo Kier, et bien entendu les inévitables vilains militaires croisés en chemin-, au gré des prouesses de chacun. Segonzac ne s’est pas beaucoup foulé pour les trouver, la plupart étant liées à leurs professions… L’infirmière guérit les bobos. L’ingénieur répare l’autoneige. Le bandit qui n’en est pas un excelle à faire démarrer l’engin sans clef, et il se débrouille tout aussi bien dans le maniement des armes. Le gamin attendrit l’assistance avec sa peluche. Et puis bien sûr le flic Drake a des bonnes notes partout, et sait même se sacrifier à un moment clef. Il aura également fallu passer par bien des épreuves traumatisantes : voir mourir son collègue sous ses yeux, abandonner son poste à l’hôpital alors qu’il y a tant de vie à sauver, découvrir la mort d’un proche… Tout ça est cousu de fil blanc, et le nombre relativement élevé de personnages n’est pas là pour corriger cette sensation d’artificialité. En revanche, même si le fond demeure aussi consternant de platitude que dans Le Jour d’après, Segonzac a le bon goût d’éviter les effusions sentimentales qui auraient fait plonger son film dans la mièvrerie. Et il parvient même à rendre un personnage plutôt sympathique, à savoir le nouveau conjoint de l’ex madame Drake, cet ingénieur qui est aussi le garant de la culture, et qui s’efforce au moins de préserver un vestige de la civilisation, à savoir La Divine comédie de Dante. Le procédé est certes assez convenu dans le cadre d’un film catastrophe, je vous l’accorde, mais par sa quiétude, voire sa rêverie, le personnage contraste agréablement avec l’héroïsme de Drake et lui sert en quelque sorte de leçon. Comme quoi, une fois n’est pas coutume, le héros peut se laisser influencer par autrui. Il en ressort une certaine modestie, que l’on ne retrouve pas dans Le Jour d’après, où tout se faisait en grandes pompes, avec la théâtralité que l’on connait à Roland Emmerich.
Comme la plupart des films catastrophe, Ice se concentre principalement sur ses personnages, mais n’oublie pas à l’occasion de nous rappeler leur environnement. Avec un budget modeste, Segonzac réussit plutôt bien à ensevelir la Californie et ses palmiers sous des tonnes de neige. Il utilise principalement des maquettes et tente de faire ressentir le froid par une photographie adaptée et par la reconstitution du blizzard. A ce niveau, il ne pouvait bien entendu rivaliser avec Le Jour d’après, et c’est pourquoi le réalisateur a eu la bonne idée de ne montrer que les effets du changement climatique, et non la façon dont ils révolutionnent subitement le profil du monde. Pas de scènes à grand spectacle donc, ou alors des choses rudimentaires (le panneau de la colline Hollywood qui se casse la gueule, la Tour Eiffel à la télé sous la neige). En revanche, il nous montre à plusieurs occasions des cadavres peu ragoutants, et intègre temporairement à son groupe un couple qui refuse de se séparer de son bébé mort. Ils finiront mal eux aussi, ce qui témoigne d’une louable volonté de paraître un minimum en phase avec l’ampleur de la catastrophe, qui n’est pas qu’un contexte aux drames personnels. Dommage que le scénariste n’ait pas voulu se montrer plus audacieux en faisant mourir l’un de ses héros… Il contourne aussi les terrains écologiques et politiques, ce qui lui évite de proférer des âneries semblables aux leçons de morale d’un Roland Emmerich persuadé d’avoir accouché d’un film visionnaire. Bref, il se montre assez direct, et la courte durée du film l’oblige à ne pas se disperser. Bref, il n’y avait pas grand chose à attendre d’un téléfilm comme Ice, et l’on n’en obtient pas grand chose. Suffisamment tout de même pour qu’il s’agisse d’un film rafraichissant en temps de canicule.