Giallo – Dario Argento
Giallo. 2009.Origine : États-Unis/Israel/Italie
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Un tueur en série sévit à Turin. Se faisant passer pour un chauffeur de taxi, il kidnappe de jeunes femmes seules auxquelles il inflige de nombreux sévices corporels avant de jeter leur cadavre aux quatre coins de la ville. L’inspecteur Enzo Avolfi (Adrien Brody) désespère de lui mettre le grappin dessus quand Linda (Emmanuelle Seigner) fait irruption dans son bureau, s’inquiétant pour sa sœur Céline (Elsa Pataky) avec laquelle elle devait dîner la veille mais qui n’est jamais venue. D’abord réticent, Enzo consent finalement à l’intégrer à son enquête. Bien lui en prend puisque la présence de Linda tend à en accélérer la résolution.
A l’inverse d’un John Carpenter, Dario Argento ne se résout toujours pas à prendre une retraite bien méritée. Il a toujours envie de cinéma et tant qu’il lui reste une once d’énergie, il poursuit vaille que vaille une carrière qui a pourtant pris un tour désespérant depuis une bonne trentaine d’années. Il fait partie de ces vieilles gloires du cinéma fantastique comme Tobe Hooper ou encore George Romero dont on ne peut s’empêcher de regarder leurs nouveaux films en dépit de leurs qualités de plus en plus déclinantes. Difficile de jeter aux oubliettes des cinéastes dont certains de leurs films ont tant compté dans nos vies de “cinéphiles”. Il n’en reste pas moins que le cinéma de Dario Argento a grandement perdu de son attrait. Ne bénéficiant plus de ce style baroque et coloré dans lequel il excellait, la plupart de ses films récents paraissent bien fades. Il ne parvient plus à nous plonger dans ces ambiances vénéneuses et mortifères dont il avait le secret, ne suscitant plus le malaise que par sa manière de filmer sa fille, Asia Argento. Celle-ci ne comptant pas au générique de Giallo, seule la promesse d’un retour aux sources induite par le titre est à même de titiller la curiosité.
Giallo ne se veut nullement une réflexion sur le genre qui a fait la gloire de Dario Argento. “Giallo” se révèle n’être que le sobriquet qu’une bande de vilains garnements a attribué à un orphelin souffrant d’une hépatite C, et dont la peau a viré au jaunâtre. Devenu adulte, il décide de s’attaquer à de belles jeunes femmes, les séquestrant puis les torturant jusqu’à ce qu’elles décèdent. Ses raisons ne seront guère explicitées. Disons qu’elles relèvent de la frustration de n’être jamais regardé autrement que comme un monstre. En s’en prenant ainsi à la beauté de ces femmes en les rendant difformes à leur tour, il se venge en quelque sorte de la fatalité qui s’est abattu sur lui dès sa mise au monde par une mère toxicomane. Dario Argento s’attarde sur la triste enfance du tueur via quelques flash-back traumatiques qui entrent en résonance avec ceux qui hantent l’esprit de l’inspecteur Enzo Avolfi. Il dresse ainsi un parallèle entre deux enfances gâchées qui ont abouti à une même solitude. Contrainte dans le cas de “Giallo” dont l’aspect physique agit comme un repoussoir, et volontaire de la part d’Enzo, qui en installant son bureau dans les sous-sols du commissariat assume pleinement sa marginalité. En se lançant à corps perdu dans cette chasse au tueur en série, c’est un peu de sa culpabilité qu’Enzo tente de racheter, lui qui s’est construit sur un acte vengeur. Pour accentuer le lien qui unit le tueur à l’enquêteur, Dario Argento pousse le bouchon jusqu’à le faire interpréter par le même comédien, l’inconnu Byron Deidra crédité au générique en tant que “Giallo” n’étant que l’anagramme d’Adrien Brody. A noter que l’acteur oscarisé en 2003 pour Le Pianiste fait l’économie du maquillage au détour d’une scène où “Giallo” fait le ménage dans sa salle de tortures, la tête enfouie sous une capuche. Si sur le papier l’idée de cette dualité a du sens, à l’image, elle confère au film des allures de série Z. Dès l’apparition du tueur à visage découvert, le caractère grossier du maquillage saute aux yeux. En outre, affublé pour l’occasion d’une perruque aux cheveux mi-longs ondulés, lesquels sont maintenus à l’aide d’un bandeau noué au niveau du front, Adrien Brody n’est pas sans évoquer une version caricaturale du Sylvester Stallone de Rambo 3. Avec une telle image en tête, il devient dès lors difficile de prendre ce tueur au sérieux. D’ailleurs, Dario Argento ne cherche pas à le diaboliser plus que ça, “Giallo” nous apparaissant davantage comme un pauvre bougre, un enfant dans un corps d’adulte à qui on aurait jamais enseigné la frontière entre le Bien et le Mal. En comparaison, Enzo Avolfi nous paraît plus inhumain dans sa propension à ne voir avant tout que son intérêt propre au dépens de celui d’autrui. A ce titre, la fin fournit la meilleure illustration de sa misanthropie sous-jacente, laquelle confine à la lâcheté.
Enzo Avolfi est le seul personnage à avoir un peu de substance. Il reste néanmoins défini de manière très maladroite. Il paraît ainsi difficilement envisageable qu’il ait pu faire carrière dans la police sur la seule foi de l’un de ses représentants, alors simple agent, lequel a fermé les yeux sur le meurtre qu’il l’a vu commettre. Adrien Brody l’interprète comme une petite chose fragile, constamment au bord de la rupture mais qui pourrait bien cacher un fond de sociopathie. Face à lui, Emmanuelle Seigner n’a pas grand chose à jouer et se contente du strict minimum. Son personnage sert essentiellement à faire avancer une intrigue policière un brin paresseuse tout en mettant en lumière les failles d’Enzo. Paresseux, Dario Argento l’est également. Il filme platement des situations déjà vu ailleurs (on pense notamment au Silence des agneaux lors d’un montage alterné fuite d’une victime/perquisition du flic visant à nous leurrer) sans jamais retrouver les excès qui constituent habituellement son style. “Giallo” est loin d’être un esthète du meurtre, quand bien même les cadavres qu’il laissent derrière lui ornent les murs du bureau d’Enzo Avolfi. De la même manière, la ville de Turin n’est jamais magnifiée ou rendue angoissante, se bornant à n’être que le pâle décor d’une intrigue sans saveur.
A l’échelle de la filmographie récente de Dario Argento, Giallo s’inscrit dans sa droite continuité, ni meilleur ni pire. Et c’est ce qui est le plus désolant. Le cinéaste transalpin mène désormais sa carrière en mode automatique, sans plus se remettre en question. Dépourvu d’idées neuves, il se contente d’accompagner le déclin du cinéma de genre italien depuis près de 30 ans, loin de la figure de proue qu’il a pu être.