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Fast and Furious : Tokyo Drift – Justin Lin

The Fast and the Furious : Tokyo Drift. 2006.

Origine : États-Unis, Allemagne, Japon
Genre : A fond de troisième
Réalisation : Justin Lin
Avec : Lucas Black, Nathalie Kelley, Bow Wow, Brian Tee, Sung Kang, Brian Goodman, Sonny Chiba.

Adolescent turbulent dont les frasques lui valent de changer souvent d’établissement scolaire au grand dam de sa mère, Sean Boswell ne peut résister à une bonne course de voitures. C’est plus fort que lui, il lui faut cette adrénaline pour se sentir exister. Sauf que sa dernière course ressemble à la course de trop. La justice ne lui laisse pas le choix : il doit quitter les États-Unis si il ne veut pas passer par la case prison. Le voilà donc parti pour Tokyo où vit son père, Lieutenant dans l’armée américaine. Là-bas, il doit composer avec une nouvelle culture et, surtout, une nouvelle manière de conduire, le drift. Présomptueux, il provoque Takashi “Drift King” Kamata, le meilleur en ce domaine, pour les beaux yeux de Neela. Il prend une rouste monumentale, détruisant au passage la voiture que Han Lue lui avait dilligemment prêté. Ce dernier se sert de cette dette pour faire de Sean son obligé. Mais très vite les deux hommes se lient d’amitié, Han prenant en main les cours de conduite de Sean.

Après un 2 Fast 2 Furious en demi-teinte, Neil H. Moritz décide de tout renverser sur la table. Exit les personnages récurrents (même si l’un d’eux viendra faire un petit coucou à la fin du film, histoire de rappeler que nous sommes bien dans une saga), place à de nouveaux visages et, surtout, un nouveau terrain de jeu. Avec Tokyo Drift, les Fast and Furious s’internationalisent cherchant le grand frisson aux quatre coins du globe. Il y a bien sûr derrière tout ça une logique pécuniaire. L’habile producteur veut gagner de nouveaux marchés et puisque ses films donnent déjà la part belle aux automobiles de marque japonaise, tourner un épisode au pays du soleil levant semble alors couler de source. Après Rob Cohen et John Singleton, il se tourne vers un réalisateur nettement moins chevronné mais qu’il estime sans doute plus apte à retranscrire l’ambiance particulière de Tokyo. Né à Taipei, Justin Lin est à l’époque peu connu du grand public. Il a grandi en Californie où il a fait ses classes et après avoir coréalisé Shopping for Fangs avec Quentin Lee en 1999, Justin Lin passe seul derrière la caméra en 2002 pour Better Luck Tomorrow. Ce film reçoit un accueil favorable qui lui ouvre grand les portes de Hollywood. Et sans le savoir, son film suivant Annapolis prépare son entrée dans la saga vrombissante puisque au générique se côtoient Jordana Brewster (Mia Toretto) et Tyrese Gibson (Roman Pearce), qu’il aura plus tard l’occasion de diriger à nouveau. Pour l’heure, en guise de visage familier, le jeune réalisateur se tourne vers une sommité du cinéma local, révéré par Quentin Tarantino qui lui a même offert un rôle dans son Kill Bill – volume 1, l’artiste martial Sonny Chiba. L’acteur fétiche du réalisateur Kinji Fukasaku (Le Policier vagabond, Combat sans code d’honneur 2, La Vengeance du samouraï) interprète ici l’oncle Kamata, un parrain de la pègre tokyoïte. Car si Fast and Furious : Tokyo Drift conserve l’ADN de la saga, il n’oublie pas de flatter le public local tout en mettant en avant certaines spécificités du pays avec l’oeil du touriste émerveillé.

Sean Boswell partage avec ses prédécesseurs Dominic Toretto et Brian O’Coner cette même appétence pour la vitesse et l’adrénaline qui l’accompagne. Et comme eux, il n’est pas né une cuillère en argent dans la bouche. Participer à des courses de voitures – et les remporter – revient à gravir les échelons de l’échelle sociale de manière détournée. Au volant de sa voiture, il peut espérer rivaliser avec ces gosses de riche à qui tout leur est dû. Enfin, dans certaines limites. Le duel qui l’oppose au champion de baseball de son lycée au début du film tourne court dès lors que la justice s’en mêle. Le gosse de riches n’a pas à se soucier des conséquences de ses actes – ses parents ont le bras long – quand Sean doit payer plein pot. Les dés sont pipés et les États-Unis deviennent désormais pour lui une terre hostile tant qu’il refusera de rentrer dans le rang et de renoncer à la vitesse. Une injonction qu’il retrouve dans sa retraite au Japon puisque son père, en bon soldat de l’oncle Sam, l’enjoint à faire profil bas. Il veut bien rejouer son rôle de père à la seule condition que le fiston se tienne loin des voitures aux moteurs surgonflés. Fast and Furious : Tokyo Drift est donc autant le récit d’une ascension sociale que d’une transgression. Sean doit s’affranchir des codes s’il veut devenir quelqu’un. A l’échelle du film, s’entend. Si le film tente de faire coïncider l’âge de ses personnages avec ceux de son audience (même si ce sont des comédiens d’une bonne vingtaine d’années qui campent des lycéens !), il continue de prôner une forme de dissidence avec des personnages qui frayent constamment avec la criminalité. C’est dans l’interdit que les héros de la saga se construisent, deviennent quelqu’un. Sean ne déroge pas à cette tendance même si la personnalité ombrageuse et possessive de Takashi “D.K.” Kamata lui offre sur un plateau l’occasion de s’ériger en sage. Son parcours personnel l’amène à plus d’humilité. Le yankee arrogant du début qui se croit déjà en terrain conquis doit surmonter une défaite cuisante pour se réinventer. Apprendre la technique du “drift” devient son école de vie. Une manière de s’immerger dans son nouvel univers et de s’ouvrir à une nouvelle culture. Cette technique de conduite nous est présentée comme une véritable philosophie de vie à grand renfort de dialogues sentencieux. Dans sa dynamique et sa construction, cet épisode se rapproche de Rocky III : L’Oeil du tigre. Sean doit perdre pour pouvoir tout réapprendre et se réinventer. En guise de Apollo Creed, il rencontre Han Lue, un pseudo philanthrope qui recherche en réalité des hommes de confiance pour faire tourner sa petite entreprise. Un type qui se fiche dela gloire et qui n’agit que lorsque cela sert ses intérêts. Il n’en reste pas moins un homme d’honneur qui joue un rôle prépondérant dans l’ascension de Sean Boswell. Et plus encore à l’échelle de la saga.

Sur le papier, Fast and Furious : Tokyo Drift avait tout de l’épisode dissident. Le cadre, les personnages, tout subit un ravalement de façade. Le caméo final montre qu’il n’en est rien. Le film de Justin Lin ne sera pas le Halloween 3 : Le Sang du sorcier de la saga. Toutefois, au-delà d’acter le retour de Dominic Toretto, ce troisième épisode impose un personnage amené à jouer un rôle récurrent par la suite. Un choix non prémédité – après tout Han Lue meurt au cours du récit – qui doit beaucoup à la reconduction de Justin Lin aux manettes de Fast & Furious 4. Le réalisateur avait déjà fait tourner l’acteur dans Better Luck Tomorrow et son personnage dans Tokyo Drift peut être considéré comme une émanation de celui qu’il jouait alors. Et le bref échange entre Sean Boswell et Dominic Toretto indique que Han Lue est un vieil ami de ce dernier. Ce qui ressemblait à l’époque à une grosse ficelle utilisée pour raccorder aux forceps ce troisième épisode à ses prédécesseurs devient par la suite la pierre angulaire autour de laquelle s’articule les autres épisodes. Dans un mouvement assez inédit, toute la chronologie de la saga s’en trouve chamboulée dans le seul but de pouvoir intégrer ce personnage de manière pérenne. Ainsi, l’intrigue de Tokyo Drift se place a posteriori entre celles de Fast and Furious 6 et Fast and Furious 7. Et la mort de Han Lue sera rejouée en post-générique du 6 dans le but d’intégrer un nouvel antagoniste. Et tout ça sans réel souci de continuité sur le plan technologique. Il ne faut pas trop pousser non plus. Le retour de Vin Diesel dans la saga, qui ambitionne toujours d’être une star du cinéma d’action, passe par un changement drastique de ses éléments constitutifs. La vitesse est bien sûr toujours au rendez-vous mais il convient aussi de toujours pousser plus loin l’aspect spectaculaire de chaque épisode, ce qui ne va pas sans surenchère, aussi bien au niveau des scènes d’action qu’au niveau de la durée des films et des rapports entre les personnages. L’aspect “famille” est dès lors mis en avant, avec Dom en guise de patriarche (comme à ses débuts, quoi !), avec tout ce que cela présuppose de conflits internes, de drames et de doutes. Finalement, plus que Riddick qui en dépit de l’attachement sincère de l’acteur pour le personnage n’aura pas su suffisamment élargir son audience en l’espace de trois films, c’est bien en Dominic Toretto que Vin Diesel trouve le meilleur vecteur à ses rêves de gloire. En somme, il a trouvé en ce personnage son Ethan Hunt et à l’instar de Tom Cruise, semble bien vouloir s’y raccrocher tant que ça rapporte. Sung Kang ne doit donc pas tant sa reconduction à ses qualités qu’aux parts de marché qu’il peut rapporter sur le marché asiatique. Son personnage de Han Lue n’a rien de mémorable et ne méritait pas qu’on s’y raccroche à ce point, si ce n’est qu’il supplante haut la main Sean Boswell et son parcours ultra balisé.

Étrange destin pour ce film qui mélange les genres, sorte de teen movie au pays des yakuzas où se télescopent les éléments de la pop culture japonaise et nord américaine (Twinkie et sa voiture customisée à l’effigie de l’incroyable Hulk). Le vilain petit canard de la saga a su pourtant impulser des changements importants, à commencer par la reconduction de Justin Lin (5 films au compteur) dès l’épisode suivant. C’est toujours autant filmé à l’épate mais au moins le style de conduite mis en avant ici offre une grammaire différente dans la mise en image des courses. C’est mieux que rien.

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