Destination finale 4 – David R. Ellis
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The Final Destination. 2009.Origine : États-Unis
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Sous l’impulsion de Hunt, Nick, Lori et Janet consentent à assister à une course automobile de NASCAR dans la vétuste enceinte du McKinley Speedway. Le spectacle est au rendez-vous. Trop même lorsqu’une crevaison entraîne toute une série de carambolages qui impacte jusqu’au public assis dans les tribunes. La panique est à son comble et le carnage, inévitable. Heureusement, tout cela n’était qu’un cauchemar. Ou plutôt une prémonition de Nick qui, une fois l’impression de déjà-vu de plus en plus prégnante, enjoint ses amis à quitter rapidement l’enceinte, non sans susciter quelques remous parmi certains spectateurs sortis avec eux. Mais le fait est que l’accident a bien eu lieu et que grâce à Nick, une poignée de spectateurs a réchappé à la mort. Oh, pas pour longtemps. Carter Daniels sera le premier à tirer sa révérence, bientôt suivi de Samantha Lane. Et dans les deux cas, Nick a eu des flashs de ce qui allait leur arriver sans pouvoir identifier la victime. Convaincu qu’il peut arrêter ce funeste jeu de massacre, il doit cependant se rappeler de l’ordre dans lequel les gens sont morts. Et même avec cette donnée, il n’est jamais aisé de déjouer les plans de la Mort.
A la manière de James Wong pour Destination finale 3, David R. Ellis remet le couvert après le plaisant Destination finale 2 dans un semblant de partie à toi, à moi qu’il avait l’insigne honneur de conclure. Car comme son titre original l’indique, ce quatrième volet devait mettre un terme à la franchise. D’autres avaient déjà fait le coup par le passé, je pense notamment aux Vendredi 13 qui devaient eux aussi s’achever au quatrième volet (Vendredi 13 chapitre 4 : Chapitre final) ou aux Freddy qui avaient patienté jusqu’au 6e numéro (La Fin de Freddy, l’ultime cauchemar), avant de très vite remettre le couvert. La perspective de pouvoir encore engranger des dollars met souvent à mal ses volontés conclusives. Il n’en reste pas moins que, envisagé comme une conclusion, Destination finale 4 porte en lui la promesse d’un bouquet final et, possiblement, d’apporter un peu de matière à une mythologie assez sommaire reposant sur les propos sybillins de cet étrange croque-mort incarné par Tony Todd dont le 3e épisode avait fait l’économie. Destination finale 4 n’en fera pas davantage usage, écartant même tous renvois aux autres films, à l’exception d’un générique de début en mode célébratif. La connection s’effectue davantage sur un mode référentiel avec des renvois discrets au premier film (les quatre amis se retrouvent assis dans la travée 180, numéro du vol que devait prendre Alex et sa classe ; Hunt se prélasse à la piscine Clear Rivers, nom de la petite amie d’Alex) que par des connections directes comme dans les précédentes suites. Les personnages se dépatouillent sur la seule foi des prémonitions de Nick, ignorant que d’autres avant eux en sont aussi passé par là. Le film fonctionne en vase clos semblant vouloir se suffire à lui-même, jouant de la répétition et de la boucle comme un motif récurrent.
Comme un clin d’oeil à sa première incursion dans la franchise, David R. Ellis démarre de nouveau son film par un drame motorisé sans néanmoins en retrouver la puissance immersive. L’accident de la route a ceci de quotidien qu’il nous touche plus sûrement qu’un carambolage durant une course automobile. Dans le second cas, cela fait presque partie du spectacle. En outre, les manigances de la Mort apparaissent trop voyantes (une rafale de vent pour renverser un jerrycan d’huile resté ouvert, les vis de la barrière de sécurité qui se dévissent sous son action) pour que l’idée d’une fatalité plus forte que tout se fasse ressentir. Plus machiavélique que jamais – et un chouïa mauvaise joueuse, il faut bien l’admettre – madame la Mort s’ingénie à tout saboter pour mieux remporter la partie. Les meurtres – car c’est finalement de cela dont il s’agit – deviennent de plus en plus alambiqués, parfois avec la volonté de nous induire en erreur. La scène qui implique la mère de famille au salon de coiffure est symptomatique de cette envie de jouer de nos attentes tout en cultivant les fausses pistes. Dans ces moments-là, David R. Ellis n’hésite pas à étirer les scènes à outrance, quitte à nous perdre en route. Au bout d’un moment, toutes ces fausses alertes ou ces disfontionnements à la chaîne finissent par lasser même si c’est pour conclure sur une note ironique. Ce procédé est très révélateur d’un manque de matière. Destination finale 4 n’a rien d’autre à proposer que sa litanie de morts violentes. David R. Ellis en vient même à recycler des idées passées, à l’image de George, l’agent de sécurité qui échoue à chacune de ses tentatives de suicide. Eugène Dix avait fait la même expérience dans Destination finale 2. La Mort n’aime pas qu’on se substitue à elle. Dès lors, la mettre en compétition avec un tueur aurait pu apporter ce souffle nouveau qui manque cruellement au récit. Malheureusement, histoire de couper court à toute ébauche d’originalité, le film est soudain pris de bégaiement au moment de conclure, le dernier acte se bornant à rejouer le coup de la séquence prémonitoire. A la manière de la Mort qui suit un ordre immuable pour remettre les compteurs à zéro, les Destination finale rejouent sempiternellement la même petite musique. Un procédé qui instaure au mieux une impression de connivence, au pire une furieuse sensation de déjà vu. Les personnages et leurs interactions deviennent alors l’unique salut, la variable d’ajustement par laquelle chaque film peut espérer se démarquer des épisodes précédents. Or dans ce domaine, lesdits personnages ne sont jamais que des cadavres en puissance auxquels les réalisateurs daignent leur accorder de l’importance qu’au moment de les tuer.
Il se dégage de ces films un côté démiurgique lié à l’absence de tueur visible et palpable. La Mort n’est autre que le réalisateur lui-même qui s’ingénie à faire souffrir ses protagonistes. Cela s’effectue avec d’autant plus d’entrain que près de la moitié des victimes annoncées s’avèrent peu fréquentables. Du raciste qui meurt dans une évocation des exactions du Klu Klux Klan au beauf, soudain moins virulent lorsque son épouse n’est plus dans les parages, en passant par l’égocentrique dépourvu de sentiments, Destination finale 4 nous offre un beau panel de ce que la société abrite de pire. Leur mort apparaisse alors comme un exutoire, des moments de jubilation venant sanctionner un comportement problématique. Les charger de la sorte revient à se dédouaner. Nous sommes presque en présence d’une sélection naturelle, la Mort opérant ainsi dans le but d’éliminer les brebis galeuses. Reste les autres personnages, plus fréquentables. Pour un George Lanter qui s’épanche sur ses malheurs passés sans y avoir été invité, ils demeurent tous des coquilles vides dont le sort importe guère. C’est une constante de la franchise, reposer sur des personnages interchangeables car sans aspérités. Rien ne distingue un Nick O’Bannon, d’un Alex Browning ou d’une Wendy Christensen. Ils sont frappés du même mal (prévoir les drames à venir) sans qu’on ne sache pourquoi, et surtout dans quel but. C’est le concept même qui veut ça, rendant tout cela un peu vain puisque personne ne peut rien contre la Mort. Pourtant, certains ont essayé, mais ils ont eu des problèmes. Ici, David R. Ellis semble s’amuser de l’extrême naïveté de ses personnages, persuadés d’avoir réussi à gagner la partie. Une chose proprement impossible car les dés sont pipés. Le film alterne donc constamment entre crises d’angoisse et moments de soulagement, ne faisant jamais l’économie de quelques aberrations comportementales. Par exemple Janet qui, en dépit de ce qu’elle vient de traverser, trouve le moyen de remettre en question l’attitude alarmiste de Nick sur un mode blasé. Comment voulez-vous ne pas se réjouir de sa mort après ça ?
Destination finale 4 est une suite paresseuse qui se refuse à aller au-delà de son concept. Le film aligne les passages attendus sans ménager la moindre surprise pour qui a suivi la franchise depuis ses débuts. Et ils ont eu bien raison de ne pas se casser la nénette puisque le film a attiré les foules. Le jeu de massacre reste sous contrôle et ne peut même pas se targuer d’un soupçon de mauvais esprit. Ainsi, l’explosion dans le cinéma agit moins comme une mise en abîme d’un public prêt à “mourir” pour voir un film médiocre jusqu’à son terme qu’une recherche d’un lieu inédit dans le cadre d’un climax. Au moins peut-on y voir une certaine humilité dans cette manière d’afficher son statut de film de multiplexe, un bien de consommation comme un autre au pays du consumérisme roi.