Cloverfield – Matt Reeves
Cloverfield. 2008Origine : Etats-Unis
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Lorsque le film débute, on découvre un écran noir avec diverses informations dessus. Que la bande que nous regardons est la propriété de l’armée et qu’elle est classée secret défense. La bande commence alors à tourner, un caméscope qui s’allume, vision de Central Park, une fille nue dans un lit dort, son amant derrière la caméra vient la réveiller, ils ont l’air heureux. La scène s’arrête, il se passe autre chose, une fête se prépare en l’honneur de quelqu’un qui part travailler au Japon. La caméra est prêtée au meilleur ami (Hud) du héros de la soirée, à qui est confié la lourde tâche de ne rater aucun grand moment de la dernière soirée de son pote à New York. On découvre alors les principaux protagonistes, Hud donc, le caméraman, le meilleur pote qui doit partir au Japon, la femme qu’il aime mais qui vient à la soirée avec un autre mec, le frère et sa petite amie, ainsi qu’une copine de passage qui a été invitée par cette dernière et sur laquelle Hud a des vues.
Si je prends là le temps de présenter sommairement ces personnages, c’est parce que le film le fait lui-même pendant 15 à 20 bonnes minutes. Puis commence alors ce que le spectateur est venu voir : l’attaque par une chose non identifiée de l’île de Manhattan. A partir de ce moment-là, on ne décroche plus du film, on reste tendu pendant le reste du temps et on sort complètement secoué.
Ce film a commencé à faire parler de lui il y a quelque temps sur le net. On découvrait alors les images d’une soirée entre potes filmée maladroitement par un amateur. Un tremblement de terre puis une explosion faisaient sortir les fêtards dans la rue pour voir la tête de la Statue de la Liberté décapitée leur passer devant. On n’en savait guère plus. Monstre ? Robot géant ? Attaque terroriste ? Il n’en fallait pas plus pour créer un véritable buzz autour de cette oeuvre. J’étais personnellement, plutôt sceptique avant de voir ce film. En premier lieu, le choix de la mise en scène me dérangeait un peu, j’avais vu Le Projet Blair Witch, et je n’en avais pas gardé grand chose, l’intérêt m’avait semblé limité. Là, bien au contraire, c’est vraiment le point fort du film. Tout simplement parce qu’on nous offre là une immersion totale et qu’on se retrouve parmi le groupe de héros, avec eux, vivant leur aventure hors du commun. Une angoisse nous prend dès les premiers moments intenses du film, c’est à dire quand « la chose » (nous l’appellerons ainsi pour éviter de trop en dire, laissons la surprise !) débarque, elle ne nous quitte plus.
Bien sûr, le fait de choisir un tel procédé de mise en scène nous met parfois mal à l’aise physiquement. En effet, lors de certaines scènes, la caméra part dans tous les sens, c’était obligé bien évidemment, le caméraman amateur doit souvent sauver sa peau, faire face à « la chose », à des militaires qui tirent dans tous les sens, des « petites choses » qui font leur apparition, bref, ça secoue. Mais malgré tout, ça ne dérange pas tant que ça. Les premières minutes du film nous permettent de nous habituer à cette façon de filmer, et les scènes d’action restent relativement visibles. Le réalisateur Matt Reeves réussit à contourner les contraintes et à en user pour en faire la force du film. Ce choix de mise en scène, qui aurait pu complètement plomber le film, s’avère au final être sa plus grande force. En effet, nous voilà pris dans l’aventure, nous voilà comme les personnages, prisonniers sur l’île de Manhattan. Il se passe alors quelque chose en nous. On se prend au jeu, on est les personnages, on est le type qui est prêt à traverser tout un Manhattan complètement détruit, avec des militaires qui bombardent, des tanks qui attaquent, pour retrouver la fille qui l’aime. Alors on se met à sa place. Est-ce qu’il doit fuir et vivre ? Ou doit-il essayer de la sauver ? Evidemment, il fait le choix d’y aller tout seul, mais ses amis veulent le suivre. Ils ne savent pas trop pourquoi, mais ils ne peuvent pas le laisser tomber. Ils sont tous embarqués là-dedans, ils sont garants les uns des autres, une sorte de solidarité se crée dans leur amitié.
C’est donc dans cela que tient le film. Des films de monstres, on en a vu des dizaines, et ce n’est sans doute pas le meilleur dans le genre. Mais c’est bien là-dedans que tout réside. C’est qu’on n’est pas face ici à un simple film de genre. Le réalisateur transcende le genre pour en faire un film mélangeant drame et catastrophe. Nulle musique pour accompagner tout cela, seulement le son extérieur d’une ville saccagée.
L’autre force du film tient aussi dans la surprise. Ici, on ne connaît qu’un seul point de vue, à aucun moment on ne sait ce qu’il se passe ailleurs, on est enfermé dans ce cercle d’amis perdus dans Manhattan, à la recherche d’une fille peut-être déjà morte. Et lorsqu’on voit comment les héros sont traités, on n’est guère optimistes, on s’attend au pire, et il n’arrive jamais quand on l’attend.
Ainsi, en sortant du film, on se sent secoué, un peu oppressé même. Il est vrai que Cloverfield est un film très original, qui a su prendre des risques et surtout qui a su les braver. Les recettes ultra utilisées de ce genre de films sont détournées par la mise en scène qui met en valeur un autre aspect de l’horreur.
Je dois le dire, je n’avais pas ressenti une telle intensité physique devant un film depuis Les Dents de la mer. Oh, certes, les films sont très différents, mais le résultat sur mon corps est le même. Le souffle est coupé, la poitrine oppressée, l’enthousiasme est présent. Ça fait du bien de voir des films de cette sorte, tout simplement parce qu’ils sont différents, et que dans leur différence, ils sont réussis.