La Boum – Claude Pinoteau
La Boum.1980Origine : France
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L’heure de la rentrée scolaire a sonné pour Vic Berreton. Ses parents ayant déménagé, elle doit repartir de zéro. Dès le premier jour, elle se lie d’amitié avec Pénélope et très vite, davantage que les études, leur principale préoccupation sera les garçons. A ce titre, la boum de Raoul constitue un moment déterminant de l’année scolaire de Vic puisque c’est ce soir-là qu’elle rencontre Alexandre, son premier amour. La suite de son année scolaire s’écoulera au rythme de sa relation chaotique avec l’adolescent, sur fond de brouille familiale.
Une carrière tient parfois à peu de chose. Prenons le cas de Sheila O’Connor, une adolescente qui vient tout juste d’effectuer ses premiers pas au cinéma dans la comédie de Michel Gérard Les Joyeuses colonies de vacances. En guise de deuxième expérience, elle se voit confier le rôle principale de la comédie adolescente La Boum. Une chance incroyable et soudain… patatras ! Les directeurs de casting flashent sur une autre adolescente – Sophie Maupu – sans aucune expérience, et à qui ils décident finalement d’attribuer le rôle de Vic Berreton, reléguant ainsi Sheila à celui de la bonne copine. Désormais baptisée Sophie Marceau, voilà l’adolescente lancée pour une longue et riche carrière, au contraire de Sheila qui, si elle continuera dans le métier, n’obtiendra jamais d’autre opportunité d’occuper le haut de l’affiche. « Dreams are my reality » n’en finit plus de chanter Richard Sanderson sur une mélodie ronge-tête composée par Vladimir Cosma. Et bien pour la malheureuse Sheila, le rêve n’aura pas fait long feu.
Sur le plan musical, justement, le film s’avère une immense déception. Sorti à une époque particulièrement riche et éclectique où le punk voisinait avec la new wave naissante sur fond de crépuscule disco, La Boum préfère dispenser une musique insipide sur laquelle Vic et ses amis ont bien du mérite de donner l’impression de s’éclater. Il y a clairement eu une volonté de la production de ne pas se ruiner en droits d’auteur et d’au contraire capitaliser sur l’horrible single Reality, lequel cassera la baraque un peu partout en Europe. Un choix gagnant sur le plan financier mais perdant sur le plan artistique. A cela s’ajoute la réalisation pour le moins impersonnel de Claude Pinoteau, lequel dépeint un milieu adolescent détaché de toute contemporanéité dans un Paris gris et maussade. On sort du film sans vraiment savoir ce que ces adolescents aiment ou ce qui les motive. Les concernant, le film relève davantage du folklore que de l’étude sociologique. On frôle même la caricature lorsque la principale préoccupation, pour les jeunes filles, revient à savoir comment s’habiller en vue de la prochaine boum. Des boums par ailleurs très bon enfant où ni l’alcool ni les joints n’ont le droit de cité, et astreintes à un couvre-feu strict. Au final, ces adolescents nous sont dépeints comme de gentils bambins, quelque peu potaches parfois (ah, le coup de la boîte de chipster surprise !) mais pas bien méchants. Tout au plus transparaît-il de l’attitude de ces enfants de bonnes familles un soupçon d’égoïsme, eux qui conçoivent difficilement que le monde puisse ne pas tourner qu’autour de leur nombril. A ce jeu là, Vic ne vaut pas mieux que ses amis. Si la séparation temporaire de ses parents l’embête un peu, ce n’est pas tant pour la possible fin de l’unité familiale que pour les dérangements ponctuels que cela pourrait occasionner. Comme par exemple le déménagement intempestif du cabinet de dentiste paternel dans le salon le jour de sa boum. Heureusement, son arrière grand-mère arrivera à point nommé pour dédramatiser la situation.
Aux enjeux limités de l’intrigue qui tournent autour de la versatilité des sentiments amoureux en milieu adolescent répond un jeu de miroirs entre les déboires de Vic et ceux de ses parents. Alors que l’adolescente découvre l’amour – chaste – dans les bras d’Alexandre, ses parents doivent faire face à une crise conjugale lorsque François Berreton, lassé de ses mensonges, avoue son adultère. Plus tard, après que Vic ait surpris son petit ami dans les bras d’une autre, elle vit une nuit agitée par ses déchirants sanglots tandis que ses parents s’accordent une parenthèse nostalgique. Parfois, les trajectoires se confondent à la faveur d’un quiproquo savamment entretenu par Vic, le temps d’une étreinte filiale dans les bras de son père, elle laisse croire à son petit ami volage qu’il s’agit de son nouveau compagnon, ou de son professeur d’allemand qui devient l’amant de sa mère. Une constante, néanmoins, les écarts proviennent toujours de la gent masculine. Les femmes, quant à elle, nous sont décrites comme d’incurables romantiques, enclines à trop idéaliser leur relation. Même la maîtresse de François, incarnée par une Dominique Lavanant volcanique, se fond dans ce romantisme à l’eau de roses par sa volonté d’achever sur une note somptueuse une relation qu’elle savait pourtant vouée à l’échec. Loin de ces préoccupations finalement très terre-à-terre, Poupette, l’arrière grand-mère qui entretient une grande complicité avec Vic, tente de raisonner tout ce petit monde forte de son vécu et de son inextinguible bonne humeur. Ce personnage apporte une bouffée d’air frais bienvenue, quoique insuffisante pour empêcher l’intérêt de décliner à mesure que l’année scolaire s’écoule.
Gros succès de l’année 1980, dépassant même le nombre d’entrées de L’Empire contre-attaque dont on voit l’affiche lorsque la bande d’amis se rend au cinéma, La Boum demeure une énigme tant il rate tout ce qu’il entreprend. Pas vraiment une comédie, le moment le plus drôle étant – outre la vanne adressée au professeur incarné fugacement par Jean-Pierre Castaldi – l’afflux des voitures parentales en bas de l’immeuble où se tient la première boum au moment du couvre-feu, le film de Claude Pinoteau déçoit également par sa vision de la jeunesse, qui confine à l’image d’Épinal. La Boum est un film sans aspérités, qui déploie une intrigue désespérément neutre et plate dans l’unique but de plaire à toute la famille. Une réussite en tout point qui générera une suite deux ans plus tard, sans changer une équipe qui gagne.