CinémaWestern

Black Killer – Carlo Croccolo

black-killer-affiche

Black Killer. 1971.

Origine : Italie
Genre : Western spaghetti en fin de cycle
Réalisation : Carlo Croccolo
Avec : Klaus Kinski, Fred Robsahm, Marina Mulligan, Antonio Cantafora…

Exercer le métier de shérif à Tombstone équivaut à rogner sérieusement sur son espérance de vie. La ville est aux mains des frères O’Hara, une fratrie d’analphabètes qui dépossèdent tous les habitants de Tombstone de leurs biens immobiliers, et qui tuent à la chaîne les possesseurs de la fameuse étoile. L’arrivée conjointe du mystérieux avocat James Webb (Klaus Kinski) et de l’enfant du pays Burt Collins (Fred Robsahm) risque de sérieusement modifier la donne.

Premier film réalisé par le célèbre (?) acteur italien Carlo Croccolo (Danger Diabolik, Casablanca nid d’espions), Black Killer sort sur les écrans au moment où le western spaghetti vivait ses derniers instants. Popularisé par les films de Sergio Leone, le western spaghetti a connu son heure de gloire durant les années 60, attirant bon nombre de vedettes internationales (Jean-Louis Trintignant, Henry Fonda, Anthony Quinn…), et donnant l’occasion à certains comédiens de se faire un nom comme Clint Eastwood ou Klaus Kinski. C’est ce dernier qui tient la vedette de Black Killer, bien que son rôle le cantonne à rester dans l’ombre, caché derrière les tentures du saloon dans lequel il a élu domicile. Homme et acteur excessif dont les colères mémorables ont été immortalisées par Werner Herzog dans Ennemis intimes, Klaus Kinski campe ici un mystérieux avocat dont la discrétion n’est qu’apparente. S’il ne s’emporte jamais, et ne donne pas l’impression de prendre parti pour qui que ce soit, il n’en écoute pas moins tout ce qui se trame alentour, ourdissant un plan machiavélique. On le voit ainsi s’entretenir longuement avec le juge de Tombstone au sujet des O’Hara et de leurs malversations immobilières.

Lorsque débarque Burt Collins, désireux de revoir son frère, Webb flaire le bon coup et fait en sorte que le jeune homme accepte l’étoile de shérif, trop souvent orpheline. Il agit en véritable chef d’orchestre d’une symphonie qui met à mal la domination des O’Hara. Vivant à l’écart de la ville, les O’Hara et leurs hommes suscitent une peur tenace au sein de la population de Tombstone. Une peur que l’on ne perçoit qu’à travers le comportement de l’éternel shérif adjoint, tant Carlo Croccolo fait peu de cas du reste de la population. Devenu shérif après avoir abattu deux hommes de la bande des O’Hara, Burt devient logiquement une cible de choix pour celle-ci. Or, par la magie d’un scénario peu inspiré, les O’Hara se contentent de le tabasser tout en tuant son frère Peter, et en violant la femme de celui-ci, une Indienne. Ils font preuve d’une bêtise qui n’aura de cesse de se manifester tout au long du film. Ayant entrepris de se venger, Burt et sa belle-soeur se rendent à Tombstone pour semer le trouble au sein des rangs ennemis. L’entreprise, couronnée de succès, se solde par quelques morts dont un qui porte clairement la signature de l’Indienne : une flèche en pleine poitrine. Même pour les O’Hara, l’identité des tueurs ne fait aucun doute. Pourtant, ça ne les empêche pas de kidnapper Consuelo, une ex de Burt, pour qu’elle leur révèle l’identité de l’auteur de cette tuerie. Et le final est à l’avenant. L’Indienne donne l’impression de tuer trois fois le même homme, et l’un des O’Hara n’hésite pas à se cacher dans la pièce où il a vu entrer Burt.

De ce fait, difficile de prendre ce film un tant soit peu au sérieux. Le personnage le plus charismatique, James Webb, se retrouve cantonné à un poste d’observateur. Il manigance tout, mais se borne à intervenir le moins possible, se contentant d’extorquer de l’argent au juge et de sauver la vie de Burt quand il n’a pas d’autre choix. Petite touche personnelle, il ne se déplace jamais sans une lourde cargaison de livres, non pas pour prouver son érudition, mais parce que chacun d’entre eux abrite un revolver. Entre ses mains, la culture devient mortelle. C’est la seule petite touche d’originalité que s’accorde Carlo Croccolo. Suffisante pour rendre son film identifiable, mais pas assez pour qu’il se distingue du tout venant de la production italienne de l’époque. Et chose curieuse pour ce genre de film, la violence apparaît complètement aseptisée. Pas ou peu de sang, les impacts de balles étant la plupart du temps absents des corps des victimes. La scène du viol, assortie de la mort du frère, censée représenter le point d’orgue du film, celui qui fait basculer le récit dans une sarabande de violence, est totalement inoffensive. Elle ne suscite aucune réaction tant elle est platement mise en scène. Black Killer se révèle être un western dénué de génie, mettant bout à bout des éléments clés du genre sans parvenir à les sublimer. C’est un film désespérément plat et beaucoup trop sage, sage comme l’image d’une période faste désormais révolue.

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