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Bienvenue chez les ch’tis – Dany Boon

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Bienvenue chez les ch’tis. 2008

Origine : France 
Genre : Comédie 
Réalisation : Dany Boon 
Avec : Kad Merad, Dany Boon, Anne Marivin, Zoé Félix…

L’avantage d’un site de critiques cinéma amateur, c’est que l’on n’est pas tenus de rendre compte de la dernière sortie en salle majeure lorsque celle-ci s’accompagne d’un tapage médiatique répulsif ou au contraire galvanisant, tout dépend de l’esprit de contradiction de chacun. Cet avantage est encore plus prononcé lorsqu’un film connaît un succès commercial considérable, entraînant toute une mode gagnant aussi bien les cours de récréation que les plateaux de télévision ou encore les responsables marketing divers. Face à de tels phénomènes, un peu de recul ne fait pas de mal et permet d’éviter l’écueil du jugement manichéen. En tant que plus gros succès de l’histoire du cinéma français, Bienvenue chez les Ch’tis mérite d’être traité à froid, car là se joue sa véritable carrière à long terme. Le film ne passera jamais dans l’anonymat, c’est un fait, mais quel genre de classique sera-t-il ? Ne sera-t-il plus qu’un classique commercial dont on se lassera sans trop oser le dire ou bien perdurera-t-il comme un classique populaire et critique qu’on rangera volontiers à côté de La Grande vadrouille ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais deux ans après sa sortie, on peut sans trop de problèmes se livrer à sa critique sans se sentir influencés par le débat médiatique.

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Receveur des postes, Philippe Abrams (Kad Merad) souhaite quitter Salon de Provence pour s’établir près de la mer, toujours sur la côte d’Azur. Il espère ainsi améliorer sa relation avec sa femme Julie (Zoé Félix). Mais faute d’obtenir la mutation tant désirée, il simule un handicap pour parvenir à ses fins. Finissant par se trahir lui-même, il est finalement muté dans une petite ville du Nord-Pas-de-Calais en guise de sanction disciplinaire. C’est donc la mort dans l’âme qu’il se rend dans ce qu’il pense être l’enfer du nord, où il vivra seul. En effet, Julie, quoique compatissante, déclare qu’aller vivre à Bergues est au dessus de ses forces. La surprise de Philippe sera pourtant de taille : certes bourrus, certes rustiques, les ch’tis vont se révéler très accueillants et vont faire de sa vie une fiesta quasi permanente.

Un bien maigre scénario n’est pas forcément un gage d’échec. Certaines comédies sont encore plus maigres et n’en sont pourtant pas moins des chefs d’œuvre (pensons par exemple à The Party, dont le sujet se limite à un gaffeur dans une réception mondaine). Ce n’est donc pas sur ce point qu’il faut chercher des noises au second film réalisé par Dany Boon… tant que l’humour est réussi, bien entendu. Et c’est là que le bât blesse : une fois passé le stade de la difficile adaptation de Philippe Abrams à la vie des gens du nord, il n’y a plus grand chose à se mettre sous la dent. Bienvenue chez les Ch’tis s’attarde finalement très peu sur ce décalage entre deux conceptions purement fantaisistes de la vie (d’un côté le sudiste superficiel, de l’autre les bons gars du terroir), preuve en est que Philippe est conquis très tôt dans le film. 24 heures après son arrivée, il est déjà séduit et plus rien ne pourra plus s’interposer entre lui et la vie de Bergues. Boon consacre alors son film à l’illustration du plaisir qu’éprouve son personnage principal à vivre dans une telle contrée, et il se contente de répéter toujours plus ou moins les mêmes gags tournant autour de la décomplexion naturelle (ou simulée et amplifiée, à une occasion) des ch’tis. Tant et si bien que l’on finit par ne même plus remarquer l’accent ch’ti, pourtant en principe la caractéristique la plus marquée des autochtones. En lieu et place de cette confrontation de deux sensibilités différentes, Boon a recours à des histoires d’amour parallèles bien plus personnelles, celle de Philippe qui doit reconquérir sa femme dépressive qui ne peut concevoir qu’il se plait à Bergues, et celle de Antoine Bailleul (Dany Boon) qui doit enfin couper le cordon avec sa mère possessive pour reconquérir sa collègue Annabelle (Anne Marivin). Entre deux gags plus ou moins légers mais toujours sans apport au sujet d’origine (qui est déjà bouclé), Philippe et Antoine vont donc s’entraider dans leurs projets, sans que l’identité ch’ti ne joue là dedans un quelconque rôle. Ces romances croisées sont d’une banalité et d’un conformisme à toute épreuve, ce qui entre dans la vision finalement très limitée de Dany Boon, qui n’a pas su contrebalancer la maigreur de son scénario par une gestion efficace de son humour. Dire que les pitreries ch’tis ne sont de toute façon pas amusantes serait faux. Il y a dans les simagrées régionales de Boon et de sa bande quelque chose de bien mieux que l’humour télévisuel putassier auquel nous ont habitué les comédies françaises de ces dernières années (on ne trouve plus trop de comédies à succès qui ne soient plus rattachées à une personnalité du petit écran… Kad Merad en est d’ailleurs l’un des nombreux exemples, et on peut se féliciter que le choix de Boon ne se soit pas porté sur une personnalité plus envahissante tant le postulat de son film devient de plus en plus fragile). Par contre, une fois que Philippe s’est habitué à son nouveau quotidien, c’est à dire beaucoup trop tôt, ces mêmes simagrées cessent d’être amusantes pour ne plus constituer qu’une toile de fond dont le relief -pourtant largement amoindri- n’est dû qu’à l’insipidité des romances, qui plus élaborées auraient très certainement pris le dessus sur l’identité nordiste du film. En définitive, les trouvailles comiques de Bienvenue chez les ch’tis se trouvent concentrées dans la seule bande annonce, elle-même composée des meilleurs extraits de la première demi-heure, et on finit par se dire que le film n’est en fait qu’un vaste sketch qui se poursuit dans le vide.

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Le film souffre donc de la trop grande rapidité avec laquelle le personnage de Kad Merad s’est coulé dans la vie de Bergues. Pourquoi un si grand empressement ? C’est là que le côté “régionaliste” mérite d’être discuté. Dany Boon a-t-il réalisé une ode à la culture ch’ti ? Une chose est sûre : il est très attaché à ce milieu. Certains ont reproché au film d’être contreproductif, et de vouloir donner un regard positif sur les clichés les plus éculés. Ce faisant, Boon admettrait non seulement que ces clichés sont réels, mais en plus il les généraliserait à toute une petite ville, voire à tout le Nord-Pas-de-Calais. Il est vrai que le film est trompeur : il n’y a aucun nordiste qui ne soit pas ch’ti, et aucune autre ville n’est visitée (si ce n’est Lille, mais aucun lillois n’intervient dans l’histoire). De là, il serait facile de systématiser la description de la ville de Bergues. Une description par ailleurs erronée, puisque les berguois ne parlent pas ch’ti mais flamand. D’un côté, on ne peut pas prétendre que Bienvenue chez les ch’tis n’ait eu aucune ambition touristique : en rendant hommage à sa région tout en assumant les clichés, Boon savait très bien ce qu’il faisait, c’est à dire essayer de redorer le blason de son fief. Mais de l’autre, il ne se doutait sûrement pas que le film allait faire naître un tel engouement pour les ch’tis, d’où le manque de crédibilité et le choix de faire se dérouler le film en vase clos. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : un film en fait assez “autiste”, si l’on puis dire, où le réalisateur fantasme sur sa région, sa culture, en espérant que les spectateurs seront conquis par cette vision du Nord-Pas-de-Calais mais sans faire grand cas de l’éventuel cas contraire. Bienvenue chez les ch’tis est bien le monde idéalisé tel que le conçoit Boon : tout le monde y est gentil, la misère sociale n’existe pas et s’efface au profit d’une misère sentimentale résolue en fin de film. Philippe a fait plus que s’intégrer à la vie locale, il en est devenu membre à part entière, ce qui évite à Boon d’avoir à faire un film plus social, axé sur la véritable découverte quasi-documentariste d’une région qui d’un point de vue plus réel n’est finalement pas si à part, et sur laquelle la question économique devrait jouer beaucoup… ce qui n’est pas follement compatible avec la comédie. Nous avons donc affaire à des personnages fortement repliés sur eux-mêmes au sein de leur petit monde enchanteur. Certains appellent cela “tendresse”, mais on peut également l’appeler “niaiserie”. Tel est le parti pris de Dany Boon. D’un point de vue personnel j’aurais bien davantage apprécié que Boon cherche à vanter plus ouvertement sa région mais en assumant sa condition sociale (en se montrant incisif plutôt que misérabiliste) plutôt que ses clichés.

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Il faut donc juger le film pour ce qu’il a voulu être, c’est à dire une comédie largement coupée des réalités comme tant d’autres (il y aurait toute une étude à faire sur le pourquoi de cette situation cinématographique en France), et non comme un véhicule de propagande ch’ti. Et donc, au point de vue comique, hormis quatre ou cinq scènes attrayantes, la comédie la plus fructueuse du cinéma français est quand même bien pauvre… Toutefois, on ne peut que saluer la rupture de ton d’avec la majorité des autres comédies, celles qui cherchent à racoler via un étalage d’énormités. C’est probablement de là qu’est née l’impression que Bienvenue chez les ch’tis est plus proche du quotidien, là où il n’est en fait qu’une comédie égocentrée sans une once d’audace. Mais au moins elle n’est pas vulgaire et vise plus large qu’un public jeune.

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