2010 : l’année du premier contact – Peter Hyams
2010: The Year we Make Contact. 1984Origine : États-Unis
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Neuf ans après la disparition de Dave Bowman et l’abandon du Discovery dans la proximité de Jupiter, et malgré la guerre froide qui est à son paroxysme, une mission collégiale américaine et soviétique est envoyée dans l’espace à bord du vaisseau soviétique Leonov pour determiner les causes de l’échec de la précédente mission. L’objectif est de pénétrer à bord du Discovery, de réactiver l’ordinateur HAL-9000 et de continuer les recherches sur le monolithe noir, dont le secret n’a pu être percé depuis le dernier message de Dave Bowman : «Mon dieu, c’est plein d’étoiles…». D’abord assez tendues, les relations entre les cosmonautes soviétiques et les trois scientifiques américains se feront plus chaleureuses face au mystère que recèle les abords de Jupiter. Dans le même temps, sur Terre, la guerre semble sur le point d’éclater…
Tout autant que celle du film de Stanley Kubrick, 2010 : l’année du premier contact est la suite de 2001, le livre d’Arthur C. Clarke, duquel il reprend certains noms (le Dr. Chandra, programmateur de HAL) et certaines phrases (la fameuse «Mon dieu, c’est plein d’étoiles…»). Du reste, contrairement à Kubrick qui réalisa son film tout en aidant Clarke à rédiger son livre, le film se base sur 2010, la propre suite qu’Arthur C. Clarke donna tout seul à son roman en 1982. Malgré tout, même si se basant davantage sur Clarke que sur Kubrick, Peter Hyams risque gros. Unité du média oblige, 2010 le film apparait bien comme la suite du 2001 de Kubrick. L’un des plus grands films de l’histoire, une symphonie métaphysique virtuose soulevant pléthore d’interrogations sur l’humanité et au-delà. Rien que ça. Dès lors, que faire de cette suite ?
Le parti-pris de Hyams et de l’écrivain Arthur C. Clarke est à la fois de répondre à plusieurs questions posées dans 2001, sans jamais non plus se défaire totalement du climat lourd de mystères du film de Kubrick. C’est ainsi que nous aurons droit aux explications sur le dysfonctionnement de l’ordinateur HAL 9000 et à celles, encore plus complexes, sur la finalité des monolithes noirs. Des réponses qui se tiennent, mais qui tout de même replacent cette séquelle à un niveau beaucoup moins grandiose que le film de Kubrick. De ce fait, le film gagne en clarté ce qu’il perd en mystère. La peur de l’inconnu, de ce quelque chose de gigantesque qui pesait sur toute la durée de 2001 reste toujours présente, mais cède le pas petit à petit au fil du film sur l’émotion plus facile de l’émerveillement. Chose finalement logique, puisqu’il aurait de toute façon été vain de vouloir reproduire du Kubrick. Un film comme 2001 était déjà bien assez complexe comme cela pour que sa suite ne vienne ajouter d’autres interrogations métaphysiques. Ce qui n’empêche pas Hyams de reprendre certains éléments du film précédent, comme par exemple ses plages de silence rendant compte de l’immensité de l’espace. Mais exit l’usage du Danube Bleu et d’Ainsi Parlait Zarathoustra (excepté pour le générique de début et celui de fin), les deux musiques principales de 2001, qui soulignaient toute la grâce de la mise en scène de Kubrick dans la gestion de ses engins spatiaux. Le réalisateur évite de toute façon de jouer avec la gravité physique comme l’avait fait Kubrick, et, quoique n’étant pas non plus plan-plan, 2010 se montre beaucoup plus humble. Même chose pour le côté “psychédélique” : évaporé. Une modestie qui est tout à l’honneur de Hyams, qui ne se compare jamais à Kubrick, mais qui lui reprend tout de même assez d’éléments pour que la magie de L’Odyssée de l’espace ne soit pas totalement évaporée. Si leur utilité se voit expliquée, la question de l’origine des monolithes demeure en outre secrète, contribuant également à préserver en partie tout le mystère de cette fresque spatiale amorcée en 1968. De plus, 2010 ne se contente pas de répondre à certaines questions soulevées par le film de Kubrick et se forge ses propres thèmes. Beaucoup moins ambitieux également, mais qui contribueraient à élever le niveau de n’importe quel autre film de science-fiction. Il s’agit ici de remettre l’égocentrisme de la politique terrienne à sa place (anticipant ainsi l’Abyss de James Cameron). Vu de l’espace, des mystères entourant les satellites de Jupiter, du monolithe, tous les conflits de la guerre froide apparaissent en effet bien fade. Et c’est à ce titre que le film retournera à des propos plus terre-à-terre, les deux équipages du Leonov, le soviétique et l’américain indiquant clairement la marche à suivre pour la coexistence pacifique sur terre.
2010 : l’année du premier contact est donc aussi bon que pouvait l’être une séquelle de 2001. C’est un film intelligent, sachant à la fois vivre de lui-même et s’inspirer de son prédécesseur sans jamais chercher à le concurrencer. On pourra certes lui reprocher de vouloir parfois (surtout vers la fin) taper dans l’optimisme naïf, mais en tout cas, pour un film grand public se voulant beaucoup plus abordable que 2001, l’ensemble est de haut niveau.