Un zoo en hiver – Jirô Taniguchi
Fuyu no dobutsuen. 2009Origine : Japon
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Jirô Taniguchi est un merveilleux auteur de manga. Connu et reconnu pour des ouvrages comme Quartier lointain ou Le Journal de mon père, Taniguchi réalise là une œuvre très personnelle comme il l’avait fait avec les deux mangas cités précédemment.
Un zoo en hiver raconte l’histoire d’Hamaguchi, jeune dessinateur qui quitte Kyôto pour vivre de sa passion, le dessin, à Tôkyô. Il entre alors au service d’un mangaka qui travaille dans un studio. Hamaguchi découvre le monde du manga. Simple assistant d’un grand auteur, le studio se compose de deux autres assistants qui aident au dessin des œuvres du maître. Découvrant par là même le milieu artistique et le monde de la nuit à Tôkyô, Hamaguchi va faire la connaissance d’une jeune fille malade. Parallèlement à cela, il va commencer à créer son propre manga, poussé par les encouragements de cette jeune fille.
Un zoo en hiver, nouvelle histoire de Taniguchi, est éditée chez Casterman dans la sublime collection écritures. Ce manga a ceci de particulier qu’il raconte de façon directe les souvenirs d’un jeune mangaka à Tôkyô dans les années 60 et de façon indirecte celle de Taniguchi lui-même qui ose enfin se mettre en scène. Bien évidemment, il brode autour de sa véritable expérience, mais l’essentiel est là : Taniguchi nous montre un univers difficile où se mêle rêve et ambition. Suivre le rythme de publication des magazines, finir à temps, travailler la nuit s’il le faut les veilles de bouclage.
Au-delà de la découverte du monde du manga tel qu’il était dans les années 60, inspiré fortement par l’œuvre d’Osamu Tezuka, c’est bel et bien le passage à l’âge adulte que nous peint ici Taniguchi. D’ailleurs, toujours très soucieux de donner à chacun de ses personnages un fond crédible et sincère, il manie avec toujours autant d’aisance cette sorte de mélancolie qu’il aime donner à ses personnages à travers leurs regards. Le passage à l’âge adulte comme je le disais plus haut est un des thèmes forts de cet ouvrage. Taniguchi plonge alors le lecteur dans le quotidien de ce gamin qui ose vivre son rêve en quittant un boulot et en s’installant dans la capitale pour dessiner des mangas. La rencontre de cette fille malade qu’il va aimer est un des points clés de cette histoire. En effet, Taniguchi se sert de cette rencontre comme d’un symbole. Celui où Hamagachi va prendre sa vie complètement en main, où il va se plonger dans son travail en écoutant les critiques de cette fille qu’il ne peut voir souvent, trop malade pour quitter l’hôpital. Mais là où Taniguchi réussit toujours, c’est qu’il ne tombe jamais dans le mélodrame. Bien sûr, on est touché par ce récit, mais l’auteur n’en fait jamais trop, ne s’arrêtant pas pour autant à la surface des sentiments. Il les utilise pour mieux développer son personnage pour mieux le faire grandir et pour mieux nous le faire comprendre.
Taniguchi nous livre alors cette histoire comme si c’était la sienne, comme il l’avait fait avec des mangas comme Quartier lointain ou Le Journal de mon père, ou encore les recueils Terre de rêves et L’Orme du Caucase. C’est là la force de cet auteur qui semble mettre beaucoup de lui-même dans ses histoires. Cette sincérité touche à coup sûr et fait de ses histoires des œuvres à part. Un zoo en hiver, lieu de recueillement d’Hamaguchi ne déroge pas à cette règle.
Une belle histoire très autobiographique, magnifiquement mise en scène grâce au trait fin et souple de cet artiste hors du commun.
Du grand art, comme d’habitude.